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30/11/2017 | FRANCE | N°15BX03868

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 15BX03868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2013 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé la suppression du passage à niveau n° 172 situé au km 166,005 de la ligne SNCF Toulouse-Bayonne sur le territoire de la commune d'Ossun.

Par un jugement n° 1400181 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2015, MmeB..., représentée

par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2015 et l'arrêté du 16 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2013 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé la suppression du passage à niveau n° 172 situé au km 166,005 de la ligne SNCF Toulouse-Bayonne sur le territoire de la commune d'Ossun.

Par un jugement n° 1400181 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2015, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2015 et l'arrêté du 16 septembre 2013 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B...soutient que :

- le courrier du 22 août 2013 adressé par Réseau Ferré de France (RFF) au préfet dans lequel l'établissement s'engage à supprimer le passage à niveau en litige et à " lever les réserves de l'enquête " ne saurait être interprété comme ayant effectivement levé les réserves émises par le commissaire-enquêteur s'agissant notamment de la desserte de ses parcelles. RFF ignore en effet l'identité du propriétaire du chemin à aménager après le passage à niveau 173, ces travaux nécessitant son accord express. En outre, l'établissement n'a pris aucun engagement sur la nature des travaux d'aménagement de ce chemin, leur coût ou leur durée. Elle s'interroge sur la possibilité d'accéder à son exploitation en cas de suppression du passage à niveau 172 sans que le chemin n'ait été aménagé. Enfin, RFF ne dit mot sur le responsable de l'entretien du chemin après son aménagement, alors que des dégradations seront nécessairement à déplorer en raison notamment du passage d'engins agricoles. Dans ces conditions, l'arrêté en litige est intervenu sans que les réserves émises pendant l'enquête soient levées. Selon la jurisprudence, cette situation équivaut à un avis défavorable du commissaire-enquêteur. L'arrêté en litige est ainsi entaché d'illégalité ;

- si le préfet considère que l'arrêté ne produira ses effets qu'au moment où le passage à niveau sera supprimé et les réserves levées, cette décision, dont la légalité doit être appréciée au moment de son édiction, ne prévoit aucune prescription particulière afin que les réserves soient réellement levées. L'Etat ne saurait remettre à plus tard et à la discrétion de RFF la définition des prescriptions nécessaires à la levée des réserves. Même si l'avis du commissaire enquêteur ne lie pas l'autorité administrative, cet avis contraint toutefois le préfet à prendre une nouvelle décision arrêtant précisément les prescriptions nécessaires et indispensables à la levée des réserves émises par le commissaire enquêteur, afin de garantir l'intérêt du projet ;

- l'Etat ne dispose aujourd'hui d'aucun moyen juridique de contraindre RFF à entreprendre cet aménagement, ce qui n'aurait pas été le cas si des prescriptions en ce sens avaient été préalablement définies dans l'arrêté préfectoral. La levée des réserves repose sur des évènements incertains, ce qui entache la légalité de l'arrêté en litige ;

- la suppression du passage à niveau n° 172 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où le risque relatif à la sécurité routière identifié par RFF, à l'origine du projet, est purement hypothétique. Dans le dossier soumis à enquête, il est indiqué que la traversée est très peu fréquentée (20 véhicules par jour en moyenne) et aucun accident n'est à déplorer depuis la mise en service du passage à niveau il y a plusieurs dizaines d'années. Le bilan coûts / avantage est négatif : l'absence de risque avéré d'accident et l'utilité reconnue pour l'accès de son exploitation rendent impossible la suppression de cet équipement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- les dispositions de l'arrêté du 18 mars 1991 relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement du passage à niveau ne prévoient pas que le préfet est tenu d'attendre la levée d'éventuelles réserves avant de décider de la suppression d'un passage à niveau. Ainsi, le sens des conclusions du commissaire-enquêteur ne lie pas l'autorité compétente. Cet avis, bien qu'assorti de réserves, est au demeurant favorable à la suppression du passage à niveau n° 172 ;

- la lecture du diagnostic de sécurité réalisé en juillet 2009 montre que la visibilité de part et d'autre du passage à niveau ne permet pas de visualiser les usagers circulant en sens inverse. Un platelage présentant un profil défavorable ne permet pas aux véhicules surbaissés de franchir le passage à niveau dans de bonnes conditions de sécurité. De plus, les voies de part et d'autre de ce passage ne sont pas revêtues de bitume, ce qui induit un risque de patinage ou d'enlisement possible en cas de frottement d'un véhicule surbaissé. Dans son avis favorable, le commissaire enquêteur relève notamment, l'existence de dessertes alternatives, l'amélioration prévue par RFF des chemins entre les PN 173 et 171, l'absence de visibilité suffisante sur les véhicules venant en sens inverse en raison du profil en long de la voie et du profil en dos d'âne, l'étroitesse de la route précédant le PN 172 ou encore les difficultés de franchissement pour les véhicules surbaissés ;

- la question de la suppression d'un passage à niveau ne se pose pas qu'en termes d'accidents. La politique de l'État en la matière conduit également à supprimer les passages à niveaux qui sont faiblement fréquentés, rapprochés les uns des autres ou qui présentent des profils défavorables, comme en l'espèce, en créant un itinéraire de déviation par un ouvrage existant. Le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant la suppression du passage à niveau n° 172 dans la mesure où d'une part, il a pris en considération les caractéristiques de l'ouvrage et de ses abords et d'autre part, il permet une desserte satisfaisante des terres agricoles et du bâtiment de Mme B...notamment par le réaménagement du chemin rural parallèle à la voie ferrée et l'élargissement du passage à niveau 171 permettant le passage des engins agricoles.

Par un mémoire enregistré le 18 mars 2016 et régularisé le 1er avril 2016, l'établissement public industriel et commercial SNCF Réseau, pris en la personne de sa directrice juridique, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête en faisant siennes les écritures en défense présentées par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

L'ordonnance du 3 février 2017 a fixé la clôture de l'instruction au 7 avril 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté ministériel du 18 mars 1991 relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement des passages à niveau ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une enquête publique réalisée du 3 au 19 juin 2013 en vue de la suppression du passage à niveau n° 172 situé au km 166,005 de la ligne SNCF Toulouse-Bayonne sur le territoire de la commune d'Ossun, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable avec réserves et recommandations concernant notamment la desserte des terrains agricoles de Mme B.... Le préfet des Hautes-Pyrénées, après avoir reçu l'engagement, par un courrier du 22 août 2013, de l'établissement public Réseau Ferré de France, devenu SNCF Réseau depuis le 1er janvier 2015, de lever ces réserves, a décidé la suppression de ce passage à niveau par un arrêté du 16 septembre 2013. Le recours gracieux contre cette décision exercé par Mme B...dans un courrier adressé au préfet le 8 novembre 2013 étant resté sans réponse, cette dernière a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... relève appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 septembre 2013 :

2. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté ministériel du 18 mars 1991 relatif au classement, à la règlementation et à l'équipement des passages à niveau, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Toute création ou suppression de passage à niveau (...) sont autorisées par un arrêté préfectoral. / L'exploitant du chemin de fer informe de ses intentions l'autorité ou le service gestionnaire de la voie routière concernée, puis adresse sa demande au préfet. / Il joint à cette demande un dossier comportant tous les renseignements nécessaires. / Afin d'instruire cette demande, le préfet fait procéder aux consultations et, dans le cas d'une suppression, à une enquête publique. Il prend, dans un délai n'excédant pas trois mois à dater de la réception de la demande de l'exploitant, l'arrêté correspondant (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue de l'enquête " de commodo et incommodo " qui s'est déroulée du 3 au 19 juin 2013, le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable à la suppression du passage à niveau n° 172, assorti de réserves concernant l'aménagement des dessertes des terrains agricoles situés entre les passages à niveau n° 171 et n° 172 par la création de fossés de drainage des eaux pluviales, l'élargissement du chemin pour faciliter le croisement des engins agricoles, l'évacuation des eaux stagnantes sur la propriété de Mme B...et la mise en place d'un éclairage de son hangar, ainsi que l'implantation d'une signalétique adaptée aux abords du passage à niveau n° 173 pour permettre un tourne à gauche sécurisé, et d'une recommandation de déterminer de façon définitive avec le maire de la commune l'entretien de ces dessertes une fois les travaux accomplis. Par un courrier en date du 22 août 2013, l'établissement public Réseau Ferré de France s'est engagé à " supprimer le passage à niveau n° 172 et à lever les réserves du commissaire-enquêteur ".

4. Mme B...soutient en premier lieu que dans la mesure où le préfet n'a pas prescrit dans l'arrêté en litige les travaux nécessaires à la levée des réserves du commissaire enquêteur, aucune contrainte juridique ne pèse sur l'établissement, lequel n'a par ailleurs pris aucun engagement sur la nature, le coût et la durée des travaux envisagés et que dès lors que les réserves n'ont pas été levées, l'avis du commissaire enquêteur doit être considéré comme défavorable. Toutefois, ces circonstances, à les supposer établies, n'ont pas d'incidence sur la légalité de la décision en litige, dès lors que le préfet n'est en tout état de cause pas lié par l'avis du commissaire enquêteur.

5. En second lieu, la suppression du passage à niveau litigieux se fonde sur un diagnostic de sécurité réalisé sur le passage à niveau n° 172 en juillet 2009 selon lequel le profil en dos d'âne de l'ouvrage gêne la visibilité sur les véhicules venant en sens inverse et ne permet pas son franchissement dans de bonnes conditions de sécurité par des véhicules surbaissés tels que les engins agricoles avec remorques, compte tenu notamment des revêtements non bitumeux et de l'étroitesse de la voie traversante. Un risque lié à la présence de public à proximité du fait de la maison du garde-barrière est également évoqué. Le projet a reçu un avis favorable du commissaire enquêteur, soulignant notamment " la nécessité de fermer ce passage à niveau pour une sécurité évidente sur une portion qui deviendra par la suite un secteur de pleine ligne ". Par suite, le tribunal a pu estimer à juste titre, nonobstant les circonstances invoquées par Mme B... relatives au faible trafic ou à l'absence d'accidents de la circulation répertoriés sur cette voie, que le préfet des Hautes-Pyrénées avait pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, décider la fermeture du passage à niveau n° 172.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., au ministre de la transition écologique et solidaire et à l'établissement public SNCF Réseau. Copie en sera adressée pour information au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 15BX03868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03868
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-03-03-04 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. Suppression de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAUVEZIN SOULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-30;15bx03868 ?
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