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04/04/2017 | FRANCE | N°15BX00886

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 04 avril 2017, 15BX00886


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M B...A...a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler la décision du 15 novembre 2013 par laquelle la première adjointe au maire de Sinnamary a prononcé son exclusion temporaire de fonctions privative de toute rémunération pour une durée de trois jours à compter du 20 novembre suivant.

Par un jugement n° 1400033 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2015, M.A..., r

eprésenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2015 du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M B...A...a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler la décision du 15 novembre 2013 par laquelle la première adjointe au maire de Sinnamary a prononcé son exclusion temporaire de fonctions privative de toute rémunération pour une durée de trois jours à compter du 20 novembre suivant.

Par un jugement n° 1400033 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2015, M.A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2015 du tribunal administratif de Cayenne ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 novembre 2013 ;

3°) de dire et juger que le montant retenu sur son traitement devra être reversé ;

4°) de condamner la commune de Sinnamary aux dépens de l'instance et au paiement d'une indemnité de 5 000 euros au titre du harcèlement moral.

Il soutient que :

- la sanction, signée par le première adjointe alors que le maire n'a pris son vol pour Paris qu'en fin d'après-midi, est entachée d'incompétence, le maire ne pouvant en l'espèce être regardé comme absent au sens de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales ; par ailleurs, ces dispositions ne permettent de prendre que les décisions qui s'imposent pendant l'absence du maire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; au surplus, la signataire n'a pas fait précéder sa signature de la mention " Pour le maire empêché. Le 1er adjoint " ; la commune ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une délégation de signature au profit de la première adjointe ;

- pour établir la matérialité des griefs, il appartenait à l'autorité disciplinaire de procéder à une enquête administrative, ce dont elle s'est abstenue ;

- il ne disposait pas du certificat délivré par un organisme agréé par le comite français d'accréditation requis depuis l'année 2011 ; le maire lui a refusé l'accès à une formation complémentaire ; il n'était donc pas tenu de déférer à l'ordre en cause, manifestement illégal au sens des dispositions de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 ; il n'était pas compétent pour effectuer des travaux urgents d'électricité dans une école maternelle ; la fiche de poste qu'il n'a pas signée doit être écartée des débats ;

- la sanction est manifestement disproportionnée ; elle méconnaît la lettre et l'esprit des lois des 13 juillet 1983 et 26 janvier 1984 ;

- la retenue de 3/30ème opérée sur son traitement a le caractère d'une sanction pécuniaire ; l'autorité disciplinaire lui a infligé une sanction non prévue par les textes ;

- il a subi des agissements de harcèlement moral de la part du maire qui l'a astreint, après quatorze ans de services à accompagner les agents d'EDF lors du relevé des compteurs, à réceptionner les travaux d'électricité effectués par une société privée, ce qui l'a contraint à travailler sans pause de 7 heures à 23 heures et le lendemain de 7 heures à 11 heures, en le croisant dans la rue en dehors des horaires de travail, lui a demandé de reprendre son poste ; il a subi de nombreuses vexations ayant pour objet de l'isoler, le déconsidérer et le pousser à la faute ; ces agissements, non sans incidence sur sa santé, ont conduit à son placement en arrêt de travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2015, la commune de Sinnamary, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A... à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle oppose les fins de non-recevoir tirées d'une part, de ce que la requête tend, non à l'annulation du dispositif du jugement mais à l'annulation de l'arrêté contesté, d'autre part, de l'absence de tout moyen d'appel et fait valoir que :

- eu égard à l'absence du maire, la première adjointe était compétente pour prendre la décision contestée ; l'omission de visa de cette absence est sans incidence ; le moyen tiré de l'absence de délégation de signature est inopérant s'agissant en l'espèce d'une suppléance ;

- M.A..., déjà sanctionné le 18 juin 2011 pour son attitude irrespectueuse et son refus d'obéissance, a fait l'objet d'une douzaine de rappels à l'ordre entre le 12 novembre 2012 et le 1er mars 2013 ; les griefs sont établis ; l'agent était tenu de se conformer aux ordres en cause qui n'étaient pas manifestement illégaux ; l'intéressé disposait des compétences requises ; sa fiche de poste prévoyait l'exécution de travaux d'entretien, notamment d'électricité ; le relevé des compteurs et la pose de goulottes entrent dans le champ de compétence de l'intéressé, qui n'a pas alerté son supérieur hiérarchique ; la sanction n'est pas disproportionnée ;

- la demande indemnitaire est irrecevable en l'absence de liaison du contentieux ;

- ni le détournement de pouvoir ni le harcèlement allégués ne sont établis ; la retenue sur le traitement résulte de la sanction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la commune de Sinnamary.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., adjoint technique territorial de 2ème classe, chargé de l'entretien des bâtiments communaux, relève appel du jugement du 5 février 2015 du tribunal administratif de Cayenne et demande l'annulation de la décision en date du 15 novembre 2013 par laquelle la première adjointe au maire de Sinnamary a prononcé son exclusion temporaire de fonctions privative de toute rémunération pour une durée de trois jours en lui reprochant d'avoir refusé, le 18 juillet 2013, d'accompagner un agent de la société Electricité de France pour le relevé des compteurs des bâtiments communaux et, le 27 août 2013, d'exécuter des travaux urgents d'électricité dans une école maternelle.

Sur les conclusions en annulation :

2. Le requérant conclut expressément à l'annulation du jugement en première page de ses écritures, qui ne constituent pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance. Les fins de non-recevoir opposées sur ce point ne peuvent qu'être écartées.

3. Le pouvoir disciplinaire appartient, en vertu des dispositions combinées de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'avant dernier alinéa de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 à l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination. En vertu des dispositions de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales, le maire, en cas d'absence, est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations. Les pouvoirs de l'adjoint suppléant sont restreints aux actes dont l'accomplissement au moment où il s'impose normalement serait empêché par l'absence du maire.

4. A la date du 15 novembre 2013, à laquelle a été prononcée la sanction, le maire de Sinnamary a embarqué à bord d'un avion à destination de Paris où se tenait le congrès des maires de France. Cet avion décollait en fin d'après-midi. Dans les circonstances de l'affaire, compte tenu tant de l'absence de risque de dysfonctionnement du service, au demeurant non allégué, que de la durée prévisible de l'empêchement du maire, la sanction en cause, infligée à raison de faits intervenus en juillet et août 2013, ne peut être regardée comme s'imposant normalement à la date de son édiction. Dans ces conditions, ni les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, ni aucun autre texte n'autorisaient la première adjointe à signer l'arrêté en cause. M. A...est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet acte, pris par une autorité incompétente.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Il résulte de l'instruction que les faits reprochés, dont la matérialité est établie, pouvaient légalement justifier une sanction et que compte tenu tant de la manière de servir de M.A..., qui a fait l'objet entre le 12 novembre 2012 et le 1er mars 2013 d'une douzaine de rappels à l'ordre et d'un avertissement sanctionnant son refus d'obéissance, que de la nature de ses fonctions, la sanction du premier groupe, d'exclusion temporaire de fonctions pendant trois jours, n'était pas disproportionnée. Dans ces conditions, l'illégalité fautive entachant la sanction n'a pu occasionner de préjudice à M.A....

6. La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 a introduit dans la loi du 13 juillet 1983 un article 6 quinquies, entré en vigueur le 19 janvier 2002, aux termes duquel " aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Pour être qualifiés de harcèlement moral, les faits doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

7. M. A...soutient avoir subi de nombreuses vexations ayant pour objet de l'isoler, de le déconsidérer et de le pousser à la faute. A l'appui de ses allégations, il fait valoir que le maire l'a astreint, après quatorze ans de services, à accompagner les agents d'EDF lors du relevé des compteurs, à réceptionner les travaux d'électricité d'une société privée le contraignant à travailler sans relâche de 7 heures à 23 heures et le lendemain de 7 heures à 11 heures, puis, en le croisant dans la rue en dehors des horaires de travail, lui a enjoint de rejoindre son poste. S'ils peuvent révéler l'existence de graves tensions entre M. A...et son supérieur hiérarchique, les faits invoqués, même pris dans leur ensemble, ne permettent pas de faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral définis, indépendamment de l'article 6 quinquies précité, comme des agissements vexatoires répétés. La circonstance que l'état de santé de M. A...ait été affecté par son environnement professionnel et qu'il ait été placé de ce fait en arrêt de travail ne suffit pas davantage à apporter cette présomption, ces arrêts de travail n'ayant d'ailleurs pas été reconnus imputables au service.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 qu'aucune faute n'est susceptible d'engager la responsabilité de la commune à l'encontre de M.A.... Sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux, M. A...n'est donc pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les autres conclusions :

9. Si le requérant, qui demande à la cour de " dire et juger " que le montant correspondant à la retenue opérée sur son traitement devra être reversé, a entendu présenter des conclusions accessoires à fin d'injonction, dans les circonstances exposées au point 5, compte tenu de ce que la même sanction peut légalement être reprise, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution au sens et pour l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du même code font obstacle à ce que M. A..., qui ne peut être regardé comme la partie perdante, soit condamné à payer à la commune de Sinnamary la somme qu'elle demande à ce titre. Il y a lieu, en l'espèce, de condamner sur le même fondement la commune de Sinnamary à payer la somme de 1 500 euros à M.A....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 février 2015 du tribunal administratif de Cayenne est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la décision du 15 novembre 2013 de la première adjointe au maire de Sinnamary.

Article 2 : La décision mentionnée à l'article 1er est annulée.

Article 3 : La commune de Sinnamary versera la somme de 1 500 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Sinnamary présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la commune de Sinnamary.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2017.

Le rapporteur,

Marie-Thérèse Lacau Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX00886


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00886
Date de la décision : 04/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Compétence - Délégations - suppléance - intérim - Suppléance.

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Maire et adjoints - Pouvoirs du maire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : O TSHEFU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-04-04;15bx00886 ?
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