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30/11/2017 | FRANCE | N°17BX02429

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 17BX02429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...D...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 15 juin 2016 par lequel le préfet de la Guyane lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600443 du 20 mars 2017, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2017, M. B...D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'

annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 20 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...D...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 15 juin 2016 par lequel le préfet de la Guyane lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600443 du 20 mars 2017, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2017, M. B...D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 20 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et, sous huit jours, un récépissé l'autorisant à travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; le préfet a omis de mentionner l'ancienneté de son séjour en France où il est revenu en 2002 après y avoir été scolarisé entre 1984 et 1997 ; par ailleurs, il avait donné connaissance à l'administration de la présence sur le territoire français de plusieurs membres de sa famille proche totalement intégrés tant socialement que professionnellement ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions des articles L. 313-11 6° et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur sa situation personnelle ; le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France où résident sa mère, les membres de sa fratrie ainsi que son enfant ; il justifie d'une durée significative de séjour en Guyane où il est bien intégré ; il apporte la preuve qu'il exerce l'autorité parentale sur son fils et qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de celui-ci ;

- il est porté atteinte à l'intérêt de son enfant protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que l'acte contesté entraîne une séparation de son fils de l'un de ses deux parents.

Il résulte des pièces du dossier que le préfet de la Guyane a été destinataire de la procédure mais n'a pas produit d'observations en défense.

Par ordonnance du 4 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...D..., de nationalité brésilienne, déclare être entré en France (Guyane) pour la première fois en 1984, puis être reparti au Brésil avant de revenir sur le territoire national en 2002. En 2006, il a sollicité son admission au séjour. Le 22 mai 2006, le préfet de la Guyane a pris à son encontre une décision de refus de séjour, assortie d'une invitation à quitter le territoire national, qui a été suivie le 24 juillet 2006 d'une reconduite à la frontière en raison de son maintien illégal en France. Revenu sur le territoire national, l'intéressé a fait l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement en 2010. En 2013, il a demandé une régularisation de son séjour. Le préfet de la Guyane a prononcé à son encontre, le 28 février 2014, un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Le 9 janvier 2015, il a sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 23 avril 2015, le préfet de la Guyane a pris à son encontre un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. M. B... D...a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 15 juin 2016, à la suite duquel le préfet de la Guyane lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi, par un arrêté du 15 juin 2016. M. B...D...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui se sont substitués à compter du 1err janvier 2016 aux dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. L'arrêté attaqué vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne par ailleurs les conditions d'entrée et de séjour en France de M. B...D...ainsi que divers éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale, notamment la circonstance qu'il est le père d'un enfant français à la charge exclusive de la mère et qu'il ne démontre pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ce dernier, l'absence de preuve de sa présence habituelle et continue, d'intégration et d'insertion durable dans la société française de l'intéressé, en particulier sur le plan professionnel, l'existence d'attaches familiales fortes dans son pays d'origine. Il rappelle que le requérant a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 23 avril 2015. Le même acte précise que sa situation ne répond pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels et que le refus de séjour ne contrevient pas aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Guyane, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a ainsi énoncé les circonstances de droit et de fait qui fondent l'arrêté en litige. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.

4. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. ".

5. M. B...D...est père d'un enfant, né le 31 mai 2014, dont la mère est de nationalité française. Toutefois, les documents dont il se prévaut, qui consistent en huit mandats cash émis au profit de son fils Samuel pour des montants de 20 à 80 euros, dont un sur l'année 2014 et deux sur l'année 2015, quelques photographies non datées, un certificat établissant sa présence lors d'une consultation médicale de l'enfant le 7 janvier 2015, ainsi qu'une attestation peu circonstanciée établie par la mère de l'enfant le 7 décembre 2014, ne sauraient suffire à établir que l'intéressé, qui ne vit pas avec son fils, contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans, ainsi que le prescrivent les dispositions précitées. Dans ces conditions, M. B...D..., qui n'établit pas qu'il verrait régulièrement son fils et entretiendrait avec lui une relation réelle et suivie, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Guyane aurait méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

7. M. B...D...soutient qu'il vit habituellement en France depuis l'année 2002, qu'il entretient des liens étroits avec des membres de sa famille en situation régulière sur le sol national et qu'il a fait preuve d'une réelle volonté d'intégration, notamment professionnelle. Toutefois, l'intéressé, qui ne produit en appel aucune autre pièce que celles déjà apportées en première instance, ne démontre pas la réalité de sa présence continue sur le territoire français durant une période significative, en particulier de l'année 2002 à l'année 2011 comprise. Son insertion dans la société française n'est établie ni par l'exécution de missions d'intérim rémunérées sur une très courte période durant l'année 2015, ni par la production d'une promesse d'embauche prenant effet à compter du mois de juillet 2016. Si M. B...D...fait état de la présence sur le territoire national de plusieurs membres de sa famille, il ne justifie pas ne plus disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine. S'il est père d'un enfant français, celui-ci vit avec sa mère, dont il est séparé et, ainsi qu'il vient d'être dit précédemment, il ne produit pas d'éléments probants permettant d'établir l'intensité de ses liens avec cet enfant. Par ailleurs, le requérant a déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement, dont deux en 2006 et une respectivement en 2010, 2014 et 2015. Par suite, et eu égard aux conditions du séjour en France de l'intéressé, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Guyane n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de M. B...D....

8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, M. B...D...est séparé de la mère de son fils et il n'établit pas qu'il entretiendrait avec celui-ci une relation réelle et régulière. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B...D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane et à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique le 30 novembre 2017.

Le rapporteur,

Laurent POUGET Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX02429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02429
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CHARLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-30;17bx02429 ?
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