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30/06/2017 | FRANCE | N°17BX00375

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 30 juin 2017, 17BX00375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 juin 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1604188 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2017, Mme

A...C..., représentée par Me Aymard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 juin 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1604188 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2017, Mme A...C..., représentée par Me Aymard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et la munir d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle a droit à un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de conjoint d'un ressortissant espagnol justifiant d'un droit au séjour en France ; son époux, qui exerce une activité professionnelle en France et a entrepris une formation professionnelle le 7 juin 2016, a le droit de séjourner en France en vertu des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la condition tenant aux ressources suffisantes prévue par ces disposions ne se cumule pas avec celle tenant à l'exercice d'une activité professionnelle ; son époux a également le droit de séjourner en France en vertu des dispositions de l'article 12 du règlement CE n°1612/68, reprises à l'article 10 du règlement n° 492/2011, telles qu'interprétées par la cour de justice des communautés européennes dans une décision n° C 413/99 ; leurs enfants, de nationalité espagnole, sont en effet scolarisés en classes de maternelle et de cours préparatoire ;

- elle a également droit à un titre de séjour en vertu des dispositions de l'article 12 du règlement CE n°1612/68 telles qu'interprétées par la cour de justice des communautés européennes dans une décision n° C-310/08 ; le tribunal a fait une interprétation erronée de cette jurisprudence en liant l'application des dispositions de ce règlement et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; son époux a le droit de séjourner en France, ses enfants poursuivent leur scolarité en France et elle doit être autorisée à vivre à leurs côtés ;

- pour les mêmes motifs, le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la mesure l'obligeant à quitter le territoire français est dépourvue de base légale ; les moyens invoqués à l'appui de la contestation de la décision de refus de séjour sont repris à l'encontre de cette décision d'éloignement.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il déclare s'en remettre à ses observations produites devant le tribunal.

Par une ordonnance du 24 avril 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 19 mai 2017 à 12 heures.

Par une décision du 30 décembre 2016, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à MmeC....

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 ;

- le règlement(UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante marocaine née le 28 février 1972, a épousé le 15 août 2008 M.B..., de nationalité espagnole, et deux enfants sont nés de cette union les 28 juin 2009 et 14 janvier 2013. Elle est entrée en France le 8 décembre 2015 pour y rejoindre son époux qui y résidait, et a sollicité le 8 janvier 2016 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne. Par un arrêté du 8 juin 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement n°1604188 du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union.". Il résulte de ces dispositions combinées que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives.

3. Il ressort des pièces produites par Mme C...que son époux, de nationalité espagnole, qui a travaillé ponctuellement en France entre octobre 2012 et août 2013, n'y exerçait plus aucune activité professionnelle à la date du 8 juin 2016 d'édiction de l'arrêté litigieux et ne satisfaisait ainsi pas à la condition fixée par les dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a ainsi pas commis d'erreur de droit en fondant le refus de séjour litigieux sur la non-satisfaction de la condition relative aux ressources suffisantes prévue par les dispositions précitées du 2° de de l'article L. 121-1 dudit code, motif dont la pertinence n'est nullement critiquée.

4. Si Mme C...fait aussi valoir que son époux suivait une formation professionnelle, celle-ci n'a débuté que le 8 juin 2016, date d'édiction de l'arrêté querellé. En tout état de cause, et ainsi que le précisent les dispositions précitées du 3° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un citoyen de l'Union européenne qui suit en France une formation professionnelle n'a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois que s'il justifie disposer de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. Or, il n'est ni établi ni allégué que le foyer constitué de MmeC..., son époux et leurs deux enfants aurait disposé de telles ressources.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté, auquel s'est substitué l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 entré en vigueur le 16 juin 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleurs conditions ".

6. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans ses deux décisions du 23 février 2010 (C-310/08 et C-480/08), qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet Etat, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes. Pour bénéficier de ce droit, il suffit que l'enfant qui poursuit des études dans l'État membre d'accueil se soit installé dans ce dernier alors que l'un de ses parents y exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant, le droit d'accès de l'enfant à l'enseignement ne dépendant pas, en outre, du maintien de la qualité de travailleur migrant du parent concerné. En conséquence, et conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice dans sa décision du 17 septembre 2002 (C-413/99, § 73), refuser l'octroi d'une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l'enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l'Etat membre d'accueil est de nature à porter atteinte à son droit au respect de sa vie familiale.

7. Par ailleurs, il résulte notamment de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 4 juin 2009 ( C-22/08 et C-23/08) que doit être considérée comme " travailleur migrant " au sens de l'article 39 CE, devenu article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires.

8. Mme C...fait valoir que son époux, citoyen de l'Union européenne, a travaillé en France, et que leur fille ainée était scolarisée en classe de cours préparatoire à la date de l'arrêté. Il ressort cependant des pièces du dossier que l'époux de la requérante n'a travaillé en France que de façon ponctuelle, durant les mois d'octobre et novembre 2012 puis de fin mai 2013 à août 2013, et il n'est pas démontré qu'il aurait par la suite effectivement recherché un emploi avant l'intervention de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, les activités professionnelles en France de ce dernier doivent être regardées comme étant purement marginales et accessoires, de sorte qu'il ne peut être regardé comme ayant eu la qualité de travailleur migrant en France. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 ne peut ainsi qu'être écarté.

9. En troisième lieu, si la requérante fait valoir que son époux a le droit de séjourner en France et que ses enfants y poursuivent leur scolarité, il résulte de ce qui vient d'être dit que son époux ne satisfait à aucune des conditions auxquelles est subordonné le droit de séjour en France d'un citoyen de l'Union européenne pour une durée supérieure à trois mois. De plus, à la date de l'arrêté, son fils n'était pas encore scolarisé. Si sa fille ainée était scolarisée en classe de cours préparatoire, il n'est fait état d'aucun obstacle à ce que cette scolarité se poursuive hors de France, et notamment en Espagne, pays dont l'époux et les enfants de la requérante sont ressortissants. Il n'est pas davantage démontré, ni même allégué, que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer hors de France, en particulier en Espagne. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, l'arrêté querellé n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit, la décision obligeant Mme C...à quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00375
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : AYMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-30;17bx00375 ?
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