La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2013 | FRANCE | N°13BX00991

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 19 novembre 2013, 13BX00991


Vu la requête enregistrée le 9 avril 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 12 avril 2013 présentée pour M. B...A...élisant domicile... ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202423 du 10 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 13 février 2012 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fixé un délai de départ volontaire de 30 jours et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans ;

2°) d'annuler pour excès d

e pouvoir l'arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procé...

Vu la requête enregistrée le 9 avril 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 12 avril 2013 présentée pour M. B...A...élisant domicile... ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202423 du 10 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 13 février 2012 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fixé un délai de départ volontaire de 30 jours et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen par application de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Amari de Beaufort en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2013, le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;

1. Considérant que par arrêté en date du 28 septembre 2011 le préfet de la Haute-Garonne a refusé à M. A...de lui délivrer un titre de séjour et a accompagné cette décision d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de 3 ans ; que, par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 9 janvier 2012, cet arrêté a été annulé en tant seulement qu'il portait refus d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour pendant une durée de 3 ans ; qu'à la suite de cette annulation partielle, le préfet de la Haute-Garonne a pris à l'encontre de M.A..., le 13 février 2012, un arrêté fixant un délai de départ volontaire de 30 jours et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans; que, par un jugement du 18 avril 2013, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté présentée par M.A... ; que M. A...interjette appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité de l'arrêté :

2. Considérant, d'une part, qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que par suite, M. A...ne peut utilement invoquer à l'encontre de l'arrêté attaqué qui fixe le délai de départ volontaire et fait interdiction de retour, la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoyant une procédure contradictoire, qui ne sont pas applicables ;

3. Considérant, d'autre part, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet se situe dans le champ d'application de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, que celle-ci ait été transposée ou non ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne [C-617/10 du 26 février 2013, point 21], lorsqu'une réglementation nationale entre dans le champ d'application du droit de l'Union, il ne saurait exister de cas de figure qui relèvent du droit de l'Union sans que les droits fondamentaux trouvent à s'appliquer ; que la décision de retour imposée à un étranger dont la demande de titre de séjour a été rejetée est donc régie par les principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

4. Considérant qu'en vertu de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout étranger qui sollicite un titre de séjour doit se présenter personnellement en préfecture, et qu'aux termes de l'article R. 311-13 du même code : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français." ; qu'ainsi M. A...ne pouvait ignorer que si la demande de titre de séjour qu'il avait présentée, en invoquant les circonstances de fait qui la justifiaient selon lui, n'était pas accueillie, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ainsi que de décisions fixant le délai de départ volontaire et lui interdisant le retour en France ; que le requérant n'allègue pas avoir disposé d'éléments nouveaux et pertinents à porter à la connaissance du préfet de nature à faire obstacle à l'édiction de telles mesures ; qu'en se bornant à soutenir que le préfet devait lui adresser une invitation à présenter des observations, alors qu'il résulte de ce qui précède qu'une telle obligation ne résultait pas nécessairement des principes applicables, il n'établit en tout état de cause aucune méconnaissance des principes fondamentaux du droit de l'Union Européenne dont s'inspire la charte des droits fondamentaux qu'il invoque ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

5. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;

6. Considérant que M. A...soutient que la décision attaquée qui fixe son délai de départ volontaire à 30 jours est entachée d'erreur de droit car elle est motivée par le fait qu'il ne justifierait d'aucun motif exceptionnel pour bénéficier d'un délai supérieur alors qu'aucune disposition ne subordonne la prolongation à l'existence d'un tel motif ; qu'il est toutefois constant qu'en utilisant les termes contestés le préfet a entendu prendre en compte la situation personnelle de l'intéressé et relever que sa situation ne justifiait pas qu'à titre exceptionnel un délai supérieur à 30 jours lui soit accordé ; que le moyen doit donc être écarté ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour en France pour une période de 2 ans :

7. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que le préfet doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que cette motivation doit attester de la prise en compte par le préfet, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi ;

9. Considérant que par la décision attaquée, le préfet ne justifie l'interdiction de retour en France durant une période de 2 ans que par le motif que l'intéressé n'établit pas l'existence de liens d'une particulière intensité en France et que ses frères et soeurs résident au Sénégal, son pays d'origine ; que, si ce motif peut être regardé comme se rapportant au critère relatif à la nature des liens de l'intéressé avec la France, en revanche, il ne ressort pas des termes de l'arrêté que le préfet ait tenu compte de la durée de la présence de l'intéressé sur le territoire français et de l'ancienneté de ses liens avec la France alors que M. A...affirme y résider et y travailler depuis 2001 ; qu'il ne ressort pas non plus de l'arrêté que le préfet aurait tenu compte de la circonstance que l'intéressé aurait déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement ni qu'il aurait évalué la menace pour l'ordre public qu'aurait représenté la présence de M. A...en France ; que, dans ces conditions, ainsi que le soutient le requérant, la décision d'interdiction de retour en France est insuffisamment motivée au regard des exigences des dispositions précitée du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande présentée par M. A...tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour en France en date du 13 février 2012 ; que dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel il y a lieu d'annuler cette décision pour le motif indiqué ci-dessus ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt annulant la décision d'interdiction de retour en France, il y a lieu, comme le demande le requérant, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à la suppression du signalement de l'intéressé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Amari de Beaufort, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Amari de Beaufort de la somme de 1 500 euros ;

DECIDE

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 13 février 2012 est annulé en tant qu'il interdit à M. A...le retour sur le territoire français pendant une période de deux ans.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de faire procéder à la suppression du signalement de M. A...aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 10 janvier 2013 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Amari de Beaufort avocat de M. A..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

''

''

''

''

2

No 13BX00991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00991
Date de la décision : 19/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : AMARI DE BEAUFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-11-19;13bx00991 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award