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15/03/2012 | FRANCE | N°11BX02903

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 15 mars 2012, 11BX02903


Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2011, présentée pour M. Shpetim A, demeurant chez M. B, ... par Me Roux, avocat ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100873 du 23 juin 2011 du président du tribunal administratif de Limoges rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2011 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour d'un an ou, à défaut,

de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l...

Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2011, présentée pour M. Shpetim A, demeurant chez M. B, ... par Me Roux, avocat ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100873 du 23 juin 2011 du président du tribunal administratif de Limoges rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2011 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour d'un an ou, à défaut, de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 794 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions sur proposition du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 2012 :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président ;

Considérant que M. A, ressortissant albanais, est entré en France en septembre 2008 selon ses déclarations ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 30 avril 2009, confirmée le 1er septembre 2010 par la Cour nationale du droit d'asile ; que l'intéressé a demandé par courrier du 15 juin 2010 à bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 10 septembre 2010, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Limoges le 22 mars 2011, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour à ce titre ; que par courrier du 13 janvier 2011, M. A a introduit un recours gracieux à l'encontre de ce refus et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français ; que, par un arrêté du 5 mars 2011, le préfet de la Haute-Vienne a, d'une part, rejeté son recours gracieux et, d'autre part, refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français ; que M. A fait appel de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Limoges rejetant sa demande d'annulation de cette décision ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que l'arrêté du 5 mars 2011 rejette, d'une part, le recours gracieux en date du 13 janvier 2011 formé à l'encontre de la décision du 10 septembre 2010 et, d'autre part, la demande d'admission au séjour présentée le même jour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A a demandé devant le tribunal administratif l'annulation de la décision préfectorale du 5 mars 2011 lui refusant le séjour en qualité de conjoint de français ; qu'il est fondé à soutenir que la décision du préfet n'étant pas purement confirmative de ses décisions antérieures, c'est à tort que le président du tribunal administratif de Limoges a regardé sa demande comme irrecevable ; qu'il y a lieu pour la cour d'annuler l'ordonnance attaquée, d'évoquer et de se prononcer immédiatement sur les conclusions de M. A devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 mars 2011 en ce qu'elle rejette le recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 10 septembre 2010 :

Considérant que si M. A, devant le tribunal, comme devant la cour, demande l'annulation de la décision du 5 mars 2011 en ce qu'elle rejette sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant que cette partie de la décision est purement confirmative de l'arrêté du 10 septembre 2010, dès lors qu'elle répond à un recours gracieux, les circonstances de fait et de droit étant constantes ; que ces conclusions sont donc irrecevables ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 mars 2011 en ce qu'il refuse le séjour en qualité de conjoint de français :

Considérant que la décision contestée précise les motifs de droit et de fait qui constituent le fondement du refus de séjour ; que le préfet n'était pas tenu d'indiquer lequel des impératifs énumérés à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lui avait paru permettre une ingérence dans la vie privée et familiale de l'intéressé ; que, dans ces conditions, le refus de séjour, qui relève l'entrée irrégulière sur le territoire faisant obstacle, nonobstant le mariage avec une française, au bénéfice d'un visa de long séjour accordé par le préfet , est suffisamment motivé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au conjoint d'un ressortissant français est subordonnée, notamment, à l'obtention d'un visa pour un séjour supérieur à trois mois délivré, sous réserve d'en remplir les conditions, à la demande de l'étranger ;

Considérant que M. A, qui a épousé le 28 décembre 2010 Mme Sabahete B, dont il n'est pas contesté qu'elle est de nationalité française, ne disposait pas, à la date de sa demande de titre de séjour, le 13 janvier 2011, du visa exigé par les dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il vivrait avec son épouse depuis 2008 comme il l'affirme ; qu'en tout état de cause, ainsi que le relève le préfet de la Haute-Vienne, il est entré irrégulièrement en France et ne remplissait donc pas les conditions posées par l'article L. 211-2-1 précité ; qu'ainsi, le préfet de la Haute-Vienne a pu sans commettre d'erreur de droit opposer le défaut de visa de long séjour pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi en qualité de conjoint de française ;

Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " ; qu'aux termes de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : " 1. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'Etat. / 2. Le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l'homme et à la femme à partir de l'âge nubile. / 3. Nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des futurs époux. / 4. Les Etats parties au présent Pacte prendront les mesures appropriées pour assurer l'égalité de droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. En cas de dissolution, des dispositions seront prises afin d'assurer aux enfants la protection nécessaire " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes enfin de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il est entré en France en septembre 2008, qu'il s'est marié avec une ressortissante française avec laquelle il vit depuis son entrée sur le territoire français et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est entré récemment en France, à l'âge de vingt-trois ans ; que le mariage dont il fait état est très récent et que la vie commune alléguée n'est pas établie avant août 2010 ; qu'il n'établit pas davantage disposer d'autres attaches en France ni être isolé en Albanie ; que dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que l'arrêté du 5 mars 2011 n'a par suite méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit également de ce qui a été dit que n'a pas été méconnu l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, non plus, en tout état de cause, que le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Considérant enfin qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'aux termes enfin de l'article R. 312-2 de ce même code : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance " ; que M. A n'étant pas, ainsi qu'il a été dit, au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 5 mars 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au bénéfice de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 23 juin 2011 du tribunal administratif de Limoges est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Limoges et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

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No 11BX02903


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11BX02903
Date de la décision : 15/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : ROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-03-15;11bx02903 ?
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