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28/12/2017 | FRANCE | N°15BX04230

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 15BX04230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer en date du 29 mars 2012 portant approbation du plan d'alignement de l'avenue de Pontaillac.

Par un jugement n° 1201951 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 décembre 2015 et le 5 septembre 2017, MmeA..., représentée par Me B...puis par M

e Gabard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer en date du 29 mars 2012 portant approbation du plan d'alignement de l'avenue de Pontaillac.

Par un jugement n° 1201951 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 décembre 2015 et le 5 septembre 2017, MmeA..., représentée par Me B...puis par Me Gabard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 novembre 2015 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer en date du 29 mars 2012 portant approbation du plan d'alignement de l'avenue de Pontaillac ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de la condamner à rembourser les 1 000 euros versés au titre de la première instance.

Elle soutient que :

- le dossier d'enquête publique était incomplet faute de comporter le plan parcellaire mentionné à l'article R. 141-6 du code de la voirie routière. Elle renonce finalement à ce moyen ;

- le plan d'alignement adopté par le conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer est dépourvu d'intérêt général. Le tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur manifeste d'appréciation. En effet, il n'est pas établi que le parti retenu par le plan aurait pour effet de résoudre les problématiques liées au stationnement et à la circulation. L'importance de la modification de chaussée est en elle-même excessive et insusceptible de caractériser un quelconque intérêt général qu'il s'agisse de considérations liées à la sécurité, au confort des piétons, des cyclistes et automobilistes ou de considérations liées à l'amélioration du stationnement ;

- le plan d'alignement porte une atteinte excessive à la propriété privée de Mme A... en raison de l'emprise de ladite propriété qu'il a pour effet d'incorporer au domaine public routier communal. L'emprise porte sur une surface totale de 68 m² et sur une largeur de 4,50 mètres, le tout formant une terrasse cimentée au droit du local commercial situé en rez-de-chaussée. La privation de cette terrasse qui permet l'étalage de marchandises devant le local commercial constitue une atteinte excessive à la propriété de la requérante non seulement au regard de l'importance de la surface mais également au regard de l'incidence sur les conditions d'exploitation du local. D'une part, le pourcentage de surface concernée doit s'apprécier au regard de la configuration des lieux et de son utilité pour le local commercial dont elle est le prolongement. D'autre part, la privation de cette terrasse a pour effet d'amoindrir considérablement l'intérêt commercial des lieux. La circonstance que le local commercial est pour l'heure inexploité est indifférente dès lors que le préjudice doit s'apprécier à l'aune de la perte de valeur de la propriété, laquelle procède de l'amoindrissement du potentiel commercial du local et de son accessoire, la terrasse. Enfin, l'alignement contesté aura également pour effet d'empêcher le stationnement de Mme A...devant chez elle ainsi que l'utilisation de son garage. En outre, cette atteinte au droit de propriété n'est pas justifiée par un intérêt général, les pièces du dossier ne mettant pas en évidence l'amélioration alléguée de la circulation sur l'avenue. Par ailleurs, la faiblesse de l'indemnisation au regard de la perte réelle des valeurs vénale et commerciale caractérise la réalité d'un préjudice excessif ;

- seule la propriété de Mme A...va être sensiblement impactée par la décision attaquée par rapport aux autres propriétaires affectés par le plan d'alignement. Il ne s'agit pas d'une rectification mineure susceptible d'être autorisée dans le cadre d'un plan d'alignement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 mars 2017 et le 20 octobre 2017, la commune de Saint-Palais-sur-Mer, représentée par MeC..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de Mme A...la somme de 1 500 euros en application des dispositions L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- en première instance, la requérante n'avait soulevé que des moyens de légalité interne. Elle ne peut donc pour la première fois en appel soulever des moyens se rattachant à une autre cause juridique. En conséquence le moyen tiré du caractère incomplet du dossier soumis à l'enquête publique, qui se rattache à la légalité externe, est irrecevable. En tout état de cause, il résulte de l'arrêté du 15 novembre 2011, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que le dossier soumis à enquête publique comprenait les plans parcellaires. En outre, il n'est pas démontré que la prétendue incomplétude du dossier aurait exercé une influence sur le sens de la décision ou qu'elle aurait privé les personnes intéressées d'une garantie ;

- le moyen tiré de l'atteinte excessive à la propriété de Mme A...n'est pas fondé. La diminution de la propriété de la requérante n'apparait pas comporter une atteinte disproportionnée à ses droits au regard du but d'intérêt général poursuivi, compte tenu de la nécessité de délimiter les espaces de circulation piétonniers, automobiles, cyclables et d'assurer la sécurité de l'ensemble de ces personnes. Il résulte du plan d'alignement que le projet implique une emprise limitée sur les parcelles privées des riverains, la liste des parcelles affectées par cette réduction est limitée à seulement sept parcelles et Mme A...n'est pas l'unique propriétaire impactée. De plus, l'espace affecté par le plan d'alignement représente 68 m², soit moins de 20% de la parcelle totale de MmeA..., il n'est pas porté atteinte aux bâtiments existants et il ne s'agit pas d'un espace commercial en tant que tel mais d'un espace dédié au stationnement de la clientèle du magasin, magasin qui est inexploité. Il n'est pas plus porté atteinte à l'utilisation du garage de MmeA..., dès lors qu'un accès serait conservé dans le cadre du projet d'aménagement à intervenir ;

- le moyen tiré de ce que le plan d'alignement serait dépourvu d'intérêt général n'est pas fondé, au regard de la nécessité d'identifier le domaine public, de sécuriser les conditions de circulation tant piétonne qu'automobile ainsi que d'assurer la préservation d'un environnement balnéaire traditionnel alors que de nombreux dysfonctionnements ont été constatés au niveau de la circulation;

- la critique par la requérante du projet d'aménagement envisagé est inopérante dans la mesure où la légalité du plan d'alignement n'est pas subordonnée à celle du projet d'aménagement ;

- le moyen tiré de ce que le plan d'alignement modifierait l'assiette et l'axe de la voie n'est pas fondé. D'une part, les modifications de la voie entraînées par le plan d'alignement sont appréciables et ressortent du dossier d'enquête publique. D'autre part, la voie n'est modifiée qu'au droit de 7 parcelles sur des portions limitées de l'avenue. Dès lors, les emprises ne créent que des modifications mineures de l'assiette de la voie, dont l'axe demeure inchangé.

Par ordonnance du 8 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 novembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gabard, avocat de Mme A...et celles de Me Papin, avocat de la commune de Saint-Palais-sur-Mer.

Une note en délibéré présentée pour Mme A...par Me Gabard a été enregistrée le 8 décembre 2017.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Palais-sur-Mer a souhaité aménager l'avenue de Pontaillac, voie très fréquentée en secteur urbain classée en zone UD permettant de joindre la plage de Nauzan à la plage de Saint-Palais, afin d'y aménager sur toute sa longueur, d'environ 800 mètres, une piste cyclable à double sens, des stationnements organisés pour remédier à des stationnements anarchiques sur les trottoirs, trois mini-giratoires, des plantations pour remplacer des tilleuls âgés et des trottoirs sécurisés et éclairés par de nouveaux candélabres. Un plan d'alignement en vue de réaliser cette opération a été mis à l'enquête publique du 1er au 16 décembre 2011. Malgré les observations émises par Mme A...pendant l'enquête, revendiquant la propriété de l'espace de 68 m² situé devant le numéro 8 de l'avenue où elle possède un local à vocation commerciale, et les recommandations du commissaire-enquêteur tendant à vérifier la propriété des espaces voisins également situés devant des locaux commerciaux, le conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer a, dans une délibération du 29 mars 2012, adopté le plan d'alignement en regardant ces espaces comme appartenant au domaine public. Sur recours gracieux de Mme A...tendant au maintien de la disposition de sa " terrasse ", le maire lui a indiqué par lettre du 31 mai 2012 qu'il n'entendait pas revenir sur la détermination de l'alignement, mais que l'emprise sur sa propriété serait indemnisée dans les conditions proposées par le service des Domaines, à raison de 35 euros par mètre carré, et que l'accès à son garage bénéficierait d'aménagements. Mme A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cette délibération. Elle relève appel du jugement n° 1201951 du 5 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la délibération du 29 mars 2012 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. - Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique (...) la limite entre voie publique et propriétés riveraines. (...) ". Aux termes de l'article L. 112-2 du même code : " La publication d'un plan d'alignement attribue de plein droit à la collectivité propriétaire de la voie publique le sol des propriétés non bâties dans les limites qu'il détermine. - Le sol des propriétés bâties à la date de publication du plan d'alignement est attribué à la collectivité propriétaire de la voie dès la destruction du bâtiment. - Lors du transfert de propriété, l'indemnité est, à défaut d'accord amiable, fixée et payée comme en matière d'expropriation ". La procédure d'alignement prévue par l'article L. 112-1 du code de la voirie routière en vue de procéder aux élargissements ou redressements des voies communales ne saurait légalement s'appliquer à des modifications qui comportent une emprise importante sur les terrains privés bordant la voie publique.

3. Il ressort des pièces du dossier que le plan d'alignement, adopté par le conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer le 29 mars 2012, prévoit un retrait de 4 mètres sur l'emprise de la parcelle de Mme A...longeant cette voie publique afin de porter la largeur de sa chaussée de 13 à 17 mètres et ne comporte ni empiètement sur des bâtis, ni rectification de l'axe de la voie, ni modifications substantielles de la configuration des lieux de nature à faire obstacle à l'emploi de la procédure du plan d'alignement. La circonstance que l'emprise de la parcelle de Mme A...ait autrefois été utilisée à des fins commerciales pour y exposer des marchandises est sans incidence sur le caractère mineur de la modification. Ce plan n'emporte rectifications que pour sept propriétaires. Cette opération ne vise ainsi qu'à opérer des rectifications mineures de la voie existante.

4. En second lieu, si des limites sont apportées à l'exercice du droit de propriété, elles doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionné à l'objectif poursuivi. D'une part, il résulte des dispositions précitées des articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la voirie routière que, comme indiqué précédemment, le plan d'alignement n'attribue à la collectivité publique le sol des propriétés qu'il délimite que dans le cadre de rectifications mineures du tracé de la voie publique. D'autre part, un plan d'alignement vise à améliorer la sécurité routière et à faciliter les conditions de circulation et répond ainsi à un motif d'intérêt général. Si ces conditions sont respectées, un plan d'alignement ne porte pas d'atteinte excessive au droit de propriété.

5. D'une part, pour les motifs précédemment énoncés, le plan d'alignement n'emporte pas de modifications importantes du tracé de la voie publique de sorte qu'il ne procède qu'à des rectifications mineures quand bien même l'une d'entre elles impliquerait d'attribuer à la commune de Saint-Palais-sur-Mer 68 m², non bâtis, de la parcelle de MmeA....

6. D'autre part, Mme A...soutient que le plan d'alignement litigieux ne répond pas à un motif d'intérêt général. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice explicative et du rapport du commissaire enquêteur, lesquels ne sont pas contredits par les autres pièces versées au dossier, que l'avenue de Pontaillac connaît un fort accroissement de sa circulation automobile et piétonne en période estivale, source de dysfonctionnements liés à la fois à la circulation des automobiles et des cyclistes, au stationnement des véhicules automobiles et au cheminement des piétons, gênés par des saillies de propriétés privées sur le domaine public communal diminuant en certains endroits la largeur des trottoirs de l'avenue. Or ce plan d'alignement permettra le réaménagement de cette avenue, notamment par la mise en place d'une piste cyclable, d'un rond point et l'ajout de places de stationnement, et répond ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, au motif d'intérêt général énoncé au point 4.

7. Il résulte donc de ce qui est énoncé aux deux points précédents que le plan d'alignement contesté ne porte pas une atteinte excessive au droit de propriété de MmeA.... En conséquence, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer du 29 mars 2012.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement de la somme que demande MmeA..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme demandée par la commune de Saint-Palais-sur-Mer au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Palais-sur-Mer présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et à la commune de Saint-Palais-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 décembre 2017.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

No 15BX04230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX04230
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-02-02-005 Voirie. Régime juridique de la voirie. Alignements. Plan d'alignement.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP DIDIER BATS - THIERRY LACOSTE - JANOUEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-28;15bx04230 ?
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