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07/06/2016 | FRANCE | N°15BX04159

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 07 juin 2016, 15BX04159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1505218 et 150521

9 du 30 novembre 2015 statuant par requêtes jointes, le tribunal administratif de Bo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1505218 et 1505219 du 30 novembre 2015 statuant par requêtes jointes, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes dirigées contre ces deux arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2015, M. A...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2015 ;

2°) d'annuler les arrêtés contestés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sylvie Cherrier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant sénégalais né le 1er août 1974, est entré régulièrement en France le 1er juin 2008 sous couvert d'un visa valable du 1er au 10 juin 2008. Il a fait l'objet d'un premier arrêté en date du 26 octobre 2009 par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination, confirmé par un jugement du tribunal administratif de Rouen du 2 novembre 2009. Le 25 novembre 2015, il a fait l'objet d'un second arrêté par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire de deux ans et d'un troisième arrêté du même jour par lequel ce dernier a ordonné son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours. M. B...relève appel du jugement n° 1505218 et 1505219 du 30 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux derniers arrêtés.

Sur la légalité des décisions en date du 25 novembre 2015 :

Sur la légalité externe de ces décisions :

2. M. B...soutient qu'en ne le mettant pas en mesure de présenter ses observations avant de prendre les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire et le plaçant en rétention, le préfet de la Gironde a méconnu le principe général du droit, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, imposant à l'administration d'entendre une personne avant de prendre à son encontre une décision lui faisant grief. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M.B... a été auditionné par les services de police le 25 novembre 2015, avant l'édiction des mesures en litige, dans le cadre d'une procédure de vérification du droit au séjour. Au cours de cette audition, il a été interrogé sur ses conditions d'entrée et de séjour en France, sa situation personnelle et familiale, ses attaches dans son pays d'origine, ses conditions d'hébergement et ses moyens de subsistance. Il lui a également été demandé s'il avait des observations particulières à formuler sur la mesure d'éloignement qui pourrait être prise à son encontre, ce à quoi il a répondu qu'il ne souhaitait pas retourner au Sénégal, sans autres précisions. Ainsi, M. B...a été mis en mesure, avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français et de la mesure de placement en rétention prises à son encontre, de faire valoir les éléments qui auraient pu faire obstacle à son retour dans son pays d'origine et n'a pas souhaité présenter d'observations particulières. Dans ces conditions, il ne peut sérieusement soutenir que le préfet aurait méconnu le principe du contradictoire ou son droit d'être entendu.

Sur la légalité interne de l'obligation de quitter le territoire français sans délai :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. B...soutient qu'il réside en France depuis plusieurs années, qu'il justifie d'un domicile et de ressources et qu'il est titulaire d'un emploi au sein de la société ACTIF depuis 2013, en qualité d'employé d'exécution de câblage informatique. Il fait valoir par ailleurs sa bonne intégration dans la société française.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille et que, bien que disposant de ressources, il ne dispose pas d'un logement propre. En outre, il se maintient sur le territoire de manière irrégulière depuis son arrivée, ayant fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français du préfet de l'Oise, à laquelle il n'a pas déféré, confirmée par un jugement du tribunal administratif de Rouen. Les démarches qu'il a entreprises avec l'aide de son employeur afin de régulariser sa situation administrative sont en tout état de cause postérieures à l'arrêté attaqué. Enfin, M. B...dispose de fortes attaches familiales au Sénégal où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans et où résident huit de ses frères et soeurs. Dans ses conditions, la mesure d'éloignement litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité interne de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

7. Comme il a été dit plus haut, M. B... s'est maintenu irrégulièrement en France depuis son arrivée en 2008 et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français du préfet de l'Oise, à laquelle il n'a pas déféré, confirmée par un jugement du tribunal administratif de Rouen. Il ne fait pas état de liens familiaux en France, ni de liens privés particuliers. Le seul fait qu'il exerce un emploi depuis 2013 ne caractérise pas l'existence de liens anciens et d'une intensité suffisante avec la France. Par suite, en adoptant à son encontre une interdiction de retour pendant une durée de deux ans, le préfet de la Gironde n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-1 précité, ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

Sur la légalité interne de la décision de placement en rétention administrative :

8. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ".

9. M. B...soutient qu'il aurait dû faire l'objet d'une assignation à résidence, plutôt que d'un placement en rétention administrative, dès lors qu'il disposait de garanties de représentation suffisantes, et notamment d'un domicile. Toutefois, l'intéressé a lui-même déclaré au cours de son audition par les services de police le 25 novembre 2015, lorsqu'il a été interrogé sur ses moyens de subsistances, qu'il travaillait " de temps en temps au noir ", pas de façon régulière, et que les seules liquidités à sa disposition se résumaient à une somme de 50 euros. Par ailleurs, s'il justifie d'un hébergement chez un ami à Asnières-sur-Seine et d'un passeport valide, il s'est maintenu, ainsi qu'il a été dit, irrégulièrement sur le territoire pendant sept ans et n'a pas déféré à une première mesure d'éloignement, confirmée par un jugement du Tribunal administratif de Rouen. Dans ces conditions, et alors que M. B... a déclaré qu'il ne souhaitait pas retourner au Sénégal, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant son placement en rétention administrative et non son assignation à résidence.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 25 novembre 2015. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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N° 15BX04159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX04159
Date de la décision : 07/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité externe - Procédure.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : HAMMAMI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-06-07;15bx04159 ?
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