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06/06/2017 | FRANCE | N°17BX00674

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 06 juin 2017, 17BX00674


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qui lui avait été délivrée pour raisons de santé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1601590 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2017, Mme C...E..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qui lui avait été délivrée pour raisons de santé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1601590 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2017, Mme C...E..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2016 du préfet de la Haute-Vienne susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la commission du titre de séjour instituée par l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été saisie préalablement à son édiction ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors que, d'une part, elle vit en France depuis sept ans, où se trouvent ses deux enfants scolarisés ainsi que divers amis et voisins qui lui ont porté secours et que, d'autre part, elle fait l'objet d'un traitement médical psychiatrique qui doit être poursuivi et dont elle ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine ;

- cette même décision est contraire à l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et méconnait les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle va contraindre les enfants à être coupés de leur mère ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée des mêmes vices de légalité externe et de légalité interne que ceux développés à l'encontre de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques manifestes qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 dès lors qu'elle se borne à indiquer qu'elle ne démontre ni n'allègue être personnellement exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;

- cette insuffisance de motivation entache d'illégalité la mesure d'éloignement prise à son encontre, et qui en constitue un accessoire indissociable ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des craintes qu'elle a pu relater auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, désormais reprise dans le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Axel Basset a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...E..., ressortissante géorgienne née le 15 janvier 1958 à Gali (Géorgie), est entrée le 16 mai 2009 sur le territoire français afin d'y déposer une demande d'asile, qui a été rejetée le 26 mai 2010 par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Compte tenu de son état de santé, elle a toutefois obtenu, le 13 août 2012, la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, renouvelée à plusieurs reprises jusqu'au 12 février 2016. Les 9 février et 14 juin 2016, elle a sollicité une nouvelle fois le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 14 octobre 2016, le préfet de la Haute-Vienne, suivant l'avis défavorable rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 30 juin précédent, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E...relève appel du jugement du 9 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2016 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". En vertu de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ".

3. Pour soutenir que les décisions portant refus de renouvellement de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont méconnu les stipulations et dispositions précitées, Mme E...se prévaut de ce que, d'une part, elle vit en France depuis sept ans, où se trouvent ses deux enfants scolarisés ainsi que divers amis et voisins qui lui ont porté secours et que, d'autre part, elle fait l'objet d'un traitement médical psychiatrique qui doit être poursuivi et dont elle ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine. Toutefois, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme E...est entrée en France à l'âge de cinquante et un ans après avoir vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, où elle n'établit, ni même n'allègue, ne plus disposer d'attaches familiales et affectives. Si elle produit en appel des pièces établissant qu'elle est la mère de Mme A...D...et la grand-mère de deux enfants nés respectivement les 7 janvier 2005 à Montauban et 7 avril 1999 à Tbilissi (Géorgie), scolarisés à Limoges en sixième et en première scientifique pour l'année scolaire 2016-2017, elle ne démontre pas l'ancienneté et l'intensité de ses liens avec eux. Si l'intéressée se prévaut également de ce qu'elle souffre d'une dépression et de troubles de l'humeur pour lesquels elle suit un traitement médicamenteux et des consultations en milieu hospitalier, les certificats médicaux qu'elle produit, dont certains nouveaux en appel, ne suffisent pas à infirmer l'avis défavorable rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 30 juin 2016, qui a relevé que si l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions litigieuses contenues dans l'arrêté du 14 octobre 2016 n'ont pas porté au droit de Mme E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Partant, elles n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, lesdites décisions ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

4. En deuxième lieu, le moyen, soulevé par l'appelante, et tiré de ce que ces mêmes décisions portant refus de renouvellement de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé et la portée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte ainsi de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 3, Mme E...est la grand-mère de deux enfants scolarisés à Limoges en sixième et en première scientifique pour l'année scolaire 2016-2017. Toutefois, en se bornant à faire état de cette seule circonstance, l'appelante n'établit pas plus en appel qu'elle ne l'avait fait devant le tribunal que les décisions portant refus de renouvellement de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français contreviendraient aux stipulations précitées.

7. En quatrième lieu, l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions visées par ce texte.

8. Ainsi qu'il vient d'être exposé, Mme E...n'est pas en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'établit ni même n'allègue qu'elle entrerait par ailleurs dans l'un des autres cas obligeant le préfet à saisir la commission du titre de séjour. Dès lors, le préfet de la Haute-Vienne n'était pas tenu de soumettre son cas à cet organisme consultatif avant de rejeter sa demande de renouvellement de titre de séjour. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie ne peut qu'être écarté.

9. En dernier lieu, Mme E...reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, et tirés de ce que, d'une part, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ont méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que, d'autre part, la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais reprise dans le code des relations entre l'administration et le public. Elle ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

Sur les autres conclusions :

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2017.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifié conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 17BX00674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00674
Date de la décision : 06/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : PECAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-06;17bx00674 ?
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