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01/10/2015 | FRANCE | N°14BX02763

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 01 octobre 2015, 14BX02763


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Robert a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2012 par lequel le préfet de la Martinique a procédé au déclassement de 101 parcelles dépendant de la zone dite des cinquante pas géométriques et sises au lieu-dit de la Pointe Hyacinthe sur le territoire de la commune et la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 26 juillet 2012, et d'autre part, d'enjoindre au préfet, à titre principal de procéder à la résoluti

on de l'acte de vente des parcelles déclassées ou, à titre subsidiaire, de sais...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Robert a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2012 par lequel le préfet de la Martinique a procédé au déclassement de 101 parcelles dépendant de la zone dite des cinquante pas géométriques et sises au lieu-dit de la Pointe Hyacinthe sur le territoire de la commune et la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 26 juillet 2012, et d'autre part, d'enjoindre au préfet, à titre principal de procéder à la résolution de l'acte de vente des parcelles déclassées ou, à titre subsidiaire, de saisir le juge du contrat en vue de la résolution de cet acte, dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1201065 du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé cet arrêté ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la commune du Robert et a enjoint au préfet de la Martinique, s'il ne peut obtenir la résolution de la convention de vente signée avec la SCI Les Cyprès, de saisir le juge du contrat, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement, afin que soit prononcée la résolution de cette convention.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2014 sous le numéro 14BX02763, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 15 juillet 2014 ;

2°) de rejeter les demandes de la commune de Robert.

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II°) Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2014 sous le numéro 14BX02772, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1201065 du tribunal administratif de la Martinique en date du 15 juillet 2014.

..........................................................................................................

III°) Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 octobre 2014, le 19 janvier et 24 février 2015 sous le numéro 14BX02943, la SCI Les Cyprès demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201065 du 15 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'arrêté du préfet de la Martinique en date du 16 juillet 2012 ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la commune du Robert, et a enjoint au préfet de la Martinique, s'il ne peut obtenir la résolution de la convention de vente signée avec la SCI Les Cyprès, de saisir le juge du contrat dans un délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement afin que soit prononcée la résolution de cette convention ;

2°) d'enjoindre à la commune du Robert de produire la délibération du conseil municipal habilitant son maire à ester en justice ;

3°) de rejeter la demande de la commune du Robert ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Robert la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

IV°) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 novembre 2014 et le 19 janvier 2015 sous le numéro 14BX03080, la SCI Les Cyprès demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1201065 du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 15 juillet 2014 ;

2°) de mettre à la charge de la commune du Robert la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du domaine de l'Etat ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;

- la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 ;

- le décret n°89-734 du 13 octobre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me Descriaux, avocat de la commune du Robert.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Les Cyprès, qui regroupe des occupants de terrains de la zone des cinquante pas géométriques situés pointe Hyacinthe sur le territoire de la commune du Robert en Martinique, qui y ont réalisé divers réseaux, a déposé auprès des services de la préfecture de la Martinique le 2 mars 1993 une demande de cession à son profit de ces terrains. La commission des cinquante pas géométriques, consultée à deux reprises sur ce projet, a émis deux avis favorables les 5 avril 1995 et 13 septembre 2000. Le préfet de la Martinique a alors, par un arrêté en date du 16 juillet 2012, déclassé du domaine public maritime 99 parcelles afin de permettre leur cession à la SCI Les Cyprès, cette dernière devant alors les rétrocéder aux occupants des terrains. Le recours gracieux de la commune du Robert a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le tribunal administratif de la Martinique a annulé cet arrêté, à la demande de la commune du Robert, par un jugement en date du 15 juillet 2014 qui retient un défaut de nouvelle consultation de la commission des cinquante pas géométriques, et a enjoint au préfet de la Martinique, dans l'hypothèse où il ne pourrait obtenir de la SCI Les Cyprès la résolution de la convention de vente, de saisir le juge du contrat afin que soit prononcée la résolution de cette convention. Le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a, par deux requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 14BX02763 et 14BX02772, relevé appel de ce jugement et sollicité qu'il soit sursis à son exécution. La SCI Les Cyprès a présenté les mêmes demandes par deux autres requêtes enregistrées sous les numéros 14BX02943 et 14BX03080.

2. Les requêtes du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et de la SCI Les Cyprès sont dirigées contre le même jugement, il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité des conclusions en appel :

3. L'article R. 431-4 du code de justice administrative, applicable devant les cours en vertu de l'article R. 431-13 de ce code, dispose que : " Dans les affaires où ne s'appliquent pas les dispositions de l'article R. 431-2, les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir. ". L'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. ". L'article L. 2122-22 de ce code dispose que : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...)". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal peut légalement donner au maire une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune pendant la durée de son mandat.

4. A supposer que la SCI Les Cyprès ait entendu opposer le défaut de qualité du maire de la commune du Robert pour représenter cette dernière en appel, il ressort des pièces produites par la commune que, par délibération du 15 avril 2014, le conseil municipal du Robert a, sur le fondement de l'article L. 2121-22 du code général des collectivités territoriales, donné délégation au maire pour " intenter au nom de la commune les actions en justice " et pour " défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans tous les cas nécessaires ". Le maire de la commune du Robert justifie ainsi par cette seule délibération de sa qualité pour agir en justice au nom de la commune et la représenter régulièrement dans les présentes instances.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Martinique en date du 16 juillet 2012 :

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la commission des cinquante pas géométriques a été consultée en 1995 et en 2000 sur les cessions projetées, certaines parcelles ayant été ajoutées la deuxième fois, et a donné dans les deux cas un avis favorable. Contrairement à ce que soutient la commune du Robert, il résulte suffisamment de la comparaison des plans annexés à ces avis et à l'acte de cession en vue duquel a été pris l'arrêté en litige, ainsi que du tableau de concordance dressé par les services de l'Etat entre les parcelles à la suite de leur renumérotation, dont la commune n'apporte aucun élément sérieux de nature à mettre l'exactitude en doute, que l'ensemble des parcelles dont l'arrêté ordonne le déclassement en vue de leur cession à la SCI Les Cyprès a fait l'objet d'une consultation de la commission des cinquante pas géométriques.

6. D'autre part, il ressort de l'arrêté en litige que le préfet de la Martinique a déclassé les parcelles en cause en faisant application de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, laquelle a institué une possibilité de déclassement des terrains situés dans la zone des cinquante pas géométrique désormais codifiée dans le chapitre 1er, intitulé " Dispositions communes ", du titre 1er, intitulé " Zone des cinquante pas géométriques et terrains exondés relevant du domaine public maritime ", du livre 1er de la cinquième partie du code général de la propriété des personnes publiques. Si la commune du Robert invoque un changement dans les circonstances de droit à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer, qui, dans les " dispositions particulières à la Guadeloupe et à la Martinique ", institue une nouvelle procédure de cession des terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques afin de faciliter la cession de certains terrains situés dans cette zone, il ressort des travaux préparatoires de cette loi que ces dispositions ne font par elles-mêmes pas obstacle à l'application de la procédure de cession, toujours en vigueur, issue de la loi du 3 janvier 1986, et organisée par le décret du 13 octobre 1989, qui ne concerne que les cessions de terrains occupés en vertu d'un titre administratif de jouissance, ou sur lesquels des constructions ont été édifiées antérieurement à 1986. Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune du Robert, la procédure de cession issue de la loi du 30 décembre 1996 ne s'est pas substituée, dans les territoires de la Guadeloupe et de la Martinique, mais s'est ajoutée à la procédure de cession issue de la loi du 3 janvier 1986 qui est applicable à l'ensemble des territoires disposant d'une zone des cinquante pas géométriques. Dès lors la commune du Robert ne peut utilement soutenir que cette dernière loi aurait créé des circonstances de droit nouvelles de nature à justifier une nouvelle consultation de la commission des cinquante pas géométriques.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et la SCI Les Cyprès sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a retenu ce motif pour annuler l'arrêté du préfet de la Martinique en date du 16 juillet 2012. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la commune du Robert devant le tribunal administratif.

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement. ". En l'absence de dispositions législatives ou règlementaires prévoyant qu'une telle décision doive être motivée, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige ne peut qu'être écarté comme inopérant.

9. En second lieu, ainsi qu'il a été énoncé au point 11, le projet de cession à l'origine de l'arrêté en litige a été déposé aux services de la préfecture de la Martinique le 2 mars 1993, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1996. Par ailleurs, l'arrêté litigieux vise la loi du 3 janvier 1986, restée en vigueur, et non la loi du 30 décembre 1996. Il en résulte que la demande de cession de terrains déposée par la SCI Les Cyprès a été instruite selon la procédure issue de la loi du 3 janvier 1986. Dès lors, la commune du Robert ne peut utilement invoquer la méconnaissance de plusieurs des dispositions issues de la loi du 30 décembre 1996, ni à l'encontre de l'arrêté de déclassement du 16 juillet 2012, ni en tout état de cause en critiquant le contenu de l'acte de cession ultérieur en vue duquel il a été pris.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de la commune du Robert ni sur la régularité du jugement, que l'arrêté du 16 juillet 2012 n'est pas entaché d'illégalité et que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et la SCI Les Cyprès sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé l'arrêté du préfet de la Martinique en date du 16 juillet 2012 ainsi que, par voie de conséquence, la décision implicite du préfet de la Martinique rejetant le recours gracieux formé par la commune du Robert, et a fait droit à ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui annule le jugement et rejette les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de la commune du Robert, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par cette dernière ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les requêtes n° 14BX02772 et 14BX03080 :

12. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions des requêtes n° 14BX02763 et 14BX02943 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et de la SCI Les Cyprès tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions des requêtes n° 14BX02772 et 14BX03080 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Les Cyprès, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune du Robert demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Les Cyprès et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201065 du tribunal administratif de la Martinique en date du 15 juillet 2014 est annulé.

Article 2 : La demande de la commune du Robert devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : La commune du Robert versera à la SCI Les Cyprès une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n° 14BX02772 et 14BX03080 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et de la SCI Les Cyprès.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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Nos 14BX02763, 14BX02772, 14BX02943, 14BX03080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX02763
Date de la décision : 01/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCM BEA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-01;14bx02763 ?
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