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13/07/2017 | FRANCE | N°17BX01163

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 17BX01163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant Jeddo B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er septembre 2016 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1602684 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre

gistrée le 10 avril 2017, M. A...se disantB..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant Jeddo B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er septembre 2016 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1602684 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2017, M. A...se disantB..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1602684 du 14 mars 2017 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral du 1er septembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision rejetant sa demande de titre de séjour :

- elle est entachée d'une méconnaissance de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle dès lors qu'il est de nationalité soudanaise et non tchadienne et qu'il est dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour ;

- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée,

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu des risques auxquels il serait exposé en cas de retour au Soudan.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2017, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par une ordonnance du 5 mai 2017 la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juin 2017 à 12h00.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...se disant Jeddo B...est, selon ses déclarations, un ressortissant soudanais né le 10 février 1998 entré irrégulièrement sur le territoire français le 3 avril 2013. A compter du 21 août 2014, il a été confié au service d'aide sociale à l'enfance du département de la Charente. A sa majorité, il a signé avec cette collectivité un contrat d'accueil " jeune majeur " avant de solliciter en 2016 un titre de séjour en faisant valoir qu'il poursuivait un apprentissage. M. A... se disant B...relève appel du jugement rendu le 14 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente du 1er septembre 2016 rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant du pays de renvoi.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er septembre 2016 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction alors en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France.". Aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " (...) l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ".

3. A l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-7 précité, le requérant soutient qu'il réside dans un foyer de jeunes travailleurs depuis sa majorité et qu'il perçoit une allocation jeune majeur lui assurant des moyens d'existence suffisants. Et pour établir le sérieux et la réalité de ses études en France, le requérant fait valoir qu'il est titulaire, depuis juillet 2016, d'un diplôme d'études en langue française, qu'il était inscrit en 2015-2016 au lycée professionnel régional Blaise Pascal en 1ère année de CAP " Maintenance des engins de travaux publics " et que, lors de l'année scolaire 2016-2017, il était inscrit en 2ème année de CAP. Le requérant en conclut qu'il remplit les conditions posées par les dispositions précitées de l'article L. 313-7 du CESEDA pour obtenir un titre de séjour portant la mention " étudiant ".

4. Toutefois, pour rejeter la demande de M. A...se disantB..., le préfet de la Charente s'est fondé sur la circonstance que ce dernier n'était pas titulaire d'un visa de long séjour et ne justifiait pas avoir suivi des études depuis l'âge de seize ans ou poursuivi des études supérieures. Or d'une part, M. B...justifie uniquement d'une inscription, pour les années scolaires 2015-2016 et 2016-2017, au lycée professionnel Blaise Pascal et ne peut par suite être regardé comme poursuivant des études supérieures au sens des dispositions de l'article L. 313-7 du CESEDA permettant aux seuls étrangers poursuivant des études supérieures d'être dispensés de la production d'un visa de long séjour sous réserve d'une entrée régulière. D'autre part, il est constant que M. B...est entré de façon irrégulière sur le territoire français. Il en résulte que le requérant ne satisfaisait pas aux conditions prévues par l'article L. 313-7 du CESEDA pour obtenir la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant ".

5. En second lieu, pour soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, M. B...soutient qu'il est de nationalité soudanaise et non tchadienne et que son frère ne résiderait pas au Tchad mais en Lybie. Toutefois, M. A... se disant B...n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations alors qu'au contraire, il a déclaré en 2015 aux services de l'aide sociale à l'enfance qui l'ont pris en charge être de nationalité tchadienne et non soudanaise et que son frère résidait au Tchad. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Au soutien de son moyen, M. A...se disant B...fait valoir qu'il a quitté le Soudan en 2012 et que ses parents sont décédés. Toutefois, célibataire et sans enfant, il n'établit pas qu'il aurait tissé sur le territoire français des liens familiaux ou privés présentant un caractère intense, ancien et stable. Dans ces conditions, et alors même que M. A...se disant B...suit une scolarité en lycée professionnel depuis l'année scolaire 2015-2016, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la CEDH.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. En premier lieu, l'arrêté attaqué, après avoir notamment visé l'article 3 de la CEDH indique que l'intéressé n'établit pas être en danger en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision en litige, qui comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la CEDH : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

11. Le requérant soutient que le préfet ne pouvait décider de son renvoi au Tchad dès lors qu'il n'a pas la nationalité de ce pays et que, par ailleurs, il encourt un risque dans l'hypothèse où il devrait repartir au Soudan, de sorte que le préfet a méconnu sur ce point l'article 3 de la CEDH et l'article L. 513-2 du CESEDA. Toutefois, il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal et ne conteste pas utilement les motifs du jugement qu'il attaque. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...se disant B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A...se disant B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...se disant JeddoB..., au ministre de l'intérieur, et à Me C.... Copie en sera transmise au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Christine Mège, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Christine MègeLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01163
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEGE
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL BERTRAND - RAHMANI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-13;17bx01163 ?
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