La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2018 | FRANCE | N°15BX01915

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 15 mars 2018, 15BX01915


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Coeur du Bocage a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la société Allianz IARD, ès qualités d'assureur de la SAS Athema et de la SARL Essentiel, la SARL Essentiel, la société Arest, la société FGEco, la SAS Baumert Technologies, M. E..., la SAS Dekra Inspection, la société Lacroix, la société Melfis et la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Athema à lui verser solidairement ou, à défaut, chacun pour ce qui le concerne, un

e somme de 413 507,87 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Coeur du Bocage a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la société Allianz IARD, ès qualités d'assureur de la SAS Athema et de la SARL Essentiel, la SARL Essentiel, la société Arest, la société FGEco, la SAS Baumert Technologies, M. E..., la SAS Dekra Inspection, la société Lacroix, la société Melfis et la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Athema à lui verser solidairement ou, à défaut, chacun pour ce qui le concerne, une somme de 413 507,87 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa requête, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour elle des malfaçons dont est affecté le centre nautique de Bressuire.

La SAS Baumert Technologies et la société Lacroix ont demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de la communauté de communes Coeur du Bocage à leur verser, respectivement, les sommes de 28 135,35 euros et 1 940,17 euros au titre du solde de leur marché.

Par un jugement n° 1200437 du 8 avril 2015, le tribunal administratif de Poitiers a d'une part, condamné solidairement la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur de la SAS Athema, la SARL Essentiel, la SARL Ethis, la société Arest et la société Orfea à verser à la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais une somme de 71 106,32 euros TTC en réparation des préjudices résultant pour elle des malfaçons dont étaient affectés les travaux réalisés par la SAS Athema et une somme de 17 132, 94 euros en remboursement des frais d'expertise, lesdites sommes portant intérêt à compter du 14 février 2012, et d'autre part, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 juin 2015 et le 20 février 2017, la SARL Essentiel, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) à titre principal d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 avril 2015 ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes formées par la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais à son encontre et à l'encontre de l'équipe de maîtrise d'oeuvre ;

3°) à titre subsidiaire de réduire le montant de la somme mise à sa charge ainsi qu'à celle de l'équipe de maîtrise d'oeuvre à la somme de 6 821, 82 euros HT ;

4°) de condamner la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à supporter les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'équipe de maîtrise d'oeuvre n'est pas responsable des conséquences de la défaillance d'une société placée en liquidation judiciaire en cours de chantier ;

- l'équipe de maîtrise d'oeuvre a informé le maître d'ouvrage des difficultés rencontrées avec la société Athema ;

- les solutions techniques de reprise des malfaçons réalisées par la société Athema ont été validées par l'expert judiciaire dès sa note n°2 du 19 juillet 2011 sur la base des pièces qu'elle a fournies et proposées dès le 8 mars 2011, étant précisé que le marché entre la société Athema et la maîtrise d'ouvrage était résilié le 25 février 2011 ; la demande indemnitaire formée par la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais au titre d'une perte de préjudice d'exploitation ne peut être retenue alors que moins de 15 jours après la liquidation de la société Athema, la maîtrise d'ouvrage était destinataire des solutions de reprise dont il est aujourd'hui constant quelles sont bonnes et parfaites pour mettre un terme aux désordres sollicités, et qu'elle s'en est volontairement affranchie en préférant solliciter une entreprise locale, la société Gonnord, qui lui disait contre l'évidence qu'il fallait changer l'intégralité du mur rideau pour une somme avoisinant les 200 000 euros ; la fermeture de l'ouvrage résulte donc de l'unique fait de la maîtrise d'ouvrage qui a refusé les solutions de reprise proposées par la maîtrise d'oeuvre pour une somme de 6 821,82€ dès le 8 mars 2011, solutions de reprise qui seront in fine validées par l'expert judiciaire dès le 19 juillet 2011 et ne seront pas suivies par la maîtrise d'ouvrage publique qui demande aujourd'hui l'indemnisation de la perte d'exploitation depuis avril 2011 ;

- il résulte du rapport d'expertise que contrairement à tout ce qui a pu être soutenu par la maîtrise d'ouvrage publique, les désordres existants sur le mur rideau ne relèvent en aucune manière d'une mauvaise exécution mais d'une simple inexécution, c'est-à-dire d'une non-finition dont la seule origine provient de la liquidation judiciaire de la société Athema ;

- la faiblesse des épines du mur rideau, qui se sont révélées non-conformes au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) émis par la maîtrise d'oeuvre, est parfaitement étrangère à la moindre manifestation d'un quelconque désordre ; il n'existe aucune relation de cause à effet entre la faiblesse des épines, qui est par ailleurs uniquement imputable à la société Athema, et les désordres observés sur le mur rideau qui résultent uniquement de la non-finition et de l'abandon du chantier par la société Athema ;

- les désordres nés de la non-finition des ouvrages sont, sans discussion aucune, uniquement imputables à la SAS Athema, et sont sans aucun lien avec la faiblesse des épines qui n'a entraîné aucun désordre ; en jugeant le contraire, le tribunal n'a pas tenu compte des conclusions du rapport d'expertise en faisant un amalgame entre le désordre de calage et de non-finitions, qui est un désordre allégué, et le sous-dimensionnement des épines, qui est un désordre hypothétique puisque l'expert a pris soin d'écrire qu'aucun désordre n'est né de la faiblesse des flèches des épines alors que l'ouvrage avait subi le passage de la tempête Joachim, donc été exposé à des conditions météorologiques relativement extrêmes sans que le sous dimensionnement des épines ne génère aucun désordre ;

- la maîtrise d'oeuvre a signalé à de nombreuses reprises les signes précurseurs de la défaillance à venir de la société Athema ; des alertes ont été émises à ce titre de manière répétée à compter du mois de mai 2010 jusqu'à la cessation d'activité de la société Athema en septembre 2010 ; aucune faute ne peut donc être reprochée à la maîtrise d'oeuvre d'exécution à ce titre sauf à dénaturer la réalité des faits ; la seule faute qui existe en la matière est imputable à la maîtrise d'ouvrage publique qui est restée inerte face aux nombreuses alertes faites par la maîtrise d'oeuvre relatives aux difficultés rencontrées avec la société Athema, unique contractant de la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais ;

- selon l'acte d'engagement du 15 mars 2007, la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais a confié à l'équipe de maîtrise d'oeuvre une mission contractuelle relevant de la mission de base de la loi MOP ; cette mission n'oblige pas l'équipe de maîtrise d'oeuvre à vérifier les calculs internes établis par le titulaire du lot au stade de l'exécution ;

- le tribunal a qualifié à tort un défaut d'exécution, qui est en réalité uniquement imputable au titulaire du lot du mur rideau, de vice de conception imputable à la maîtrise d'oeuvre ; les calculs qui avaient été faits par la maîtrise d'oeuvre de conception dans le cadre du CCTP sont parfaitement exacts ; la société Athema a émis un devis sur la base de ce CCTP qui respectait parfaitement ses préconisations ; en revanche, en cours d'exécution la société Athema a été défaillante dans la réalisation de son ouvrage après avoir adressé son dossier de menuiserie au bureau de contrôle Dekra qui a émis un avis positif et à l'architecte qui l'a visé le 23 mars 2014 pour des éléments strictement conformes au CCTP ; l'erreur de calcul de la société Athema dans la réalisation de son ouvrage ne pouvait donc aucunement être décelée par la maîtrise d'oeuvre au stade de l'exécution ; imputer une faute contractuelle à la maîtrise d'oeuvre pour n'avoir pas vérifié les notes de calculs internes de l'entreprise Athema revient à ajouter à la mission contractuelle de visa qui était confiée à la maîtrise d'oeuvre ; l'expert a confirmé dans son rapport que les documents de base fournis par le maître d'oeuvre sont des documents d'avant projet et de projet, non des documents d'exécution ; l'expert a également précisé que la faiblesse au niveau des flèches n'était pas décelable à l'oeil nu ;

- il n'existe donc aucune faute de l'équipe de maîtrise d'oeuvre dans l'apparition du désordre et aucune faute de suivi de l'équipe de maîtrise d'oeuvre au regard des missions contractuelles qui lui étaient confiées, comme l'a conclu l'expert judiciaire ;

- à supposer qu'il y ait une faute de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, la faiblesse des épines n'a occasionné aucun désordre au mur rideau et ce désordre a fait l'objet d'une proposition de reprise dès le 8 mars 2011, qui n'a pas été acceptée par la maîtrise d'ouvrage publique mais qui a été validée par l'expert judiciaire dès le 19 janvier 2011 ; ainsi, le désordre hypothétique né de l'erreur de calcul de la société Athema aurait pu être repris avant l'ouverture de la piscine en avril 2011 si la maîtrise d'ouvrage publique avait écouté les conseils de la maîtrise d'oeuvre ;

- le tribunal administratif de Poitiers a écarté le raisonnement de la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais selon lequel la maîtrise d'oeuvre avait failli dans sa mission d'assistance auprès du maître d'ouvrage ; l'examen des échanges qui ont eu lieu entre la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage publique témoigne du fait que la première a fidèlement informé, comme l'a relevé l'expert dans son rapport, la seconde des diligences à suivre lorsque la société Athema a fait l'objet d'une liquidation judiciaire ; la maîtrise d'ouvrage publique échoue totalement dans la démonstration de l'existence même d'une telle faute, qu'elle se borne à évoquer dans des termes très généraux et péremptoires, et qui ne repose sur aucun élément sérieux ;

- la maîtrise d'ouvrage publique est infondée à se prévaloir de quelque préjudice que ce soit à l'égard de la maîtrise d'oeuvre et il n'existe aucun préjudice d'exploitation susceptible d'être indemnisé dans la présente instance ;

- si la société Athema n'avait pas été défaillante et que la collectivité n'avait pas illégitimement mis en doute la maîtrise d'oeuvre, cette dernière aurait eu la possibilité de faire régulariser l'insuffisance de flèche en parallèle de la finition de son contrat, sans retard de livraison ; dans ces conditions, l'autorisation de pose du mur rideau malgré l'absence de note de calcul ne constitue pas une faute tant que les ouvrages ne sont pas réceptionnés ;

- l'équipement est conforme aux règles de l'art sans changement du mur rideau dans son ensemble, par mise en oeuvre de mesures complémentaires permettant de respecter les calculs de résistance prescrits par la norme ; l'expert a confirmé cet état de fait en validant la proposition de reprise émise par l'exposante ; le résultat réclamé étant obtenu, aucune faute ne peut être retenue ;

- la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais n'allègue et ne subit aucun préjudice du fait de la mise en oeuvre d'une solution de renforcement en lieu et place d'un changement pur et simple du mur rideau ;

- sur le retard de chantier, la maîtrise d'oeuvre ne pouvait pas proposer la conclusion d'un nouveau marché public relatif au lot n°6 Menuiseries intérieures et extérieures tant que le précédent n'était pas résilié ; les entreprises titulaires de marchés publics disposent d'un droit d'exclusivité sur les prestations qui leur sont attribuées ; la personne publique a seule la direction du contrat et la possibilité de résilier le marché avec une entreprise défaillante, notamment au titre de la résiliation aux frais et risques ;

- si l'expert retient la somme de 50 036,12 euros TTC au titre des travaux de reprise, la plus grande partie de ces travaux relèvent de l'abandon de chantier de la société Athema et sont sans lien avec la non-conformité du mur rideau avec les règles de l'art ; seul le montant de 6 821,82€ HT correspond à la reprise des épines ;

- les frais de maîtrise d'oeuvre supplémentaire tout comme le report de l'inauguration résultent quant à eux de l'abandon de chantier de la société Athema et de la nécessité de faire terminer ces travaux par une nouvelle entreprise, ils ne sont pas liés à la non-conformité de la flèche des épines et donc à la faute retenue par le tribunal à l'encontre de l'exposante ;

- les sociétés Orfea acoustique et Ethis doivent être mises hors de cause ;

- les conclusions de la société Arest à son encontre relèvent de la juridiction civile et celles de FGEco et Dekra au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées car elle n'a rien demandé à leur encontre.

Par un courrier enregistré le 8 juin 2015, et des mémoires enregistrés le 9 septembre 2015 et le 6 janvier 2016, la société Arest demande à la cour :

- à titre principal d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 avril 2015 en tant qu'il a retenu la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre et de rejeter l'ensemble des demandes de la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais ;

- à titre subsidiaire, de condamner la SARL Essentiel, la Compagnie Allianz IARD, la société FGEco, la SAS Baumert Technologies, M. E..., la SAS Dekra Inspection, la société Lacroix, la société Melfis et la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Athema à la garantir in solidum de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- et à titre infiniment subsidiaire de limiter la condamnation qui pourrait intervenir au titre des préjudices matériels à la somme de 55 036, 12 euros TTC ;

- de condamner solidairement toutes parties succombantes à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- selon l'expert judiciaire, le désordre au niveau de la porte d'entrée de la piscine ayant été réparé avant expertise, seuls les verres cassés au niveau de la façade arrière sont à reprendre ; le seul désordre persistant est l'absence de calage dû à l'abandon de chantier par la société Athema, qui n'a pas été remplacée ; l'expert précise que bien que l'inertie transversale des épines ne soit pas suffisante pour accepter une flèche au 1 /300ième, ce n'est pas ce défaut qui a provoqué la casse des verres ; il relève également que l'ouvrage, tel qu'il a pu le voir, n'est pas stabilisé en charge verticale, le chantier ayant été abandonné par la société Athema qui avait repris les travaux de montage à la place de la société Melfis, laquelle avait été contrainte d'arrêter le chantier en raison de l'absence de fournitures de la part de la société Athema ;

- selon l'expert, seule la responsabilité de la société Athema peut être recherchée et l'équipe de maîtrise d'oeuvre a correctement rempli sa mission ;

- en qualité de bureau d'étude structure, sa mission ne portait que sur les lots gros-oeuvre et charpente, à l'exclusion du lot Menuiserie et murs rideaux à l'origine des désordres ; ainsi elle ne pouvait effectuer aucune étude sur la flèche maximale admissible pour le mur-rideau ;

- elle n'a effectué ni visa ni contrôle des notes de calcul de l'entreprise chargée de ce lot ;

- l'absence des notes de calcul sur laquelle s'est fondé le tribunal pour engager la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'oeuvre n'est pas à l'origine des désordres ;

- la carence de la maîtrise d'oeuvre dans la mission d'assistance auprès du maître de l'ouvrage n'est pas établie ; l'attitude de la maîtrise d'ouvrage, qui n'a pas suivi les préconisations de la maîtrise d'oeuvre et qui a pris contact directement avec de nouvelles entreprises, est à l'origine de la survenance de son préjudice ; les bris de vitres ne peuvent être imputés à l'équipe de maîtrise d'oeuvre ;

- si une condamnation devait intervenir, elle ne pourrait être supérieure à la somme de 55 036, 12 euros TTC.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2015, la SAS Dekra Industrial demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a prononcé sa mise hors de cause et de mettre à la charge de la SARL Essentiel une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante ne formule aucune demande de réformation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Dekra et, en conséquence, aucune demande de condamnation à son encontre ;

- le jugement sera confirmé en tant qu'il la met hors de cause.

Par un mémoire enregistré le 22 octobre 2015, la société Orfea Acoustique demande à la cour de constater qu'elle n'était pas partie à la procédure ayant entraîné sa condamnation solidaire, et d'infirmer le jugement en tant qu'il l'a condamnée.

Elle soutient que :

- c'est par la notification du jugement du tribunal qu'elle a découvert la procédure alors qu'elle n'a jamais été mise en cause en première instance, pas plus qu'elle n'avait participé aux opérations d'expertise ; aucune demande n'a jamais été formée à son encontre par aucune des parties à la procédure et c'est donc à la suite d'une erreur matérielle qu'elle a été condamnée au paiement des dites sommes ;

- le mémoire d'appel de la SARL Essentiel ne contient pas de conclusions dirigées à son encontre.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2015, la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais, venue aux droits de la communauté de communes Coeur du Bocage, conclut :

- d'une part, à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 avril 2015 en tant qu'il a retenu la responsabilité de la SARL Mandon ès-qualités de liquidateur de la SAS Athema, la SARL Essentiel et la société Arest contractuellement responsables au titre de la non-vérification de la note de calcul de la SAS Athema,

- d'autre part à la réformation du jugement en tous ses autres points, notamment en ce qu'il a ajouté dans la condamnation les sociétés Orfea et Ethis qu'elle n'avait pas mises en cause, et à la condamnation solidaire de la SARL Essentiel, de la société Arest, de la société FGEco, de la SAS Baumert Technologies, de M. E..., de la SAS Dekra, la société Lacroix, de la société Melfis et de la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Athema à lui verser la somme de 413 507,87 euros avec les intérêts à compter de l'enregistrement de la requête ;

- et enfin à ce que la cour mette à la charge solidaire de l'ensemble des constructeurs précédemment désignés et des non constructeurs une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les sociétés Ethis et Orfea ne sont jamais intervenues en qualité de maître d'oeuvre et n'ont jamais été concernées ni de près ni de loin par la présente procédure ; le tribunal a prononcé une condamnation à l'égard de parties non concernées par le litige et non mises en cause dans la présente procédure ; la cour réformera le jugement en tant qu'il condamne de manière injustifiée la SARL Ethis et la SARL Orfea ;

- le cabinet Berthomieu, titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre du projet a été repris en cours de chantier par la SARL Essentiel ; l'économie et le suivi des travaux ont été sous-traités par le cabinet Berthomieu à la société FGEco ; selon le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) annexé au marché, la mission de maîtrise d'oeuvre comportait les points suivants : étude d'esquisses ; étude d'avant-projets ; étude de projets ; assistance de la mise au point du contrat des travaux ; visas ; direction de l'exécution des travaux ; assistance aux opérations de réception ;

- le tribunal distingue bien deux types de désordres, la non-finition du mur rideau par la société Athema à l'origine de la cassure des verres et la non-conformité de l'inertie des épines au document technique unifié (DTU), qui n'est pas à l'origine de la cassure des verres mais constitue également un désordre ; la SARL Essentiel est responsable de la gestion catastrophique de l'abandon du chantier par la société Athema ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'équipe de maîtrise d'oeuvre a manqué à ses obligations contractuelles et à son devoir de conseil en omettant de constater et de signaler au maître d'ouvrage les signes précurseurs de la défaillance de la SAS Athema ; si les courriers produits par la requérante montrent qu'elle a signalé une difficulté avec l'entreprise, ils n'apportent aucun conseil sur la marche à suivre pour y remédier ; la SARL Essentiel n'a jamais mis en demeure la société Athema par lettre recommandée avec accusé de réception de reprendre les travaux alors même que le CCAP la tient pour responsable du respect par les entreprises des stipulations du marché de travaux ; la collectivité a donné suite aux rares instructions de la maîtrise d'oeuvre dans la gestion du chantier suite à la liquidation de la société en faisant réaliser une expertise des travaux réalisés par la société Athema ; l'équipe de maîtrise d'oeuvre a manqué à ses obligations en ne réalisant pas elle-même cette expertise et en se déchargeant sur le maître d'ouvrage pour préconiser la suite des travaux ;

- il ressort des constatations de l'expert judiciaire que l'ouvrage ne respecte pas le dimensionnement imposé par les règles de l'art et qu'à ce jour, ces notes de calculs se révèlent fausses ; l'équipe de maîtrise d'oeuvre aurait largement pu éviter ces désordres si elle avait respecté les dispositions du CCTP et contrôlé ce dimensionnement ; malgré l'alerte de la société Dekra, la maîtrise d'oeuvre n'a jamais sollicité les notes de calcul permettant de démontrer le sous-dimensionnement des épines non conformes au DTU ; ce n'est pas parce que le sous-dimensionnement des flèches des épines n'est pas à l'origine de la cassure des vitres, comme le soutient la maîtrise d'oeuvre, que l'ouvrage est conforme et dénué de désordres ;

- deux désordres ont été constatés sur le mur rideau : la non-conformité des épines sous-dimensionnées et le non-calage à l'origine d'une rupture du vitrage ; ces désordres relevaient du lot n°6 dont la société Athema était titulaire, or l'ensemble de ces travaux ont été sous-traités aux sociétés Melfis et Lacroix qui seront tenues pour responsable de ces désordres ; elle est fondée à engager la responsabilité des sociétés Lacroix, Melfis et Baumert sur le fondement de leur responsabilité délictuelle puisque celles-ci ont clairement commis des fautes dans la réalisation de leurs travaux, causant ainsi un préjudice important au maître d'ouvrage ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, la société Gonnord n'est pas intervenue pour réaliser des travaux sur le mur rideau ; ces travaux ont été réalisés par les sociétés Alugo et CMB ;

- le chiffrage retenu par l'expert pour la reprise des désordres est insuffisant dès lors qu'il n'intègre pas la reprise du sous-dimensionnement des épines du mur rideau pourtant nécessaire à la réalisation de l'ouvrage conformément aux règles de l'art, à laquelle les constructeurs sont tenus ; les travaux ont été réalisés avec l'aval et sous le contrôle de l'équipe de maîtrise d'oeuvre pour un montant de 195 187,20 euros ;

- les préjudices résultent, en deuxième lieu, de la perte d'exploitation subie, évaluée à 153 739,04 euros compte tenu des diminutions de recettes escomptées et des charges engagées sur la période ;

- ils résultent, en troisième lieu, des frais de communication exposés, soit 6 070,20 euros, indemnisés à bon droit par le tribunal ;

- ils résultent, enfin, du surcoût des frais de maîtrise d'oeuvre du fait des deux avenants nécessaires pour un montant total de 58 511,43 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2015, l'Eurl FGEco conclut au rejet de la requête et des conclusions incidentes de la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais et demande à la cour de mettre à la charge de la SARL Essentiel une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- selon la jurisprudence, le maître d'ouvrage public ne peut engager la responsabilité du sous-traitant ni sur le terrain contractuel, ni sur le fondement décennal, ni sur le fondement délictuel ;

- seul l'entrepreneur principal est responsable vis-à-vis du maître d'ouvrage de la bonne exécution des prestations ; elle n'avait été chargée en qualité de sous-traitante de l'architecte que de l'économie et de la mission de direction de l'exécution des travaux (DET) ; à compter du 18 mai 2010, le maître d'ouvrage a été informé par ses soins, par des courriers et les comptes-rendus de chantier, des difficultés liées à l'attitude de la SAS Athema, et elle a demandé l'application de l'article 48 du cahier des clauses administratives générales ; l'expert n'a retenu aucune carence sur ce point ;

- elle n'était pas chargée du contrôle des notes de calcul produites par cette dernière ; les ruptures de verres ne sont imputables qu'au défaut de calage et de finition de l'ouvrage ;

- dans le cadre de son assistance au maître d'ouvrage, elle est intervenue pour prendre les mesures conservatoires nécessaires, préparer le dossier de consultation des entreprises pour la reprise des travaux et donner son avis sur les propositions reçues ; elle n'était pas tenue de réaliser elle-même une expertise sur les travaux inachevés ni de contrôler la qualité des matériaux employés par la SAS Athema, laquelle n'est au demeurant pas à l'origine des désordres ;

- le préjudice de reprise des désordres doit être limité, conformément aux conclusions de l'expert, à 55 036,12 euros TTC ; aucune perte d'exploitation n'est due, la maîtrise d'oeuvre ayant proposé une solution de reprise dès janvier 2011 permettant l'ouverture normale de l'établissement en avril suivant ; en toute hypothèse, l'expert a limité le montant de la perte éventuelle d'exploitation à 110 000 euros TTC.

Par une lettre du 3 décembre 2015 enregistrée le 18 décembre 2015, le liquidateur de la société Athema a informé la cour qu'il ne pouvait se faire représenter dans l'instance.

Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2016, régularisé le 5 décembre 2016, la société Ethis et la société FGEco demandent à la cour de mettre hors de cause la société Ethis et de mettre à la charge de la SARL Essentiel et de la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la société Ethis n'a pas participé à la procédure relative au marché de travaux litigieux ; aucune demande n'est formulée par les parties à son encontre ; le président du tribunal administratif a reconnu l'erreur matérielle, mais écarté sa demande de rectification comme tardive.

Par un courrier en date du 19 décembre 2016, Me C...es qualité de mandataire judiciaire de la société Melfis informe la cour que le tribunal de commerce de Tours par jugement du 25 octobre 2016 a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif du dossier relatif à la société Melfis.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2017, la compagnie Allianz IARD conclut au rejet de toutes demandes présentées à son encontre et à la condamnation de toute partie succombante à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- seuls les tribunaux de l'ordre judiciaire ont compétence pour connaître des actions tendant au paiement des indemnités d'assurance dues par l'assureur au titre de ses obligations de droit privé et à raison du fait dommageable commis par son assuré, alors même que l'appréciation de la responsabilité de cet assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait du juge administratif.

Par ordonnance du 21 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 avril 2017 à 12 heures.

Par lettre en date du 23 janvier 2018, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions en garantie de la société Arest sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant la Sarl Essentiel, de MeD..., représentant la communauté agglomération Bocage Bressuirais, de MeH..., représentant la société Arest, de MeG..., représentant la société Allianz Iard et de MeA..., représentant la société Dekra Industrial.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Coeur du Bocage a confié le 15 mars 2007 le marché de maîtrise d'oeuvre pour la restructuration du centre nautique de Bressuire (Deux-Sèvres) à un groupement solidaire composé de l'EURL Berthomieu architectes, aux droits de laquelle vient la SARL Essentiel, mandataire du groupement, la SARL Ethis, la société Arest et la société Orfea. Pour la réalisation des travaux, la société Norisko Construction, aux droits de laquelle vient la société Dekra Industrial, a été chargée, par un contrat du 17 septembre 2007, du contrôle technique comprenant, notamment, une mission L relative à la solidité des ouvrages. La mission Organisation, pilotage, coordination a été confiée à M.E.... Par acte spécial du 25 juin 2007, la collectivité a accepté la sous-traitance par le groupement de maîtrise d'oeuvre d'une partie des missions d'économiste de la construction et de direction de l'exécution des travaux à la société FGEco. Le lot n° 6 Menuiseries extérieures et intérieures en aluminium a été attribué à la SAS Athema par un contrat conclu le 14 avril 2009 pour un montant de 247 153 euros HT. Par acte spécial du 23 février 2010, la communauté de communes a accepté la SARL Melfis en qualité de sous-traitant de la SAS Athema pour la pose des menuiseries aluminium. Par acte spécial du 31 mars 2010, la communauté de communes a accepté la SAS Lacroix en qualité de sous-traitant de la SAS Athema pour la fourniture et la pose de deux portes automatiques. Par acte spécial du 30 avril 2010, la communauté de communes a accepté la SAS Baumert Technologies en qualité de sous-traitant de la SAS Athema pour la fabrication des menuiseries.

2. Avant l'achèvement des travaux, le tribunal de commerce de Bordeaux a, par jugement du 29 septembre 2010, ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la SAS Athema. Par courrier du 14 février 2011, le liquidateur judiciaire de cette société a informé la communauté de communes qu'il n'entendait pas poursuivre l'exécution du contrat et que, par suite, celui-ci devait être regardé comme résilié en application de l'article L. 641-11-1 du code de commerce. Des désordres ont été constatés portant, en particulier, sur les façades F9, F10, F11 et F12 composées d'un mur rideau constitué de baies vitrées et d'une armature en aluminium. Saisi par la communauté de communes Coeur du Bocage, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a ordonné la réalisation d'une expertise afin, notamment, de préciser l'origine, l'ampleur et les conséquences de ces désordres et le coût des travaux de reprise. L'expert a déposé son rapport le 9 juin 2014.

3. La communauté de communes Coeur du Bocage a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la société Allianz IARD, ès qualités d'assureur de la SAS Athema et de la SARL Essentiel, la SARL Essentiel, la société Arest, la société FGEco, la SAS Baumert Technologies, M. E..., la SAS Dekra Inspection, la société Lacroix, la société Melfis et la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Athema à lui verser solidairement ou, à défaut, chacun pour ce qui le concerne, une somme de 413 507,87 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour elle des malfaçons dont est affecté le centre nautique de Bressuire. Par un jugement n° 1200437 du 8 avril 2015, le tribunal administratif de Poitiers a d'une part, condamné solidairement la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur de la SAS Athema, la SARL Essentiel, la SARL Ethis, la société Arest et la société Orfea à verser à la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais une somme de 71 106,32 euros TTC en réparation des préjudices résultant pour elle des malfaçons dont étaient affectés les travaux réalisés par la SAS Athema et une somme de 17 132, 94 euros en remboursement des frais d'expertise, lesdites sommes portant intérêt à compter du 14 février 2012, et d'autre part, rejeté le surplus des conclusions des parties. La SARL Essentiel relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais demande la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions de première instance.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur les conclusions présentées par la société Arest à l'encontre de la Compagnie Allianz IARD dès lors que cette action ne poursuit que l'exécution de l'obligation de l'assureur des sociétés Athema et Essentiel à la réparation du préjudice, laquelle est une obligation de droit privé, et relève de la compétence des tribunaux judiciaires, quel que soit l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur l'action en responsabilité de la victime contre l'auteur du dommage. Par suite, les conclusions d'appel en garantie formées par la société Arest à l'encontre de la compagnie Allianz IARD doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la responsabilité contractuelle des constructeurs :

En ce qui concerne l'appel principal :

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise en date du 9 juin 2014 que le principal désordre concerne le mur rideau côté piscine, où l'expert relève d'une part l'absence de calage ayant entraîné la casse des vitres côté portes F 10, désordre provoqué selon l'expert par l'abandon du chantier par la société Athema qui n'a pas achevé les travaux de finition, et d'autre part, l'insuffisance d'inertie des épines constituant la façade, sans lien avec la casse des vitres, l'expert ajoutant que ce désordre avait pour origine un sous-dimensionnement des " épines ", ou raidisseurs verticaux, ayant pour effet une " flèche ", ou déformation, excédant les normes fixées par les documents techniques unifiés, risquant d'entraîner une insuffisante résistance de cette façade vitrée aux vents.

6. Pour engager la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'oeuvre, les premiers juges ont retenu qu'elle avait donné à la SAS Athema l'ordre de commencer ses travaux alors que celle-ci n'avait pas transmis ses notes de calcul du mur rideau et, notamment, n'avait pas justifié le dimensionnement des profilés et la flèche maximale. La SARL Essentiel fait valoir que la mission qui lui était dévolue par l'acte d'engagement en date du 15 mars 2007 ne comprenait pas la vérification des calculs établis par la société Athema et que l'erreur de calcul du titulaire du lot ne pouvait être décelée par la maîtrise d'oeuvre au stade de l'exécution. Toutefois, en application de l'acte d'engagement du 15 mars 2007, l'équipe de maîtrise d'oeuvre était chargée d'une mission de base incluant les études d'avant-projet, les études de projet, le visa des documents et la direction de l'exécution des travaux. Le cahier des clauses administratives particulières du marché prévoyait que la maîtrise d'oeuvre était chargée, au titre des études d'avant-projet et de projet, de l'établissement des plans, de la justification des solutions techniques retenues et devait arrêter en plans coupes et façades, les dimensions de l'ouvrage. Au titre du visa, elle devait examiner les documents d'exécution réalisés par les entreprises et vérifier s'ils respectaient les dispositions du projet. Enfin, au titre de la direction des travaux, le maître d'oeuvre devait contrôler " que les dispositions des études effectuées sont respectées tant dans les documents d'exécution que dans l'exécution des travaux, ainsi que la conformité des documents devant être éventuellement produits par les entreprises. " Le cahier des clauses techniques particulières du lot n° 6 prévoyait également la production par l'entreprise attributaire, avant tout commencement des travaux, des plans d'atelier comprenant notamment " les plans, coupes et détails des façades vitrées et bardages " et " les notes de calcul justificatives pour sections profilées, dimensions et vitrages. " Ainsi, en ne vérifiant pas l'envoi par la société Athema de ces justificatifs de calculs, qui auraient dû être transmis au contrôleur technique, alors qu'elle avait en charge le contrôle du respect des dispositions des études effectuées et le contrôle des documents produits par l'attributaire du lot, la maîtrise d'oeuvre a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle et elle ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir que l'insuffisance d'inertie des épines est réparable et qu'elle n'est pas à l'origine de dommages constatés, alors que le maître d'ouvrage était en droit d'attendre des constructeurs la livraison de travaux conformes aux règles de l'art. Par suite, les sociétés Essentiel et Arest ne sont pas fondées à soutenir que leur responsabilité contractuelle ne serait pas engagée.

7. Pour évaluer le préjudice de la communauté d'agglomération au titre de la reprise des désordres à la somme de 46 016,82 euros HT, soit 55 036,12 euros TTC, les premiers juges ont retenu le chiffrage de l'expert établi à partir d'un devis réalisé par la société Alugo dont il ressort les sommes de 4 048 euros correspondant à la réalisation d'un appui baie, de 35 147 euros correspondant à la réparation du mur F 10 et de 6 821,16 euros correspondant à des travaux de renforcement des épines verticales par la mise en place de lisses horizontales à mi-hauteur des poteaux de charpente, réalisés par la société CMB. Il résulte toutefois du rapport d'expertise que la somme de 35 147 euros correspond à des travaux réalisés sur la façade F10 dont l'expert indique qu'elle n'était pas terminée et que des vitres étaient effectivement cassées par suite d'un défaut de calage. Pour l'expert, ces désordres sont liés à l'absence d'achèvement des travaux par la société Athema et sans rapport avec la faute contractuelle de la maîtrise d'oeuvre. De même, il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation de l'appui baie pour une somme de 4 048 euros serait en lien avec le désordre relatif à la structure métallique des épines. Enfin, l'expert n'a pas estimé justifiée la dépose totale des vitres, dont il a validé l'épaisseur. La circonstance que la maîtrise d'oeuvre ait ensuite mis en oeuvre des travaux comportant ces prestations n'est pas de nature à justifier la demande de condamnation de la communauté d'agglomération sur ce point. Par suite, le montant du préjudice en lien avec le désordre constitué par la non-conformité de la flèche des épines doit être limité à la somme de 6 821,82 euros HT, soit 8 158,90 euros TTC.

8. La SARL Essentiel soutient également que les frais de maîtrise d'oeuvre supplémentaire, résultant de deux avenants au contrat de maîtrise d'oeuvre en 2011 et 2012, ainsi que le report de l'inauguration résultent de l'abandon de chantier de la société Athema et de la nécessité de faire terminer ces travaux par une nouvelle entreprise, et ne sont pas liés à la non-conformité de la flèche des épines et donc à la faute retenue par le tribunal. Toutefois, et d'une part, le surcoût des honoraires de maîtrise d'oeuvre est bien lié à la nécessité de poursuivre le marché en raison notamment du désordre lié à la déformation des épines, d'autre part, la communauté d'agglomération justifie avoir dû reporter la date d'inauguration du centre aquatique et exposer de ce fait des frais de communication à hauteur de 6 070,20 euros TTC. Par suite, et alors que la proportion des frais de maîtrise d'oeuvre supplémentaires imputable à la faute de la maîtrise d'oeuvre, fixée par le tribunal à 10 000 euros HT, soit 11 960 euros TTC sur un montant global de 58 511,43 euros TTC, n'est pas contestée par l'appelante, et que la communauté d'agglomération ne démontre pour sa part aucunement que ces frais seraient exclusivement imputables aux fautes retenues de la maîtrise d'oeuvre, il y a lieu de fixer le montant de ces préjudices à la somme de 18 030,20 euros TTC.

En ce qui concerne l'appel incident :

9. Par la voie de l'appel incident, la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais demande la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions tendant à la condamnation solidaire de la SARL Essentiel, de la société Arest, de la société FGEco, de la SAS Baumert Technologies, de M. E..., de la SAS Dekra, de la société Lacroix, de la société Melfis et de la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Athema à lui verser la somme de 413 507,87 euros.

10. En premier lieu, il appartient, en principe, au maître d'ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage. Il lui est toutefois loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs. S'il peut, à ce titre, invoquer, notamment, la violation des règles de l'art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires, il ne saurait, toutefois, se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles.

11. Si la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais entend rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés Melfis, Lacroix et Baumert Technologies, qui sont intervenues en qualité de sous-traitantes de la société Athema et de la société FGEco qui est intervenue en qualité de sous-traitant de la maîtrise d'oeuvre, elle n'invoque toutefois à l'appui de ses conclusions incidentes aucune violation des règles de l'art ou méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires imputables à ces sociétés dans le cadre de leur participation à l'opération de construction en cause. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

12. En deuxième lieu, la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais soutient que l'équipe de maîtrise d'oeuvre aurait omis de constater et de lui signaler les signes précurseurs de défaillance de la SAS Athema et, d'autre part, qu'elle l'aurait insuffisamment assistée pour la détermination des travaux de reprise nécessaires sur le mur rideau. Toutefois et d'une part, la communauté d'agglomération ne produit aucun élément démontrant que la carence alléguée de l'équipe de maîtrise d'oeuvre à prévenir le maître d'ouvrage de la situation de la société Athema et des risques de défaillance de cette dernière aurait eu une incidence sur le vice de conception du mur rideau ou sur l'abandon du chantier par le titulaire du lot. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites au dossier que l'équipe de maîtrise d'oeuvre, par l'intermédiaire de son sous-traitant, la société FGEco chargée notamment de la direction de l'exécution des travaux, a averti le maître d'ouvrage des difficultés rencontrées avec le titulaire du lot n° 6, et notamment sollicité, par mail du 18 mai 2010, du maître d'ouvrage, qui était seul à pouvoir le faire, l'application des mesures coercitives prévues à l'article 48 du cahier des clauses administratives générales alors applicable aux marchés de travaux permettant au représentant du pouvoir adjudicateur de mettre en demeure une entreprise de remplir ses obligations sous peine de résiliation du marché à ses frais et risques. Par ailleurs, à partir du moment où la société Athema a été placée en liquidation judiciaire, le 29 septembre 2010, la SARL Essentiel a adressé un courrier en date du 13 octobre 2010 proposant au maître d'ouvrage des solutions pour poursuivre l'exécution du marché. Dès le 5 janvier 2011, la maîtrise d'oeuvre a rédigé un nouveau CCTP pour la réalisation du lot n° 6 et des solutions techniques ont été proposées par la maîtrise d'oeuvre à partir du mois de mars 2011. Dans ces conditions, les délais qui ont précédé la définition d'une solution technique de reprise du vice de conception du mur rideau ne révèlent pas une faute de conseil de l'équipe de maîtrise d'oeuvre.

13. En troisième lieu, si la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais soutient en outre que c'est à tort que le tribunal a refusé d'indemniser son préjudice d'exploitation lié au retard de l'ouverture de l'extension du centre nautique, elle se borne à mettre en avant les recrutements de personnels qu'elle avait effectués en vue de l'ouverture du centre nautique. Cependant, elle ne justifie ni que son information sur les retards de chantier ne lui aurait pas permis de différer ces recrutements, ni, à les supposer établis, qu'elle n'aurait pu employer les personnels en cause à d'autres tâches. Par suite, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal, le lien de causalité entre les préjudices ainsi allégués et la faute retenue à l'encontre de la maîtrise d'oeuvre, qui n'est pas seule à l'origine du retard de livraison de l'ouvrage, n'est pas établi.

14. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8, le montant du préjudice en lien avec la faute contractuelle commise par l'équipe de maîtrise d'oeuvre doit être limité aux sommes de 8 158,90 euros TTC et 18 030,20 TTC, soit un total de 26 189,10 euros TTC. Par suite, la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais n'est pas fondée à demander que son indemnisation soit portée à 413 507,87 euros.

Sur la condamnation solidaire du groupement de maîtrise d'oeuvre :

15. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

16. L'acte d'engagement du 15 mars 2007 comporte un tableau des missions et répartition des honoraires qui permet de déterminer que les sociétés Ethis, bureau d'études techniques fluides et la société Orfea, bureau d'études acoustiques n'ont pas participé aux travaux pour le lot n° 6. Aucunes conclusions n'étaient dirigées contre elles, ainsi que le relève au demeurant le maître d'ouvrage dans ses écritures. Par suite, et alors au surcroît que le tribunal ne leur a pas communiqué la procédure, le jugement ne peut qu'être annulé en tant qu'il a condamné les sociétés Ethis et Orfea.

17. En revanche, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la société Arest en tant que BET structures devait donner son avis sur la flèche. Si la société Arest fait valoir qu'elle n'avait aucune intervention prévue sur ce lot, sa mission de bureau d'études " structure " se limitant au gros oeuvre et à la charpente, elle n'en justifie pas par la seule production du tableau de répartition des rémunérations de l'équipe de maîtrise d'oeuvre. Par suite, sa condamnation solidairement avec la SARL Essentiel est justifiée.

Sur les conclusions en garantie de la société Arest :

18. Les conclusions de la société Arest demandant à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la SARL Essentiel, la Compagnie Allianz IARD, la société FGEco, la SAS Baumert Technologies, M. E..., la SAS Dekra Inspection, la société Lacroix, la société Melfis et la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Athema, étant nouvelles en appel, elles ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les dépens :

19. Si la SARL Essentiel demande que les dépens soient mis intégralement à la charge de la communauté d'agglomération, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de partager par moitié la charge des frais d'expertise entre la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais d'une part, et les sociétés Essentiel et Arest solidairement d'autre part.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que la SARL Essentiel et la société Arest ont été solidairement condamnées à verser à la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais au titre de ses préjudices doit être limitée à 26 189,10 euros TTC, que les conclusions incidentes de la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais doivent être rejetées et que le jugement doit être annulé en tant qu'il condamne les sociétés Ethis et Orfea.

Sur les frais exposés par les parties au litige :

21. Il n'y pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200437 du 8 avril 2015 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il condamne les sociétés Ethis et Orfea.

Article 2 : La somme que la SARL Essentiel et la société Arest ont été condamnées solidairement à verser à la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais est ramenée à 26 189,10 euros TTC.

Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 17 132,94 euros TTC sont mis à la charge de la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais d'une part à hauteur de la moitié de cette somme, et des sociétés Essentiel et Arest solidairement d'autre part pour l'autre moitié.

Article 4 : Le jugement n° 1200437 du tribunal administratif de Poitiers du 8 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 et 3 du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Essentiel, à la communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais, à la SELARL Mandon, ès qualités de liquidateur de la SAS Athema, à la SARL Ethis, à la société Arest, à la société Orfea, à l'EURL FGEco, à la société Lacroix, à la société Baumert, à M. I...E..., à la société Dekra Industrial, à la société Allianz IARD et à Me C...es qualité de mandataire judiciaire de la société Melfis .

Délibéré après l'audience du 8 février 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2018.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet des Deux-Sèvres en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt

14

No 15BX01915


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01915
Date de la décision : 15/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : GOMEZ KEVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-15;15bx01915 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award