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24/05/2016 | FRANCE | N°14BX01575

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 24 mai 2016, 14BX01575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Guyane bâtiment Général a demandé au tribunal administratif de Guyane d'annuler la décision du 18 avril 2011 par laquelle le préfet de la Guyane a prononcé la résiliation, à compter du 1er avril 2011, du marché de travaux -lot n° 1, Gros Œuvre, qui lui avait été confié.

Par un jugement n° 1100937 du 27 février 2014, le tribunal administratif de la Guyane a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la reprise de relations contractuelles et a rejeté le surpl

us de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2014, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Guyane bâtiment Général a demandé au tribunal administratif de Guyane d'annuler la décision du 18 avril 2011 par laquelle le préfet de la Guyane a prononcé la résiliation, à compter du 1er avril 2011, du marché de travaux -lot n° 1, Gros Œuvre, qui lui avait été confié.

Par un jugement n° 1100937 du 27 février 2014, le tribunal administratif de la Guyane a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la reprise de relations contractuelles et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2014, la société Guyane bâtiment Général, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Guyane du 27 février 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 18 avril 2011 ;

3°) d'ordonner une expertise afin d'établir de manière contradictoire un constat des travaux au moment de la résiliation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la résiliation ne pouvait être prononcée à ses torts dès lors que le fait que la phase 2 n'ait pu commencer ne lui était pas imputable mais résultait :

- du fait qu'elle attendait la réponse au mémoire en réclamation adressé au maître d'ouvrage, conformément à l'article 50.1 du cahier des clauses administratives générales ;

- du retard pris dans le désamiantage, lequel a eu d'importantes conséquences financière ;

- du découpage du marché en phases et non en tranches ;

- du défaut de remise du planning TCE du 2 décembre 2010 et du retard pris sur le planning travaux DCE ;

- du caractère incomplet du plan d'installation de chantier compte tenu du manque d'un avenant et d'un ordre de service portant accord du maître d'ouvrage pour les travaux de modification de la sortie parking sur l'avenue Virgile, des travaux indispensables pour l'exécution du plan d'installation de chantier ; la demande de travaux supplémentaires faisant l'objet du devis 2010/09 avait été remise en même temps que le plan d'installation ;

- au fait que les travaux de démolition donnés à une autre entreprise par la DAF en méconnaissance du code des marchés publics.

Ainsi, la résiliation est imputable à des retards et des blocages dans la poursuite du chantier et a été prise en méconnaissance du code des marchés publics.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête de la société Guyane Bâtiment Général.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable à défaut de comporter des moyens juridiques ;

- l'Etat ayant conclu, le 29 février 2012, un nouveau marché portant sur les travaux non exécutés par la société Guyane Bâtiment Général, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles du marché conclu avec cette société, d'autant que le terme de ce marché est dépassé.

- Cette société avait méconnu à plusieurs reprises ses obligations contractuelles :

Elle est responsable du retard de huit semaines dans l'exécution des travaux de la phase I ce qui les contraints à reporter les travaux de désamiantage ;

Elle n'a pas exécuté les prestations qu'elle devait fournir ; elle a refusé de participer à des réunions de chantier entre le 16 décembre 2010 et le 7 avril 2011 après réception du rapport de l'APAVE sur le désamiantage ;

Elle n'a pas déféré à la mise en demeure de réaliser les travaux préparatoires à la phase II du marché ;

- la DAF pouvait décomposer le marché en trois phases conformément aux documents contractuels ; le fait que la société GBG ait perçu une avance forfaitaire démontre que le marché ne comportait pas de tranches conditionnelles. Le planning a utilisé à tort les termes de " tranche " et de " réception " ;

- l'arrêt de chantier n'était pas imputable à la DAF et il avait été prévu par le marché ; le CCTP prévoyait en effet un délai de six semaines pour le désamiantage ; si la suspension a durée trois mois, c'est en raison du retard pris par cette société dans l'exécution des travaux de la phase I ;

- un avenant marquant l'accord pour les travaux indispensables à la réalisation du plan d'installation de chantier n'était pas nécessaire ;

- le planning tous corps d'Etat (TCE) du 2 décembre 2010 a été remis à l'entreprise par huissier le 28 décembre 2010.

- le mémoire en réclamation présenté par la société était incomplet et sa demande n'était pas justifiée, l'augmentation des prix unitaires n'étant pas due à des évènements exceptionnels ;

- la suspension des travaux durant plusieurs mois lui étant imputable, elle ne saurait se prévaloir d'un préjudice à ce titre ; en outre, le chiffrage de ce préjudice dans sa requête est beaucoup important que celui indiqué dans sa demande préalable à la DAF ;

- aucune autre entreprise n'était présente sur ce chantier avant la résiliation du marché ;

- la reprise des relations contractuelles demandée par la requérante présente un risque d'atteinte excessive aux droits du nouveau titulaire du marché ; le marché signé le 29 février 2012 avec la société Sefitec n'a d'ailleurs pas été contesté.

Par ordonnance du 22 juin 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 7 août 2015 à 12h00.

Par une lettre adressée aux parties le 9 mars 2016, la cour les a informées qu'en vertu de l'article 1792-6 du code civil, un marché de travaux ayant pour terme la réception des travaux, seul l'acte de réception de ces travaux est de nature à mettre fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ; ainsi, en se fondant, pour prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société GBG tendant à la reprise des relations contractuelles, sur le fait que le terme du marché conclu entre l'Etat et la société Sefitec était dépassé, sans s'être assuré de la réception des travaux, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité.

Par un mémoire enregistré le 16 mars 2016, la société Guyane Bâtiment Général conclut aux mêmes fins que la requête et reconnaît le bien-fondé du moyen d'ordre public soulevé par la cour. Elle demande en outre à la cour d'ordonner une expertise afin d'établir de manière contradictoire un constat des travaux au moment de la résiliation.

Par un mémoire enregistré le 17 mars 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut aux mêmes fins et soutient en outre que la réception des travaux a été actée par trois actes de réception des 15 janvier 2015, 27 février 2015 et 11 mars 2015 et par l'acte de levée de réserves du 17 novembre 2015, l'ensemble de ces actes étant joint à ses écritures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 mai 2009, le préfet de la Guyane, au nom de l'Etat, a conclu avec la Sarl Guyane Bâtiment Général, un marché public de travaux portant sur le lot n°1 " Gros oeuvre, d'extension des locaux de la direction de l'agriculture et de la forêt et de la direction des services vétérinaires ". Ce marché comprenait deux phases successives, une phase 1, portant sur la démolition partielle du bâtiment B existant et la construction de la première phase du bâtiment neuf et une phase 2, portant sur la fin de démolition du bâtiment B existant et la construction de la deuxième phase du bâtiment neuf, dans un délai prévu respectivement à 7 et 13 mois. Le montant des travaux s'élevait à 521 471,06 euros pour la phase 1 et 1 187 271, 88 euros pour la phase 2, soit une somme globale de 1 708 742,94 euros. Par décision du 18 avril 2011, le pouvoir adjudicateur a prononcé la résiliation du marché aux frais et risques de la société Guyane Bâtiment Général, à compter du 1er avril 2011. Il a conclu, le 29 février 2012, avec l'entreprise Sefitec, un nouveau marché, portant sur les travaux du lot n° 1 non encore exécutés, d'un montant de 1 570 000 euros. La société Guyane Bâtiment Général a demandé au tribunal administratif d'annuler la décision du 18 avril 2011 du préfet de la Guyane prononçant à ses frais et risques la résiliation, à compter du 1er avril 2011, du marché qui lui avait été confié. Par un jugement n° 1100937 du 27 février 2014, le tribunal administratif de Guyane a estimé que la demande de cette société devait être regardée comme une demande tendant à la reprise des relations contractuelles et qu'il n'y avait plus lieu d'y statuer dès lors que ce marché avait été confié à une nouvelle entreprise et que le terme stipulé de ce nouveau marché était dépassé. La société Guyane Bâtiment Général relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. "

3. En soutenant que le marché ne pouvait être résilié à ses torts dès lors que le retard pris pour l'exécution de la phase 2 ne lui était pas imputable, la société requérante, qui critique l'appréciation portée tant par les premiers juges que l'administration, doit être regardée comme invoquant un moyen de droit à l'appui de sa requête. Par suite, la fin de non recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions précitées doit être rejetée.

Sur la régularité du jugement :

4. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles.

5. Il incombe au juge du contrat, saisi d'une telle demande, de déterminer d'abord si celle-ci conserve son objet. Cette demande perd son objet, notamment, lorsque les obligations prévues par le contrat à la charge du cocontractant ont été entièrement exécutées.

6. Pour juger qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Guyane Bâtiment Général tendant à la reprise des relations contractuelles, le tribunal administratif de Cayenne s'est uniquement fondé sur le fait qu'à la date à laquelle il a statué, le délai d'exécution des prestations prévues par le marché de substitution conclu entre l'Etat et la société Sefitec était dépassé, alors que l'expiration de ce délai était, par elle-même, sans incidence sur la date d'entière exécution des obligations résultant du contrat passé entre l'Etat et la société Guyane Bâtiment Général. En prononçant sur ce seul fondement un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Guyane Bâtiment Général à fin de reprise des obligations contractuelles, le tribunal administratif a commis une irrégularité qui entraîne l'annulation de son jugement.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la société Guyane Bâtiment Général devant le tribunal administratif de la Guyane.

Sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles :

8. Le marché de travaux conclu avec la société Guyane Bâtiment Général avait pour objet la réalisation d'un ouvrage. Par suite, l'accomplissement des obligations contractuelles de cette société ne pouvait trouver sa sanction que dans l'acceptation de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage.

9. Sauf stipulation contraire dont il n'appartient pas au juge de connaître d'office, la réception est cet acte par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Ainsi, seule une réception sans réserve des travaux, mettant fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, pouvait fonder le constat de l'entière exécution des obligations prévues par le contrat à la charge de la société Guyane Bâtiment Général. Dès lors, s'agissant de la reprise de l'exécution d'un marché de travaux, la demande est dépourvue d'objet si, à la date à laquelle le juge statue, les travaux dont l'exécution avait été confiée à l'entreprise requérante ont été réceptionnés par le maître de l'ouvrage.

10. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la résiliation du marché en litige, le préfet de la Guyane, après avoir publié un avis d'appel public à la concurrence le 6 juin 2011, a finalement attribué le lot " gros oeuvre " dont la société Guyane Bâtiment Général avait été titulaire, à la société Sefitec par un marché signé le 29 février 2012. Il ressort des actes de réception EXE4, EXE5 et EXE6 de ces travaux, signés les 15 janvier, 27 février et 11 mars 2015, que la réception de ceux-ci avait été subordonnée à la levée de réserves concernant des imperfections et malfaçons indiquées aux annexes 01 et 02. Ces réserves ont finalement été levées par un acte du 17 novembre 2015. Par suite, à la date à laquelle la cour statue, les travaux dont il s'agit ayant été entièrement réalisés, les obligations prévues à la charge de la société Guyane Bâtiment Général ont été entièrement exécutées. Dès lors, les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles entre l'Etat et la société requérante ont perdu tout objet.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100937 du 27 février 2014 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par la société Guyane Bâtiment Général devant le tribunal administratif de la Guyane tendant à ce que soit prononcée la reprise de ses relations contractuelles avec l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Guyane Bâtiment Général est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Guyane Bâtiment Général, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de la région Guyane.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2016 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Bertrand Riou, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 mai 2016.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRE

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Virginie MARTY La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 14BX01575


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01575
Date de la décision : 24/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : QUAMMIE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-05-24;14bx01575 ?
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