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30/10/2014 | FRANCE | N°12BX02607

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 30 octobre 2014, 12BX02607


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2012, présentée pour M. B...D..., demeurant au..., par Me C...;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100885 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré à MmeE..., néeA..., par le maire de Lugasson le 4 novembre 2010 et à ce qu'il soit enjoint au maire de Lugasson de faire dresser un procès-verbal d'infraction concernant les constructions réalisées avant l'obtention d'une autorisation d'urbanisme ;

2°)

d'annuler ce permis de construire et de prononcer cette injonction ;

3°) de mettre...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2012, présentée pour M. B...D..., demeurant au..., par Me C...;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100885 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré à MmeE..., néeA..., par le maire de Lugasson le 4 novembre 2010 et à ce qu'il soit enjoint au maire de Lugasson de faire dresser un procès-verbal d'infraction concernant les constructions réalisées avant l'obtention d'une autorisation d'urbanisme ;

2°) d'annuler ce permis de construire et de prononcer cette injonction ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lugasson la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014 :

- le rapport de M. Paul-André Braud, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bouyer, avocat de M. D...et celles de Me Bouard, avocat de Mme E...;

1. Considérant que MmeA..., propriétaire de la parcelle cadastrée ZU n° 27 à Lugasson, a agrandi son habitation en faisant édifier en 2009 plusieurs constructions sans autorisation ; qu'elle a alors déposé une demande de permis de construire le 2 novembre 2009 concernant la réalisation d'une terrasse, d'une piscine, d'un abri piscine, d'un local technique, d'un abri voiture ouvert, d'un local pour une cuve à fioul et d'un abri à bois ; que le maire de Lugasson lui a délivré le permis de construire ainsi sollicité le 16 novembre suivant ; qu'à la suite du recours contentieux formé par M.D..., propriétaire d'un terrain et d'une habitation mitoyens, le maire de Lugasson a, le 3 janvier 2011, retiré le permis délivré à Mme A...; qu'entretemps, MmeA..., après avoir modifié son projet en y ajoutant la réalisation d'une clôture et d'un portail, avait déposé une nouvelle demande de permis de construire le 30 août 2010 ; que M. D...relève appel du jugement n° 1100885 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 14 juin 2012 rejetant sa demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré à Mme A... par le maire de Lugasson le 4 novembre 2010 ;

Sur la recevabilité de la demande de M. D...:

2. Considérant que lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi par un tiers d'un recours contre une décision d'autorisation qui est remplacée, en cours d'instance, soit par une décision de portée identique, soit par une décision qui la modifie sans en altérer l'économie générale, le nouvel acte doit être notifié au tiers requérant, le délai pour le contester ne pouvant commencer à courir pour lui en l'absence d'une telle notification ;

3. Considérant que Mme A...a, en première instance, opposé la forclusion de la requête et qu'elle n'a pas expressément abandonné cette fin de non-recevoir en appel ; que le permis délivré à Mme A...le 16 novembre 2009 a fait l'objet d'un recours contentieux formé par M. D...donnant lieu à un jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 14 juin 2012 ; qu'ainsi, le permis en litige du 4 novembre 2010 a, en cours d'instance, remplacé le permis délivré le 16 novembre 2009 sans en altérer l'économie générale ; que, dès lors, le délai ouvert à M. D...pour contester le permis en litige ne pouvait commencer à courir qu'à compter de la notification de cet acte ; qu'en l'absence de notification du permis de construire en litige à M.D..., la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. " ; qu'aux termes de l'article R. 431-9 de ce code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-10 dudit code : " Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. " ;

5. Considérant que si la régularité de la procédure d'instruction d'un permis de construire requiert la production par le pétitionnaire de l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, le caractère insuffisant du contenu de l'un de ces documents au regard desdites dispositions ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des critères énumérés par les dispositions précitées ;

6. Considérant que M. D...soutient que la notice, le plan de masse et le plan de coupe prévus par les articles précités du code de l'urbanisme sont incomplets et qu'il manque au dossier de demande de permis de construire le plan des façades et des toitures, le document graphique et les deux photographies mentionnées à l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire déposé comprenait des plans intitulés " état initial ", " état de régularisation " et " état projeté " ; que le plan de masse intitulé " état projeté " est bien coté dans les trois dimensions en faisant apparaître les constructions existantes et les plantations maintenues ; que ces plans, accompagnés de photographies, décrivent le terrain d'assiette du projet, les constructions existantes, y compris celles à régulariser, la végétation et les éléments paysagers existants ; que ces plans retracent l'état des façades et des toitures ; que les photographies permettent d'apprécier l'impact visuel du projet et son insertion dans son environnement ; qu'ainsi, l'administration était mise en mesure d'apprécier si le projet satisfait aux critères posés par les dispositions précitées du code de l'urbanisme ; qu'en outre, si M. D...soutient que le dossier ne faisait pas mention que la parcelle, assiette de l'implantation du projet en cause, relevait pour partie de la zone NB et pour l'autre partie de la zone NC, cette distinction est néanmoins retranscrite dans les plans joints au dossier de demande de permis de construire qui font état de la " limite de constructibilité " ;

7. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article NB1 du plan d'occupation des sols de la commune de Lugasson : " Ne sont admis que : les reconstructions à l'identique, les constructions à usage d'habitation, les constructions à usage agricole, les équipements publics (...) " ; que M. D...soutient que les constructions envisagées ne sont pas des constructions à usage d'habitation mais de simples annexes dont la construction ne serait pas admise par le plan d'occupation des sols ; qu'il ressort des pièces du dossier que les constructions dont l'implantation est envisagée en zone NB consistent en un abri à voiture ouvert, une terrasse carrelée et un local pour la cuve à fioul ; que si les dispositions précitées de l'article NB1 du plan d'occupation des sols ne font effectivement pas mention des annexes, elles n'interdisent pas pour autant que les constructions à usage d'habitation soient équipées de terrasses, d'abris à voiture et de locaux pour le fioul ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article NB1 du plan d'occupation des sols doit être écarté ;

8. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article NB7 du plan d'occupation des sols de la commune de Lugasson : " Les constructions pourront être implantées en continu, semi-continu ou discontinu. Dans les deux derniers cas le ou les côtés non contigu(s) devra ou devront être distant(s) de la limite séparative d'au moins 3 m (...) " ; que pour l'application de ces dispositions, l'implantation en ordre continu, semi-continu ou discontinu s'apprécie par rapport aux limites séparatives, qu'elles soient ou non déjà construites ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans de l'état projeté, que le permis de construire en litige autorise la construction d'un abri à voiture ouvert et d'un local pour la cuve à fioul, à proximité de la limite séparative des propriétés de M. D...et de Mme A...; que le projet autorisé prévoit également l'édification d'une clôture sur cette limite séparative ; que l'abri à voiture ouvert et le local pour la cuve à fioul sont situés à plus de quarante-cinq centimètres de la clôture ; que ces constructions doivent dès lors être regardées comme étant implantées en ordre discontinu ; qu'ainsi, le côté non contigu de ces constructions longeant la clôture est situé à moins de 3 mètres de la limite séparative des propriétés de M. D...et de Mme A...; que, par suite, le maire de Lugasson ne pouvait autoriser la construction de ces deux ouvrages sans méconnaître l'article NB7 du plan d'occupation des sols ;

10. Considérant en dernier lieu, que l'article NC1 du plan d'occupation des sols de la commune de Lugasson relatif aux occupations et utilisations du sol en zone NC prévoit que : " Ne sont admis que :- les constructions directement liées et nécessaires à l'activité et au logement des exploitants agricoles de la zone,- la reconstruction à l'identique des bâtiments existants non liés à l'exploitation agricole,- l'aménagement et l'extension des bâtiments existants avant la publication du P.O.S. et non liés à l'activité agricole. Cette extension ne pourra excéder 50% de la surface plancher hors oeuvre nette (SHON) du bâtiment existant sans que la surface totale n'excède 250 m2 de plancher hors oeuvre brute, - les équipements publics de type : station d'épuration, château d'eau, transformateur...- les équipements sportifs. " ;

11. Considérant que M. D...soutient que le projet envisage la construction d'un abri à bois et d'une remise en zone NC ; qu'il n'est ni établi ni même allégué, tant par Mme A...que par la commune de Lugasson, que ces constructions se rattachent à l'une des catégories autorisées par l'article NC1 précité, dont les dispositions n'ont au demeurant pas été expressément visées par l'arrêté en cause ; que ce rattachement ne ressort pas davantage des pièces du dossier ; que la circonstance que Mme A...ait renoncé à la construction de l'abri à bois et de la remise est sans incidence sur la légalité du permis de construire en litige, la cour ne pouvant " donner acte " aux parties de leurs intentions comme le demande l'intéressée ; que dans ces conditions, le maire de Lugasson ne pouvait autoriser la construction de ces ouvrages sans méconnaître l'article NC1 du plan d'occupation des sols ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, les ouvrages visés aux points 9 et 11 étant divisibles des autres bâtiments objet du permis, M. D...n'est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré à Mme A...le 4 novembre 2010 qu'en tant qu'il autorise la construction d'un abri à voiture, d'un local de cuve à fioul, d'un abri à bois et d'une remise ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

14. Considérant que l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le maire de Lugasson fasse dresser un procès-verbal des constructions édifiées sans autorisation ; que, par suite, lesdites conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que Mme A...et la commune de Lugasson demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Lugasson une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du maire de Lugasson en date du 4 novembre 2010 accordant le permis de construire sollicité par Mme A...est annulé en tant qu'il autorise la construction d'un abri à voiture, d'un local de cuve à fioul, d'un abri à bois et d'une remise.

Article 2 : Le jugement n° 1100885 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 14 juin 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Lugasson versera à M. D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Bordeaux et des conclusions qu'il a présentées devant la cour est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de Mme A...et de la commune de Lugasson présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 12BX02607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX02607
Date de la décision : 30/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation locale. POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : LUSTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-10-30;12bx02607 ?
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