La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2010 | FRANCE | N°09BX02266

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 16 décembre 2010, 09BX02266


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 septembre 2009, présentée pour la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES, société anonyme, dont le siège est 4 rue Piroux à Nancy (54000) et pour Me Géraldine A, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES, par Me Conreau ; la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES et Me A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600475 du 30 juin 2009 du Tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion en tant qu'il a limité à la somme de 21 000 euros

tous intérêts compris le montant de la condamnation de la commune du P...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 septembre 2009, présentée pour la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES, société anonyme, dont le siège est 4 rue Piroux à Nancy (54000) et pour Me Géraldine A, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES, par Me Conreau ; la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES et Me A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600475 du 30 juin 2009 du Tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion en tant qu'il a limité à la somme de 21 000 euros tous intérêts compris le montant de la condamnation de la commune du Port au titre des honoraires de l'expertise réalisée à la suite du passage du cyclone Dina ;

2°) de condamner la commune du Port à leur verser la somme de 108 650 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Port la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2010 :

- le rapport de Mme Viard, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite du passage du cyclone Dina sur l'île de La Réunion, les 21 et 22 janvier 2002, la commune du Port a confié l'évaluation des dommages concernant les bâtiments, le matériel, le mobilier et les marchandises à la société Expertises Melloni Océan Indien ; que la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES, qui vient aux droits de ladite société, a demandé au Tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion de condamner la commune du Port à lui verser les honoraires correspondant à sa mission, qu'elle a fixés à la somme principale de 108 650 euros, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, et, à titre subsidiaire, sur le terrain de l'enrichissement sans cause ; que le tribunal administratif, après avoir jugé que le contrat était entaché de nullité, a rejeté les conclusions de la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES fondées sur la responsabilité contractuelle ; qu'il a, par contre, partiellement fait droit à ses conclusions sur le terrain quasi-délictuel en condamnant la commune du Port à lui verser sur ce fondement la somme de 21 000 euros ; que la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES et Me A, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES, font appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à la demande de ladite société ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que les premiers juges ont visé et analysé le mémoire produit par la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES le 10 octobre 2008 en mentionnant qu'il était présenté par Me Conreau, avocat ; que la circonstance que l'extrait du jugement notifié à la requérante ne comporte pas l'intégralité des visas est sans influence sur la régularité dudit jugement ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si la commune du Port a produit devant le tribunal, postérieurement à la date de l'audience à laquelle l'affaire a été appelée, une note en délibéré qui a été visée mais n'a pas été communiquée à la partie adverse, il résulte de l'instruction que cette note, qui avait pour objet de communiquer au tribunal le bordereau de versement à la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES de la somme de 18 966 euros, à titre de provision, en exécution de l'ordonnance du juge des référés en date du 15 février 2007, ne contenait pas l'exposé d'une circonstance de fait dont la commune du Port n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ou d'une circonstance de droit nouvelle ; qu'ainsi, le défaut de communication de ladite note n'a pas porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure ;

Considérant, en troisième lieu, que la commune se prévalait expressément du non-respect des dispositions de l'article 28 du code des marchés publics pour refuser de payer à la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES les honoraires que celle-ci réclamait ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient retenu la nullité du contrat en litige alors que le moyen n'aurait pas été soulevé par la commune du Port ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés ;

Sur la responsabilité :

Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code des marchés publics alors en vigueur : Les marchés publics peuvent être passés sans formalités préalables lorsque le seuil de 90 000 euros hors taxes n'est pas dépassé (...) ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : II. - Peuvent être négociés sans publicité préalable mais avec mise en concurrence : 1° Les marchés pour lesquels l'urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour la personne responsable du marché n'est pas compatible avec les délais exigés par les procédures d'appel d'offres ou de marchés négociés précédés d'un avis d'appel public à la concurrence (...) ; que le contrat conclu entre la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES et la commune du Port stipule que le montant des honoraires hors taxes seront calculés sur les sommes évaluées comme pertes pouvant incomber aux compagnies d'assurances à raison de la procédure amiable prévue d'après le barème ci-après (...) ; que ces stipulations, qui ne permettent pas d'apprécier le respect du seuil mentionné à l'article 28 précité du code des marchés publics, entachent de nullité ledit contrat ; qu'à supposer même que l'urgence des missions confiées à la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES soit établie, elle dispensait seulement la commune de publicité préalable en application de l'article 35 précité du code ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'absence de mise en concurrence était de nature à vicier le contrat ; que, toutefois, ce vice, qui est imputable à la commune du Port et dont celle-ci ne se prévaut que pour refuser de payer à la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES les honoraires qu'elle réclame, ne concerne ni le contenu du contrat ni les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; que, dans ces conditions, et alors qu'il s'agit de régler un différend financier relatif à l'exécution dudit contrat, il y a lieu de trancher le litige sur le terrain contractuel ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes mêmes du contrat et du barème qu'il contient, que la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES devait être rémunérée de sa mission d'expertise en fonction d'un pourcentage variant selon le montant des pertes pouvant incomber aux compagnies d'assurances ; qu'il est constant que la commune du Port a été indemnisée par sa compagnie d'assurances de la somme de 1 068 504 euros ; que compte tenu de ce montant, comme le reconnaissait elle-même la commune en première instance, les honoraires de la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES doivent être calculés en appliquant un pourcentage de 3,90 % jusqu'à 1 000 000 d'euros et de 1,60 % sur le surplus ; qu'ainsi, et alors que ce contrat ne fait aucunement référence au contrat d'assurances souscrit par la commune du Port et ne prévoit pas que les honoraires de cette mission devraient être calculés conformément à ce dernier contrat et notamment en fonction du mode de calcul de la garantie honoraires d'expert qu'il contiendrait, les honoraires correspondant à la mission d'expertise effectuée par la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES doivent être fixés à la somme de 40 096, 06 euros, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 120 euros prévue par le contrat au titre des frais de dossier ;

Considérant que la commune du Port fait valoir que la responsabilité contractuelle de la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES serait engagée en ce qu'elle n'aurait pas rempli l'intégralité de la mission ; que, toutefois, d'une part, le contrat ne prévoyait que l'évaluation des dommages et non la négociation des conditions d'indemnisation et notamment du coefficient de vétusté avec l'assureur de la commune, d'autre part, la circonstance, sans autre précision, que le tableau d'évaluation des dommages serait insuffisamment détaillé n'est pas de nature, alors que la commune a reconnu être satisfaite de la proposition d'indemnisation faite par sa compagnie d'assurances, à établir que la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES aurait manqué à ses obligations contractuelles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la commune du Port à verser à la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES la somme de 40 216,06 euros hors taxes ; que cette somme doit être augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal, fixé dans le département de La Réunion à 8,5 % en application de l'article 296 du code général des impôts ; que la somme due par la commune s'élève donc à 43 634,42 euros ; que doit être déduite de la somme ainsi fixée la provision de 18 966 euros qui a été versée à la société requérante en exécution de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion du 15 février 2007 ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

S'agissant des intérêts courant sur la somme versée à titre de provision à la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES :

Considérant que la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal sur cette somme de 18 966 euros à compter du 31 décembre 2003, date de réception de sa demande préalable à la commune du Port et jusqu'au 15 juillet 2007, date de son versement ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête introductive d'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif, le 6 juin 2006 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, par suite, les intérêts susmentionnés seront capitalisés à cette date ainsi qu'à l'échéance annuelle suivante ;

S'agissant des intérêts courant sur le reste de la somme due :

Considérant que la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal sur la somme restante de 24 668,42 euros à compter du 31 décembre 2003, date de réception de sa demande préalable à la commune du Port ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête introductive d'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif, le 6 juin 2006 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, par suite, les intérêts susmentionnés seront capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à partir de cette date ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES et de Me A, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la commune du Port au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, en application des mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Port la somme de 1 500 euros en remboursement des frais exposés non compris dans les dépens par la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES et par Me A ;

DÉCIDE :

Article 1er : La commune du Port est condamnée à verser à la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES la somme globale de 43 634,42 euros dont devra être déduite la somme de 18 966 euros versée à titre de provision.

Article 2 : La somme de 18 966 euros portera intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2003 jusqu'au 15 juillet 2007. Lesdits intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts les 6 juin 2006 et 6 juin 2007.

Article 3 : La somme de 24 668,42 euros portera intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2003. Lesdits intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 6 juin 2006 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES et de Me A ainsi que les conclusions de la commune du Port sont rejetées.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion en date du 30 juin 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : La commune du Port versera à la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES et à Me A, en sa qualité de mandataire-liquidateur de la SOCIETE EXPERTISES MELLONI ET ASSOCIES, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions de la commune du Port tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

6

N° 09BX02266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX02266
Date de la décision : 16/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre VIARD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CONREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-12-16;09bx02266 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award