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08/02/2018 | FRANCE | N°17BX03434

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 08 février 2018, 17BX03434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 5 avril 2017 par lequel le préfet du Gers lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700823 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2017, Mme B...

pouseA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 5 avril 2017 par lequel le préfet du Gers lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700823 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2017, Mme B...épouseA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 28 septembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gers du 5 avril 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gers de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté ne disposait pas d'une délégation de signature claire et précise lui permettant de signer les décisions portant refus de séjour et éloignement du territoire français ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; le tribunal ne disposait pas des éléments nécessaires pour apprécier correctement sa situation ; dès sa libération, en octobre 2016, elle a rejoint immédiatement sa famille résidant en France ; elle a tout mis en oeuvre pour récupérer la garde de ses enfants mineurs ; elle-même et son époux ont sollicité la main-levée du placement de leurs trois filles mineures lors de l'audience qui s'est tenue devant le juge des enfants de Charleville-Mézières ; si le jugement du 25 novembre 2016 n'a pas fait droit à leur demande, la motivation de cette décision démontre qu'ils ont toujours maintenu des liens avec leurs enfants, notamment par le biais d'appels téléphoniques ; le juge a également relevé l'émotion de son époux et son implication, et a décidé le transfert de ce dossier à Auch et le placement de ces enfants dans ce ressort géographique ; il a enfin ordonné une mesure d'investigation judiciaire afin d'évaluer ses capacités éducatives et celles de son époux en vue du retour de leurs enfants à leur domicile ; désormais, Monica, âgée de 17 ans, réside à son domicile, Simona revient chaque week-end et Leila y passe tous les samedis ;

- les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où toute sa famille séjourne en France ; elles sont également, pour les motifs précédemment indiqués, contraires à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- ces décisions doivent être annulées en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par ordonnance du 14 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 22 décembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sabrina Ladoire a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...B...épouseA..., ressortissante kosovare, née le 1er mars 1973, déclare être entrée sur le territoire français, en 2002, pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 12 août 2005, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 12 septembre 2007. Elle a ensuite été extradée en Italie où elle aurait été incarcérée, selon ses déclarations, entre 2012 et 2016. Revenue en France au cours du mois d'octobre 2016, elle a déposé, le 23 novembre 2016, une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 5 avril 2017, le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 28 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

2. L'arrêté en litige a été signé par M. Guy Fitzer, secrétaire général de la préfecture du Gers. Par arrêté du 28 novembre 2016, publié au recueil spécial n° 32-2016-078 des actes administratifs de la préfecture le même jour, et consultable sur internet, le préfet du Gers lui a donné délégation à l'effet de signer toutes les décisions à l'exception de certaines, au nombre desquelles ne figurent pas les décisions portant refus de séjour et éloignement du territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige manque en fait.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un arrêté préfectoral portant refus de titre de séjour et éloignement du territoire français, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Mme A...soutient que dès sa libération, en octobre 2016, elle a rejoint sa famille résidant en France et a tout mis en oeuvre pour récupérer la garde de ses trois filles mineures, nées en 2000, 2002 et 2006, en sollicitant la main levée de leur placement. Elle se prévaut, à ce titre, du fait que le juge des enfants, après avoir relevé sa volonté de s'impliquer dans l'éducation de ses filles, a décidé leur transfert à Auch afin de permettre la reconstitution de leur cellule familiale. Cependant, il ressort des pièces du dossier que si le juge des enfants du Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a effectivement relevé la volonté des époux A...de s'investir désormais dans l'éducation de leurs enfants, il a néanmoins renouvelé, par jugement du 25 novembre 2016, la mesure de placement de leurs trois filles mineures, dans le département du Gers, pour une durée de six mois à compter du 17 décembre 2016. Le tribunal a d'ailleurs souligné que les relations parents-enfants étaient inexistantes et qu'avant même leur incarcération, les époux A...connaissaient d'importantes difficultés éducatives qui avaient nécessité un suivi durant plusieurs années dans le cadre de mesures d'assistance éducative en milieu ouvert avec, de manière récurrente, l'évocation du placement de leurs enfants. Cette juridiction a également prescrit, eu égard aux incertitudes concernant les compétences parentales des épouxA..., une mesure judiciaire d'investigation éducative afin d'évaluer la situation du couple, la qualité des relations parents-enfants, et l'existence éventuelle d'un danger pour ces derniers à demeurer près de leurs parents. A ce titre, et contrairement à ce que soutient MmeA..., il ne ressort pas des pièces du dossier que leurs filles aînées étaient autorisées, à la date de l'arrêté en litige, à passer les week-ends à leur domicile, si ce n'est à titre exceptionnel, comme à l'occasion du mariage de leur cousine. En outre, si Mme A...produit des documents indiquant les dates au cours desquelles elle a été autorisée, avec son époux, à exercer son droit de visite, elle ne verse aucune attestation permettant de déterminer si ces visites ont effectivement eu lieu, et leur impact subséquent sur le développement et l'équilibre psychologique de leurs trois enfants. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, M. et MmeA..., qui revoyaient leurs enfants depuis trois mois après avoir été absents de leur vie durant neuf et quatre ans, aient noué avec ces enfants des liens affectifs suffisamment intenses. Enfin, ses trois filles ne sont pas isolées en France où résident d'autres membres de leur fratrie, leur grand-mère et leur oncle. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige, même s'il conduit à séparer la requérante de ses trois enfants, aurait porté atteinte à leur intérêt supérieur, en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme A...soutient que l'ensemble de ses enfants résident en France et qu'elle séjourne d'ailleurs au domicile de son fils, Sultano, avec son époux et leurs deux autres fils, Valter et Leonardo. Toutefois, l'intéressée ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait résidé habituellement en France jusqu'à la date de son extradition en Italie. Si elle fait valoir qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, elle ne l'établit pas. Mme A...ne saurait davantage se prévaloir de la présence en France de ses enfants, dont elle a vécu séparée durant plus de quatre ans, et avec lesquels elle n'établit pas avoir créé des relations stables et intenses. L'époux de Mme A...fait également l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par un arrêt rendu ce jour sous le n° 17BX03433. Enfin, Mme A...ne produit aucun élément de nature à établir son intégration en France, alors qu'elle a été incarcérée, durant les quatre dernières années, en Italie. Dans ces conditions, et en l'absence d'obstacle avéré qui aurait mis l'intéressée dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France avec son époux, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de Mme A...ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement et de la décision fixant le pays de renvoi.

8. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, de l'atteinte portée à son droit de mener une vie privée et familiale normale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions en ce sens de la requérante ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées en application des dispositions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...épouse A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Gers.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président- assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 février 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

2

N° 17BX03434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03434
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : PEPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-08;17bx03434 ?
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