La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2017 | FRANCE | N°16BX00622

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 16BX00622


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société à responsabilité limitée BHL a demandé au tribunal administratif de Pau le 15 avril 2014 de constater que la pose d'une canalisation, traversant le sous-sol des parcelles cadastrées section AE n° 226, 620, 715, 764 et 766 dont elle est propriétaire, par le syndicat mixte d'assainissement Ura et la commune d'Ahetze constitue une emprise irrégulière et d'enjoindre à la commune et au syndicat mixte d'assainissement Ura de retirer cette canalisation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 500 euros par

jour de retard suivant la notification du jugement.

Par un jugement no 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société à responsabilité limitée BHL a demandé au tribunal administratif de Pau le 15 avril 2014 de constater que la pose d'une canalisation, traversant le sous-sol des parcelles cadastrées section AE n° 226, 620, 715, 764 et 766 dont elle est propriétaire, par le syndicat mixte d'assainissement Ura et la commune d'Ahetze constitue une emprise irrégulière et d'enjoindre à la commune et au syndicat mixte d'assainissement Ura de retirer cette canalisation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard suivant la notification du jugement.

Par un jugement no 1400890 en date du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a mis hors de cause la commune d'Ahetze et a enjoint au syndicat mixte d'assainissement Ura de se conformer aux dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 du code rural et de la pêche maritime en instituant une servitude lui conférant le droit d'établir à demeure une canalisation souterraine dans les terrains privés dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement ou de faire procéder à l'enlèvement de la canalisation litigieuse dans ce même délai.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2016 et un courrier du 31 janvier 2017, le syndicat mixte d'assainissement Ura, représenté par la SCP d'avocats Loustau - Garmendia - Mouton Richer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400890 du tribunal administratif de Pau du 17 décembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge de la société BHL la somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat mixte soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'action de la société BHL est prescrite en application de la loi du 31 décembre 1968 ; la société BHL avait connaissance de l'existence de la canalisation d'eaux usées sur sa propriété au plus tard le 24 juillet 2008 ; or, elle a attendu près de cinq ans pour agir en justice ; au demeurant, l'existence de cette canalisation était connue des anciens propriétaires et de la société BHL qui ne pouvait ignorer les douze regards implantés au droit de l'installation en cause et parfaitement visibles ; la prescription quadriennale s'applique à toutes les créances sur les personnes publiques, y compris les créances indemnitaires qui seraient nées d'une emprise irrégulière par une collectivité publique sur le terrain d'autrui ; la prescription quadriennale peut être opposée par le conseil de la personne publique assignée en justice, sans qu'il soit nécessaire de produire une décision expresse et spéciale de cette autorité ;

- il n'existe aucune emprise irrégulière dès lors qu'un accord avec le propriétaire est intervenu ; il ressort des termes de la convention signée le 11 mars 1997 avec M.A..., alors propriétaire des parcelles en cause, que ce dernier, après avoir pris connaissance du tracé des canalisations d'assainissement, a reconnu le droit pour la personne publique, d'établir et de maintenir une canalisation et d'y laisser pénétrer " ses agents et entrepreneurs en vue de la construction, la surveillance, l'entretien, la réparation et le remplacement des ouvrages à établir ou à maintenir " ; cette autorisation est donnée sans aucune indemnité, l'ancien propriétaire de la parcelle y voyant un avantage certain dans la mesure où les parcelles, raccordées au service collectif d'assainissement, étaient rendues constructibles ; la présence d'une telle canalisation valorisant sa propriété a pu d'ailleurs l'inciter à solliciter un prix de vente supérieur accepté par un professionnel de l'immobilier, ce dernier étant présumé avoir toute connaissance quant aux biens acquis ; cette convention n'a jamais été dénoncée ou contestée ;

- dans l'hypothèse où l'emprise serait considérée comme irrégulière, l'application de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime, instituant une servitude légale pour l'établissement des canalisations publiques d'eau ou d'assainissement au profit des établissements publics, s'oppose à ce que la canalisation puisse être retirée ; la démolition de la canalisation entraînerait une atteinte excessive à l'intérêt général, mais également aux intérêts du propriétaire actuel comme de l'ancien ; ce dernier, en créant la servitude de passage sur les lots vendus, a pu ainsi faire bénéficier sa propriété des utilités résultant de la présence des canalisations et a même sollicité la création d'un lotissement qui est desservi par les canalisations litigieuses ; en aucun cas le retrait desdites canalisations ne peut être ordonné puisque cela entraînerait nécessairement l'absence de desserte de la maison d'habitation de la familleA... ;

Par des mémoires, enregistrés le 4 avril et le 5 décembre 2016, la Sarl BHL, représentée par Me B..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la cour constate que le syndicat mixte d'assainissement Ura n'a pas procédé à la régularisation administrative dans le délai imparti par les premiers juges ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au syndicat mixte de procéder à l'enlèvement de la canalisation litigieuse dans le délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à la mise à la charge de l'appelant d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les dispositions invoquées par l'appelant ont trait à la prescription des seules demandes indemnitaires formulées à l'encontre des personnes publiques ; or, sa demande de première instance portait sur la démolition de la canalisation implantée sur sa propriété, et non sur l'indemnisation d'une créance ; la seule prescription qui pourrait être utilement opposée en l'espèce est la prescription acquisitive, laquelle suppose une possession utile et non équivoque de trente années ; la prescription quadriennale, même à la supposer acquise, ne fait pas au demeurant obstacle à une demande formulée par le propriétaire d'un terrain visant à s'assurer de l'intégrité de son bien immobilier ;

- la pose d'une canalisation d'assainissement par une collectivité publique sur une parcelle appartenant à une personne privée, laquelle est alors dépossédée d'un élément de son droit de propriété, ne peut être mise à exécution qu'après l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'institution de servitude dans les conditions prévues par les articles L. 152-1 R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, ou l'intervention d'un accord amiable avec le propriétaire ; or, la convention dont se prévaut l'appelant n'identifie sérieusement ni l'emprise de la canalisation, ni les parcelles concernées ou les caractéristiques de 1'ouvrage implanté, pas davantage qu'elle ne comporte la signature du maître d'ouvrage ; la signature attribuée à M. A...n'est pas la même que celle apposée par ce dernier sur l'acte authentique de vente du 7 septembre 2007 ; la convention n'a pas été publiée à la conservation des hypothèques, contrairement aux deux autres servitudes conventionnelles constituées devant notaire par M. A...en 1995 et 1997 ; par ailleurs, le syndicat mixte s'est visiblement senti obligé de produire pour les besoins de la cause un courrier rédigé par un ingénieur du cabinet d'études missionné à l'époque, rédigé 16 ans après les faits et dont les termes sont étrangement similaires à ceux d'un courrier adressé quelques jours plus tôt audit ingénieur par le syndicat ; ces documents sont dénués de toute valeur probante ; enfin, la circonstance que les propriétaires ne pouvaient ignorer l'existence de l'ouvrage public n'est pas de nature à établir le caractère régulier de l'emprise ;

- le syndicat ne démontre pas que la dépose de la canalisation entraînerait l'interruption du service ; la servitude dont bénéficie M.A..., laquelle tend uniquement à permettre le passage de dispositifs individuels de desserte, lui permet de se raccorder aux réseaux publics présents au droit de la route départementale ;

- malgré ses demandes répétées depuis plus de huit ans, elle n'a jamais pu obtenir la régularisation administrative de la canalisation litigieuse, régularisation que le syndicat ne consent manifestement pas à se résoudre à réaliser dès lors qu'il n'a entamé aucune démarche en ce sens ; la réserve qu'il oppose tenant à la préservation de " l'intérêt général " est inopérante dans la mesure où l'article R. 152-15 du code rural consacre le caractère tangible des canalisations de desserte édifiées par les gestionnaires de réseaux publics grâce à une servitude légale. Compte tenu du comportement rétif de l'appelant, la cour ne pourra que lui enjoindre de déplacer ou démolir ladite canalisation et ce, sous astreinte ;

- aucun élément versé aux débats, à ce jour, ne permet d'établir les diligences effectuées par le syndicat en vue de la régularisation de la canalisation en litige selon les termes et dans les délais fixés par les premiers juges.

Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2016, la commune d'Ahetze, représentée par MeE..., conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement en tant qu'il a prononcé sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet des conclusions de la société BHL ;

3°) à la mise à la charge de cette société d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- sa compétence en matière d'assainissement avait été déléguée au syndicat appelant dès 1992 ; les travaux d'implantation de la canalisation litigieuse ont bien été effectués en 1998 pour le compte et à la demande du syndicat mixte. Sa mise hors de cause ne pourra ainsi qu'être confirmée ;

- l'accord conclu en 1997 entre le syndicat mixte et le propriétaire répond parfaitement aux prescriptions légales et ne peut donc être qualifié par la société BHL d'acte illégal insusceptible de se rattacher à un pouvoir détenu par l'administration. A la lecture de cette convention, M. A...connaissait le projet de canalisation et avait donné son accord à sa réalisation. Force est donc de constater qu'un accord amiable est bien intervenu ;

- le propriétaire avait intérêt à la conclusion d'un tel accord dans la mesure où l'autorisation donnée pour la mise en place d'une canalisation d'eaux usées était en effet subordonnée à la constructibilité de plusieurs parcelles lui appartenant. Ainsi, en contrepartie du droit de passage, M. A...a pu entreprendre les constructions projetées et se brancher sur le réseau d'assainissement présent sur sa propriété. La société BHL, spécialisée dans la promotion immobilière, ne pouvait ignorer, en signant l'acte de vente du 21 décembre 2007, qu'elle venait de faire l'acquisition de terrains inconstructibles et traversés par une canalisation publique ; au surplus, les courriers échangés depuis l'année 2008, ainsi que les propositions de régularisation à l'amiable, peuvent faire douter de la sincérité de l'action du demandeur.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 22 juin 2017 :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeD..., représentant la société BHL, et de MeC..., représentant la commune d'Ahetze ;

Considérant ce qui suit :

1. La Sarl BHL a acquis des épouxA..., selon acte authentique en date du 21 décembre 2007, les parcelles cadastrées section AE, n° 226, 620, 715, 764 et 766 situées chemin Uhartia à Ahetze (Pyrénées-Atlantiques). Constatant que ces terrains étaient traversés par une canalisation publique d'assainissement, laquelle avait été mise en place en 1998 lors d'un programme de travaux entrepris par le syndicat d'assainissement de la Vallée de la Nive, devenu syndicat mixte d'assainissement Ura, la société a saisi le juge judiciaire à fin notamment qu'il ordonne l'enlèvement ou le déplacement de l'ouvrage. Après rejet de son action le 10 janvier 2014, la cour d'appel de Pau s'étant déclaré incompétente, la société a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à ce qu'il constate l'existence d'une emprise irrégulière et à ce qu'il enjoigne à la commune d'Ahetze et au syndicat de déplacer ou de démolir la canalisation. Par jugement du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a mis hors de cause la commune d'Ahetze et, après avoir constaté l'emprise irrégulière, a enjoint au syndicat mixte d'assainissement Ura soit de se conformer aux dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 du code rural et de la pêche maritime en instituant une servitude lui conférant le droit d'établir à demeure une canalisation souterraine dans les terrains privés en cause dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, soit de faire procéder à l'enlèvement de la canalisation litigieuse dans ce même délai. Le syndicat mixte d'assainissement Ura relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de prescription quadriennale :

2. Si le syndicat mixte d'assainissement Ura oppose de nouveau en appel à la demande de la société BHL la prescription quadriennale des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics instituée par la loi du 31 décembre 1968 modifiée, sans au demeurant critiquer les motifs par lesquels le tribunal a rejeté cette exception, il est constant que la demande de la société BHL tend à ce que le juge administratif se prononce sur la régularité de l'emprise de la canalisation litigieuse sur sa propriété et ne contient aucune conclusion indemnitaire. Par suite, l'exception de prescription quadriennale ne peut qu'être écartée par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Sur la régularité de l'emprise :

3. L'implantation d'une canalisation du réseau public d'évacuation des eaux usées dans le sous-sol d'une parcelle appartenant à une personne privée, opération dépossédant les propriétaires de cette parcelle d'un élément de leur droit de propriété, ne peut être régulièrement mise à exécution qu'après l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'institution de servitudes dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, ou l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires intéressés.

4. Le syndicat mixte soutient qu'il a obtenu l'accord des anciens propriétaires des parcelles pour les travaux concernant la canalisation en litige. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la " convention " conclue le 11 mars 1997 dont il se prévaut ne mentionne ni les parcelles concernées par les travaux ni le tracé de la canalisation et ne comporte que l'unique signature d'un des deux propriétaires des terrains concernés. De même, si le requérant produit deux courriers du géomètre ayant conduit les relevés topométriques préalables à la réalisation de la canalisation, datés pour l'un du 25 mars 1997 et pour l'autre du 7 mai 2013, soit près de seize ans après les faits, mentionnant l'accord écrit de M. A..., ces éléments, s'ils sont de nature à démontrer que ce dernier aurait eu connaissance du projet, n'établissent pas l'existence d'une autorisation régulière d'implantation de la canalisation en cause sur les parcelles en litige. Et là encore, ces documents ne font état que de l'accord de M. A...et non également de celui de son épouse. Par ailleurs, le syndicat mixte ne peut utilement invoquer l'existence de servitudes permettant notamment le passage de canalisations d'eaux usées dans l'acte de vente notarié du 21 décembre 2007 conclu entre les époux A...et la société BHL dans la mesure où ces servitudes de droit privé ne concernent pas l'ensemble des parcelles en cause et sont sans rapport avec l'ouvrage litigieux. Enfin, la circonstance que l'implantation de la canalisation aurait participé d'une valorisation des terrains en litige n'est pas de nature à démontrer le caractère régulier de l'emprise. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas même allégué qu'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique aurait été engagée, les premiers juges ont pu estimer à juste titre que l'implantation de la canalisation litigieuse devait être regardée comme ayant été exécutée sans titre et présente ainsi le caractère d'une emprise irrégulière sur une propriété privée immobilière.

5. Il résulte de ce qui précède que le syndicat mixte d'assainissement Ura n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a déclaré cette emprise irrégulière.

Sur l'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. Lorsque le juge administratif est saisi d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle dont il résulte qu'un ouvrage public a été implanté de manière irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

8. Aux termes de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime : " Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations (...). ". Aux termes de l'article R. 152-1 du même code : " Les personnes publiques définies au premier alinéa de L. 152-1 et leurs concessionnaires, à qui les propriétaires intéressés n'ont pas donné les facilités nécessaires à l'établissement, au fonctionnement ou à l'entretien des canalisations souterraines d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales, peuvent obtenir l'établissement de la servitude prévue audit article, dans les conditions déterminées aux articles R. 152-2 à R. 152-15. ".

9. Ainsi que le fait valoir le syndicat mixte d'assainissement Ura, dès lors qu'existait une possibilité de régularisation de cette emprise au sens des articles L. 152-1 et R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, son constat n'impliquait pas nécessairement d'enjoindre au syndicat mixte d'enlever la canalisation d'assainissement. Il ne résulte pas de l'instruction que l'emprise utilisée par le syndicat mixte d'assainissement Ura sur les parcelles de la requérante puisse être regardée comme grevant un jardin ou une cour attenant à une habitation, au sens de l'article L. 152-l du code rural précité. L'utilité publique de la canalisation n'est pas davantage contestable. Dans ces conditions, alors que rien ne fait obstacle à une régularisation, le syndicat mixte d'assainissement Ura est fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il lui a enjoint de procéder à l'enlèvement de l'ouvrage.

Sur les conclusions de la Sarl BHL à fin d'exécution du jugement attaqué :

10. La Sarl BHL demande à la cour de constater que le syndicat mixte d'assainissement Ura n'a pas procédé à la régularisation administrative dans le délai imparti par les premiers juges. Toutefois, ces conclusions relèvent de la procédure d'exécution prévue par l'article L. 911-4 du code de justice administrative, laquelle a au demeurant été mise en oeuvre par la société BHL, aboutissant à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle d'exécution par ordonnance du président de la cour en date du 18 mai 2017, enregistrée sous le n° 17BX01559. Il n'appartient pas à la cour d'y statuer dans le cadre de la présente instance. La société sollicite également qu'il soit enjoint au syndicat mixte de procéder à l'enlèvement de la canalisation litigieuse dans le délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Cependant, la cour fait droit aux conclusions de la requête du syndicat mixte de l'assainissement Ura tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement en tant qu'il lui a enjoint de procéder à l'enlèvement de la canalisation dans un délai de quatre mois. Par suite, les conclusions de la Sarl BHL aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1400890 du tribunal administratif de Pau du 17 décembre 2005 est remplacé par les dispositions suivantes : " Il est enjoint au syndicat mixte d'assainissement Ura de faire établir une servitude sur les parcelles cadastrées AE nos 764, 226, 620, 766 et 715 de la commune d'Ahetze conformément aux dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 du code rural et de la pêche maritime, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement ".

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat mixte d'assainissement Ura est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la Sarl BHL et de la commune d'Ahetze sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte d'assainissement Ura, à la société anonyme à responsabilité limitée BHL et à la commune d'Ahetze. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

Le rapporteur,

Cécile CABANNE Le président,

Catherine GIRAULT Le greffier,

Delphine CERON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00622
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-04-04-01 Droits civils et individuels. Droit de propriété. Actes des autorités administratives concernant les biens privés. Voie de fait et emprise irrégulière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP LOUSTAU - GARMENDIA - MOUTON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-13;16bx00622 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award