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31/12/2012 | FRANCE | N°11BX01624

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 31 décembre 2012, 11BX01624


Vu la requête, enregistrée sous forme de télécopie le 6 juillet 2011 et régularisée par courrier le 7 juillet 2011, présentée pour la SARL Le Saint-Barth, dont le siège social est 132, quai Baudin à Agen (47000) par Me Sauvaire, avocat ;

La SARL Le Saint-Barth demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0702247-0702262, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002, d'autre p

art, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au tit...

Vu la requête, enregistrée sous forme de télécopie le 6 juillet 2011 et régularisée par courrier le 7 juillet 2011, présentée pour la SARL Le Saint-Barth, dont le siège social est 132, quai Baudin à Agen (47000) par Me Sauvaire, avocat ;

La SARL Le Saint-Barth demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0702247-0702262, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) d'ordonner la décharge des impositions contestées ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Le Saint-Barth exploite une discothèque à Agen ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle lui ont été réclamés, dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire, des rappels en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2001 et 2002 ainsi qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à ces années ; que la société Le Saint-Barth fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux ayant rejeté, après les avoir joints, ses recours dirigés contre ces impositions et les pénalités dont elles sont assorties ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments dont la société requérante a assorti ses moyens présentés à l'appui de ses conclusions en décharge, a suffisamment répondu à ces moyens ; que, par suite, la critique du jugement en tant qu'elle procède d'un caractère insuffisant de la réponse apportée à l'argumentation de la société doit être écartée ;

Sur la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré du recours à l'interlocuteur départemental :

3. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; que le paragraphe 5 du chapitre III de cette charte, dans sa version remise à la société, indique que " si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal " et que " si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur " ;

4. Considérant que les rappels contestés procèdent d'une proposition de rectification en date du 30 juin 2004 à laquelle le représentant de la société requérante a répondu le 19 août suivant ; que, dans cette réponse, il a sollicité une entrevue avec l'interlocuteur départemental ; que, par une lettre du 28 septembre 2004, datée du même jour que la réponse aux observations, la vérificatrice a pris acte de la demande de saisine de l'interlocuteur départemental formulée par le représentant de la société, l'a informé de la transmission de son courrier et l'a avisé de ce qu'il serait reçu préalablement par le chef de brigade, son supérieur hiérarchique direct, chargé de lui proposer un rendez-vous ; que ce rendez-vous a été proposé par cet agent le 30 septembre 2004 et la rencontre a eu lieu le 8 octobre 2004 ; que, le désaccord persistant, la société requérante a demandé le 26 octobre 2004 la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a donné son avis le 25 mars 2005 ; que cet avis, suivant lequel " la reconstitution effectuée par l'administration mérite d'être révisée " sur certains points, a été notifié à la société le 24 juin 2005 par le service des impôts qui l'a informée cependant du maintien des redressements procédant de cette reconstitution et des bases d'imposition en découlant ; que la mise en recouvrement des impositions est intervenue le 28 juillet 2005 ;

5. Considérant que la société Le Saint-Barth, à l'issue de l'entretien que lui avait accordé le supérieur hiérarchique de la vérificatrice après l'envoi de la réponse à ses observations, a tiré les conséquences du désaccord persistant entre elle et le service des impôts en demandant la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'elle a été informée du maintien de ce désaccord lors de la notification de cet avis dont l'administration lui a indiqué qu'elle ne le suivrait pas, avant de mettre en recouvrement les impositions un mois plus tard ; qu'ainsi, elle a été, au cours de la procédure précédant l'établissement des impositions, en mesure de réitérer sa demande de saisine de l'interlocuteur départemental ; que la circonstance, invoquée par la société requérante, que l'inspecteur principal, chef de brigade, n'a pas au cours de l'entretien du 8 octobre 2004 " fait confirmer par le dirigeant social son intention d'en référer à l'interlocuteur départemental " ne peut être regardée comme ayant préjudicié à ses droits ; que les termes du courrier du 28 septembre 2004 n'impliquaient pas que l'entrevue avec le chef de brigade serait, quel que soit le résultat de cette entrevue, automatiquement suivie de l'intervention de l'interlocuteur départemental ; qu'ils n'ont pas induit en erreur la société quant à l'étendue des droits que lui conféraient à cet égard les mentions précitées de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

En ce qui concerne le moyen tiré d'un défaut d'information après l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :

6. Considérant que la société Le Saint-Barth ne conteste pas, au titre de l'exercice 2001, la régularité de la motivation de la proposition de rectification non plus que celle de la motivation de la réponse à ses observations, mais reproche au service des impôts un défaut d'information "en temps opportun ", après que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a exprimé son avis, quant aux " éléments de fait et de droit qui fondent son action en reprise " ; que, cependant, l'article R.59-1 du livre des procédures fiscales n'impose pas à l'administration d'autre obligation que celle de notifier l'avis de la commission départementale et d'informer " en même temps " le contribuable " du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition " ; que cette obligation a été respectée en l'espèce ; que, contrairement à ce que tend à soutenir la société requérante, l'administration n'opère pas, en notifiant l'avis de la commission qu'elle ne suit pas, une reprise de procédure, mais se borne à poursuivre la procédure contradictoire initialement engagée ; qu'aucun texte ne l'oblige à exposer de nouveau les motifs qui fondent les redressements notifiés puis confirmés dans le cadre de cette procédure et qu'elle maintient en dépit de l'avis de la commission départementale ;

En ce qui concerne le moyen tenant à l'incidence de la rectification des résultats de l'exercice 2001 sur ceux de l'exercice 2002 ;

7. Considérant que les redressements régulièrement notifiés au titre de l'exercice 2001 ont eu pour effet de combler le déficit déclaré pour cet exercice et de rendre cet exercice bénéficiaire, donc de faire obstacle à l'imputation du déficit déclaré au titre de 2001 sur les résultats de l'exercice suivant ; que la circonstance que la non-imputation du déficit déclaré pour 2001 sur les résultats de 2002 n'ait pas donné lieu à une motivation autonome dans le corps de la notification au titre de 2002 n'entache pas d'irrégularité la proposition de rectification dès lors que les tableaux annexés à celle-ci faisaient apparaître la rectification des bases taxables de chaque exercice procédant des redressements notifiés, dont la rectification du résultat de 2002 résultant de l'effacement du déficit de 2001 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés d'irrégularités de procédure doivent être écartés ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'état de la comptabilité et ses modes de justification :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les recettes journalières de la discothèque étaient, au cours de la période en litige, enregistrées globalement sur un agenda qui les ventilaient seulement selon les rubriques " entrées ", " bar ", " vestiaire " et " grill " et où était agrafé un ticket de caisse mentionnant le total des boissons vendues ; que, si des tickets provenant de la caisse enregistreuse située dans le bar ont été présentés, d'une part, il manquait des tickets afférents à certaines périodes dont, pour l'exercice 2001, celle allant du 11 au 28 novembre, d'autre part, le montant figurant sur certains des tickets produits présentait des incohérences par rapport au montant enregistré sur l'agenda le même jour, enfin les tickets conservés se bornaient à enregistrer le total de la somme due par client sans indication de la nature et du montant des produits vendus, de sorte que ne pouvait être contrôlée la cohérence d'ensemble des produits achetés et vendus, alors que, contrairement à ce que soutient la société, les prix ne sont pas tous identiques selon les produits servis ou les prestations réalisées ; qu'en outre, les carnets à souche tenus pour les vestiaires ont été détruits pour la période antérieure au 28 septembre 2001 ; que, s'il est vrai que la société est astreinte, comme elle le fait valoir, à la tenue d'une billetterie pour la justification des entrées à la discothèque et que les carnets à souche de cette billetterie présentés à la vérificatrice n'ont pas suscité de critique de sa part, la justification lacunaire des ventes de boissons, dont le montant déclaré représente plus de la moitié des recettes totales déclarées, suffit à priver de valeur probante l'enregistrement comptable de l'ensemble de ces recettes tirées de la même activité, dans un même lieu, avec le même personnel et les mêmes produits ; que ces graves irrégularités autorisaient le service des impôts à écarter la comptabilité de la société et à reconstituer de manière extracomptable ses recettes ; que la mesure d'expertise demandée par la société quant à la tenue de ses documents comptables, dont il résulte de l'instruction qu'ils ne faisaient pas l'objet, s'agissant d'une part majeure de ses recettes, de justifications détaillées, ne peut être regardée comme utile à la solution du litige ; qu'il ne ressort pas des termes de la doctrine administrative invoqués par la société requérante que l'administration ait entendu tenir pour probante une comptabilité dont les recettes sont justifiées de manière lacunaire comme en l'espèce ;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

10. Considérant que la reconstitution des recettes de la société a conduit à rehausser ses résultats de l'année 2001, dans le cadre de la procédure contradictoire, ainsi qu'il a été dit plus haut ; que, dans le cadre de cette procédure, la preuve reste à la charge de l'administration dès lors qu'elle ne s'est pas conformée à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

11. Considérant que la vérificatrice a reconstitué les recettes de la discothèque au titre de 2001 en faisant abstraction des boissons non alcoolisées et en ne prenant pour base de sa reconstitution que les achats d'alcool comptabilisés, corrigés de la variation des stocks inventoriés pour ces derniers produits, que retrace le tableau annexé à la proposition de rectification du 30 juin 2004 ; que ces achats utilisés d'alcools ont été classés selon leur nature et leur contenance ; qu'à partir des indications écrites du gérant transmises au cours du contrôle, ayant confirmé, notamment au titre de cet exercice 2001, les tarifs alors pratiqués par nature de produits et ayant aussi précisé la part des ventes selon qu'elles sont faites au verre ou à la bouteille ainsi que les dosages servis lors des ventes au verre, de même que les consommations " internes " correspondant aux produits consommés par le personnel, ces achats, déduction faite des quantités consommées par le personnel, ont été convertis en doses et en bouteilles vendues ; que les quantités résultant de ces doses et bouteilles de produits alcoolisés vendus ont été multipliées par les tarifs de vente correspondants ; que cette reconstitution a abouti à un chiffre d'affaires hors taxe de 2 236 037 francs ; que de cette somme ont été distraites les ventes de boisson correspondant aux entrées payantes, pour le montant comptabilisé de ces entrées, soit 842 517 francs hors taxe (HT), puis la différence, soit 1 393 520 francs HT, a été réduite de 20% pour tenir compte des offerts, pertes et coulage, soit une somme en définitive de 1 114 816 francs faisant apparaître, selon la proposition de rectification précitée, un chiffre d'affaires de vente d'alcools hors entrées payantes excédant de 248 432 francs soit 37 873 euros celui déclaré à ce titre ;

12. Considérant que la méthode de reconstitution des recettes de la société Le Saint-Barth au titre de 2001 qui vient d'être décrite n'est ni radicalement viciée ni excessivement sommaire ; qu'elle n'est pas non plus entachée de " l'erreur de principe " que lui reproche la société requérante en tant que la reconstitution porte à la fois sur les boissons servies en contrepartie du billet d'entrée et celles vendues en dehors de ce billet, dès lors que ces deux modalités de vente se rapportent à la même activité de l'entreprise et concernent des produits identiques, dont il ne résulte au demeurant pas de l'instruction qu'ils feraient l'objet d'un service différencié, notamment quant au dosage des boissons servies au verre ; que le fait que la régularité formelle de la billetterie n'ait pas été remise en cause par le service des impôts ne lui interdisait pas d'intégrer les produits servis en échange des billets d'entrée, et ce pour le montant déclaré pour ces billets, dans la reconstitution globale du chiffre d'affaires ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que, eu égard au prix du billet d'entrée et aux tarifs de vente des produits hors billet, ce mode de reconstitution intégrant les deux types de recettes conduise par lui-même à une exagération des recettes reconstituées ; que la circonstance que le pourcentage de réduction pour offerts, pertes et coulages ait été appliqué aux seules recettes reconstituées hors billetterie n'entache pas cette reconstitution d'exagération dans la mesure où la comptabilité n'avait enregistré aucune charge à ce titre et aucun élément de justification à cet égard n'a été produit par l'entreprise, toutes les boissons vendues au verre étaient servies avec un doseur, les consommations du personnel déjà déduites et les boissons non alcoolisées totalement exclues de l'assiette de la reconstitution ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant la réalité et le montant des minorations de recettes qu'elle a réintégrées dans les résultats imposables de la société Le Saint-Barth au titre de 2001 et dans son chiffre d'affaires déclaré au titre de la même période ;

Sur les pénalités :

13. Considérant que les rappels procédant de la reconstitution des recettes de la société Le Saint-Barth ont été assorties, en plus de l'intérêt de retard, de la majoration de 40% prévue par l'article 1729 du code général des impôts quand " la mauvaise foi est établie " ; que, eu égard à l'importance des recettes dissimulées par rapport au résultat déclaré au titre de 2001, qui était déficitaire, et même au chiffre d'affaires déclaré, et compte tenu des irrégularités comptables à la faveur desquelles ces dissimulations ont été commises, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de la société Le Saint-Barth d'éluder l'impôt, donc la mauvaise foi de cette société ; que, par suite, le moyen tiré d'une inexacte application des dispositions de l'article 1729 doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Le Saint-Barth n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions en litige ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Saint-Barth est rejetée.

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N° 11BX01624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX01624
Date de la décision : 31/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SAUVAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-31;11bx01624 ?
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