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20/04/2017 | FRANCE | N°15BX02193

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 avril 2017, 15BX02193


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. et Mme E...A...C...ont demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1400920 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Pau a partiellement fait droit à leur demande et prononcé la décharge des impositions contestées au titre de l'année 2008.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 26 juin 201

5, le ministre des finances et des comptes publics (directeur spécialisée de contrôle fiscal Sud-...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. et Mme E...A...C...ont demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1400920 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Pau a partiellement fait droit à leur demande et prononcé la décharge des impositions contestées au titre de l'année 2008.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 26 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics (directeur spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest), demande à la cour :

1°) de prononcer l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 5 mars 2015 en tant qu'il a fait droit à la demande de M. et Mme A...C...;

2°) de rétablir M. et Mme A...C...aux suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008.

Il soutient que :

- dans sa réclamation préalable, le contribuable n'a pas contesté les rehaussements relatifs à la SCEA Les Pins Francs et à la SCEA Culture des Tuyas ; par suite, les conclusions présentées au tribunal étaient irrecevables en ce qui concerne les prélèvements sociaux de 2008, à hauteur de 48 479 euros en droits et pénalités ;

- les suppléments de cotisations sociales résultant de la remise en cause de l'étalement des bénéfices agricoles provenant de l'EARL la Cherre puis de la SCEA La Cherre constituent des revenus d'activité et constituent un impôt direct au sens de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales, relevant de la compétence de la juridiction judiciaire en vertu du dernier alinéa du V de l'article 136-5 du code de la sécurité sociale ;

- les conditions d'exploitation de la SCEA La Cherre, créée le 30 décembre 2007, ne sont pas identiques à celle de l'EARL La Cherre au cours des années antérieures ; dès lors, la mesure d'étalement des revenus agricoles prévue par l'article 75-OA du code général des impôts n'était pas applicable ; les intéressés ne sauraient prétendre qu'il s'agit de la simple transformation d'une société de personnes ; de plus, M. A...C...n'exerçait aucune activité dans la structure avant 2008 ; il ressort des dispositions des articles 6 et 156 dudit code que le revenu net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est l'addition des revenus dont dispose individuellement chaque personne du foyer, notamment les revenus d'origine agricole ; il ne peut donc être tenu compte d'une solidarité du foyer fiscal ;

- le tribunal a fait peser à tort la charge de la preuve sur l'administration ;

- l'instruction BOI-BA-LIQ-10-20120912 ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle mise en oeuvre par le service ;

- il en va de même de la doctrine citée au paragraphe 190 de l'instruction ;

- la jurisprudence dont se prévalent les contribuables n'est pas applicable ;

- le point de départ du calcul de l'intérêt de retard en matière d'impôt sur le revenu comme en matière de cotisations sociales est le 1er juillet de l'année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est établie ; c'est ainsi qu'ils ont été calculés en l'espèce.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2015, M. et Mme A...C...concluent au rejet de la requête, subsidiairement, à ce que soit prononcée la décharge des pénalités de retard pour l'année 2008 correspondant à la prise en compte d'un point de départ au 13 novembre 2009, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- suite à l'assemblée générale extraordinaire du 30 décembre 2007, il n'y a pas eu cession des parts sociales mais seulement identification des parts sociales sur une même valeur patrimoniale ;

- la notion d'exploitant s'entend à titre individuel et concerne les associés des sociétés de personnes ;

- l'année 2007 a été exceptionnelle en terme de prix des céréales et de production légumière de plein champ ;

- c'est la personne morale, qu'elle soit EARL ou SCEA, qui est demeurée exploitante ; il n'y a donc pas eu de modification juridique substantielle au sens du paragraphe 190 de l'instruction BOI-BA-LIQ-10-20120912, reprenant l'instruction 5-E-5-06 ;

- au demeurant, cette doctrine est illégale en ce qu'elle ajoute à la loi des conditions défavorables au contribuable ;

- le fait de transformer une société en une autre forme sociale, transparente de surcroît au sens fiscal du terme, sans création d'un être moral nouveau, passant d'une société à responsabilité limitée à une société à responsabilité indéfinie et non solidaire, n'est pas de nature à modifier les conditions d'exploitation ; celles-ci demeurent... ;

- lorsqu'un époux commun en biens souhaite disposer des biens ou finances de la communauté pour constituer son apport dans une société (quelle que soit sa forme), il est obligé d'attraire son conjoint à l'acte pour lui proposer soit d'être associé avec lui, et les parts seront attribuées aux deux époux séparément avec droit de vote séparé, soit en application des dispositions de l'article 1832-2 du code civil, l'époux ne souhaite pas être provisoirement associé, et dès lors il devra autoriser son conjoint à disposer du bien ou de la finance, faute de quoi la nullité de l'apport peut être encourue ;

- au cas d'espèce, lorsque M. A...C...a souhaité, en accord avec son épouse, revendiquer son droit d'associé au titre de la détention commune de la finance apportée à l'EARL au moment de sa constitution, il ne lui a suffi que de voir constater par une délibération prise en Assemblée générale extraordinaire dans l'EARL par Mme A...C..., seule associée, l'agrément de M. A...C...en qualité d'associé sur la finance qui lui appartenait en communauté avec son épouse ; à aucun moment il n'y a eu transfert de propriété de titres entre M. et Mme A...C... ;

- au titre de la solidarité du foyer fiscal, les époux A...C...étaient bien imposés selon le régime du bénéfice réel normal agricole, la source de revenus étant la même, à savoir le résultat fiscal de l'EARL de la Cherre ;

- la date limite de paiement des impositions pour 2008 a été le 13 novembre 2009, et les intérêts de retard ne peuvent donc le cas échéant être décomptés qu'à partie de cette date ; ils sont en droit de bénéficier des dispositions de l'article 1727-IV-1 du code général des impôts.

Par une ordonnance du 19 juillet 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2016 à 12h00.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie et des finances (direction de contrôle fiscal sud-ouest) a été enregistré le 27 septembre 2016, concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville ;

- et les observations de MeB..., représentant de M. et Mme A...C.les mêmes

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A...C..., associés des SCEA " La Cherre ", " Pin Franc " et " Culture des Tuyas ", qui exploitent des domaines agricoles, notamment céréaliers, dans les Landes, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur leurs revenus imposables des années 2007 et 2008. A l'issue de ce contrôle, l'administration a procédé notamment à des rehaussements au titre de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux de l'année 2008 correspondant à la remise en cause de l'application du mécanisme d'étalement des revenus exceptionnels prévu aux articles 75-0 A et 163-0 A du code général des impôts. Le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 5 mars 2015 par lequel le tribunal administratif a accordé à M. et Mme A...C...la décharge de ces suppléments d'impôt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, en prononçant, par le jugement attaqué, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ont été assujettis M. et Mme A...C...au titre de l'année 2008 " du fait de la remise en cause du mécanisme d'étalement prévu par les dispositions de l'article 75-0 A du code général des impôts ", le tribunal administratif, contrairement à ce que soutient le ministre, n'a pas statué ultra petita ni fait droit à des conclusions irrecevables, dès lors que les premiers juges ont ainsi, comme cela leur était demandé par les requérants, circonscrit les effets de cette décharge aux rehaussements afférents à la SCEA de la Cherre en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour 2008, qui seuls procédaient de la remise en cause de l'application du dispositif de l'article 75-0 A du code.

3. D'autre part, les dispositions de l'article 1600-0 G du code général des impôts, reprenant en cela celles de l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 qui instaurent la contribution pour le remboursement de la dette sociale, renvoient expressément, et sans aucune restriction s'agissant des revenus de source française, aux dispositions de l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale quant aux personnes physiques assujetties à cette contribution. Il suit de là que les litiges relatifs aux prélèvements opérés au titre de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale sur les revenus d'activité relèvent de la compétence du juge judiciaire, comme le souligne le ministre. Toutefois, aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale : " I. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France (...) sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3 (...) et L. 136-7 : (...) f) De tous revenus qui entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles au sens du code général des impôts, à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5 (les mêmes) ". En conséquence, les revenus tirés par une personne physique d'une exploitation agricole, qui sont imposables dans la catégorie des bénéfices agricoles, ne constituent pas des revenus d'activité ou de remplacement et sont assujettis aux prestations sociales en tant que revenus du patrimoine. Dès lors, les litiges portant sur les contributions sociales assises sur ces revenus relèvent de la juridiction administrative et les premiers juges n'ont pas méconnu leur compétence en la matière.

Sur le bien-fondé du rehaussement en matière d'impôt sur le revenu, au titre de 2008 :

4. Aux termes de l'article 75-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Le revenu exceptionnel d'un exploitant agricole soumis à un régime réel d'imposition peut, sur option, être rattaché, par fractions égales, aux résultats de l'exercice de sa réalisation et des six exercices suivants. Les dispositions de l'article 163-0 A sont applicables au titre de chacun de ces exercices quel que soit le montant de la fraction mentionnée au premier alinéa. 2. Pour l'application du 1, le revenu exceptionnel s'entend : a. Soit, lorsque les conditions d'exploitation pendant l'exercice de réalisation du bénéfice sont comparables à celles des trois exercices précédents et que l'exploitant réalise un bénéfice supérieur à 25 000 euros et excédant une fois et demie la moyenne des résultats des trois exercices précédents, de la fraction de ce bénéfice qui dépasse 25 000 € ou cette moyenne si elle est supérieure. Pour l'appréciation des bénéfices de l'exercice considéré et des trois exercices antérieurs, les déficits sont retenus pour un montant nul et il n'est pas tenu compte des bénéfices soumis à un taux proportionnel ainsi que des reports déficitaires(...) ".

5. Il résulte de l'instruction que l'EARL " La Cherre " a été constituée par acte sous seing privé du 8 janvier 1990, avec comme associée unique Mme D...A...C..., qui en était également la gérante. A l'issue d'une assemblée générale extraordinaire du 30 décembre 2007, elle a consenti à son époux l'attribution de la qualité de co-associé correspondant à la moitié des titres de l'entreprise, lesquels avaient été acquis dans le cadre de la communauté de biens des époux. Le même jour, l'EARL " La Cherre " a été transformée en SCEA " La Cherre ", dont la gérance a été confiée à L'EURL " Pom'land ", société unipersonnelle représentée par M. A...C.les mêmes Le ministre des finances et des comptes publics déduit de ces circonstances que les conditions d'exploitation de la SCEA " La Cherre ", succédant à l'EARL du même nom, ne sont pas comparables à celles des années antérieures et excluent qu'elle puisse, en application des dispositions précitées de l'article 75-0 A du code général des impôts, bénéficier d'un étalement sur plusieurs exercices du bénéfice exceptionnel qu'elle a déclaré au titre de l'exercice clos en 2008. Cependant, l'administration, qui ne peut se prévaloir de sa propre doctrine excluant systématiquement du bénéfice du dispositif les exploitations ayant connu une modification substantielle de la répartition des droits des associés dans les bénéfices comptables, n'explique nullement comment les modifications juridiques apportées à la structure exploitante ont pu en l'occurrence être de nature à susciter le revenu exceptionnel constaté en 2008 par rapport aux bénéfices déclarés pour les trois exercices antérieurs. Le ministre ne conteste pas, par ailleurs, que l'année 2008 a été exceptionnelle tant en ce qui concerne le cours des prix des céréales (blé, maïs) et des pommes de terre qu'en ce qui concerne les volumes de production légumière de plein champ, ainsi que l'indiquent M. et Mme A...C.les mêmes Ceux-ci doivent ainsi être regardés comme établissant que le revenu exceptionnel déclaré en 2008 trouve sa cause dans des circonstances qui sont étrangères aux modifications juridiques décrites ci-dessus et relèvent au contraire des aléas inhérents à l'activité agricole, ce qui leur permettaient, ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal, d'opter pour l'étalement prévu par les dispositions de l'article 75-0 A précité du code général des impôts.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de M. et Mme A...C...en ce qu'elle tendait à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 à raison de la remise en cause du bénéfice de l'article 75-0 A du code général des impôts.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme A...C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A...C...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. et Mme E... A...C.les mêmes

Délibéré après l'audience du 28 mars 20167 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 avril 2017.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 15BX02193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02193
Date de la décision : 20/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Étalement des revenus.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices agricoles.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : PHILIPPE QUERON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-04-20;15bx02193 ?
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