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26/04/2018 | FRANCE | N°16BX01199

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 26 avril 2018, 16BX01199


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 29 juillet 2015 par laquelle le conseil municipal d'Itxassou a décidé d'acquérir l'installation sportive connue sous le nom de "H...".

Par un jugement n° 1501866 en date du 4 février 2016, le tribunal a annulé cette délibération.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour sous le n° 16BX01199 le 7 avril 2016, et un mémoire, enregistré

le 8 février 2017 et régularisé le 23 février 2017, la commune d'Itxassou, représentée par MeA..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 29 juillet 2015 par laquelle le conseil municipal d'Itxassou a décidé d'acquérir l'installation sportive connue sous le nom de "H...".

Par un jugement n° 1501866 en date du 4 février 2016, le tribunal a annulé cette délibération.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour sous le n° 16BX01199 le 7 avril 2016, et un mémoire, enregistré le 8 février 2017 et régularisé le 23 février 2017, la commune d'Itxassou, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501866 en date du 4 février 2016 ;

2°) de rejeter la demande formée par le préfet des Pyrénées-Atlantiques devant le tribunal administratif de Pau ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le tribunal n'a pas communiqué son deuxième mémoire, qui contenait pourtant des éléments et pièces nouveaux ;

- en reprenant la motivation d'une ordonnance de la cour confirmant la suspension de la délibération, qui n'avait pas autorité de chose jugée au regard de l'office du juge des référés, sans prendre en compte les éléments nouveaux, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;

- Mme Aubert n'avait pas qualité pour signer le déféré du préfet faute de justification de sa qualité de sous-préfète et de l'ampleur et de la publication de la délégation dont elle bénéficierait ;

- la délibération ayant un caractère confirmatif de celle du 20 novembre 2014 ayant entériné le principe de l'acquisition pour 400 000 euros, devenue définitive à la suite du désistement du préfet de son déféré, le nouveau déféré était irrecevable ;

- le conseil municipal était suffisamment informé sans qu'il soit besoin de produire le contrat de vente ;

- l'intérêt général de l'opération d'acquisition du bar est établi alors même que le projet n'est pas entièrement défini, et il avait été admis tant par la préfecture que par le juge des référés de la cour ; l'acquisition immobilière d'un bien par une collectivité locale n'est pas soumise à la description d'une destination précise et définitive ;

- le tribunal a à tort exercé un contrôle normal sur le caractère excessif du prix alors que seule une erreur manifeste d'appréciation pouvait être sanctionnée lorsque la commune exerce un pouvoir discrétionnaire ;

- un montant supérieur de 30% à l'estimation des domaines, qui ne lie pas la commune, n'est pas excessif au regard de l'intérêt général du projet ; au demeurant, l'avis des domaines, qui ne s'est pas référé à des transactions récentes pour des biens similaires, a sous-évalué la valeur du bien au regard du prix du marché tel qu'estimé par deux expertises ; aucuns travaux ne sont nécessaires alors que la commission de sécurité n'en a pas exigé, et il n'est pas d'usage de joindre les diagnostics techniques en cas d'acquisition immobilière des collectivités publiques ; la parcelle cadastrée A0764, si elle n'est pas destinée à être détachée ni vendue, est effectivement constructible et pourrait permettre l'extension du bâtiment existant et la création de parkings, elle ne saurait donc être valorisée pour zéro.

Par un mémoire enregistré le 5 décembre 2016, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques fait valoir que :

- Mme Aubert, secrétaire générale de la préfecture a reçu délégation par arrêté du 3 octobre 2014, publié le même jour au recueil des actes administratifs, pour signer notamment les déférés ;

- la délibération du 29 juillet 2015, qui autorise le maire à signer le contrat, n'est pas simplement confirmative des précédentes ;

- le conseil municipal n'a pas bénéficié d'une information suffisante en l'absence de communication du contrat à autoriser ;

- la méthode d'évaluation " terrain intégré " utilisée par les services des domaines est plus pertinente que celle dite " sol plus construction " des experts de la commune ; le différentiel de prix de 100 000 euros n'est pas justifié, alors que la destination des biens reste floue.

Mme G...D...et M F...E...ont présenté un mémoire en intervention le 13 mars 2017.

Une ordonnance du 4 septembre 2017 a fixé la clôture de l'instruction au 7 novembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...représentant la commune d'Itxassou.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 20 novembre 2014, le conseil municipal d'Itxassou a décidé le principe d'acquisition de l'installation sportive dédiée à la pelote basque dite " trinquet Balaki " située au centre de la commune, avec la parcelle d'assiette cadastrée A 764, la licence d'exploitation du débit de boissons de quatrième catégorie situé dans le trinquet et un terrain de 1 000 m² environ à détacher de la parcelle B 434, ultérieurement cadastré B 1308, situé à côté de la gare, pour le prix total de 400 000 euros. A la suite des observations du sous-préfet de Bayonne critiquant l'écart avec l'estimation faite par le service des domaines pour le trinquet Balaki, le maire a sollicité deux avis d'experts et un nouvel avis du service des domaines, puis obtenu du conseil municipal, par délibération du 29 juillet 2015 l'autorisant à signer le contrat, la confirmation de cette acquisition dans les mêmes conditions. La commune d'Itxassou relève appel du jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé, sur déféré du préfet des Pyrénées-Atlantiques, cette dernière délibération.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Si la commune reproche au tribunal de n'avoir pas respecté le caractère contradictoire de l'instruction en s'abstenant de communiquer son deuxième mémoire en défense, il ressort des pièces du dossier que ce mémoire, s'il développait certains moyens déjà contenus dans le premier mémoire en défense, n'apportait pas d'éléments réellement nouveaux, et que les trois pièces jointes, un courrier d'un expert détaillant sa méthode d'évaluation, et deux plans de la parcelle en litige dont l'un permettait d'apprécier la possibilité de construire une extension du bâtiment existant, n'apparaissaient pas, en l'absence de toute contestation du caractère constructible de la parcelle située en zone UA du plan local d'urbanisme, de nature à influencer le sens du jugement. Par suite, le jugement n'a pas été rendu sur une procédure irrégulière.

3. Par ailleurs, le tribunal, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments présentés au soutien du moyen tiré du bien-fondé du prix accepté, a suffisamment motivé son jugement en détaillant l'ensemble des éléments qui l'ont conduit à estimer que l'écart de prix de 30% avec l'estimation effectuée par le service des domaines, dont il a approuvé le raisonnement, n'était pas justifié.

Sur la recevabilité de la demande :

4. Contrairement à ce que soutient la commune, et comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la délibération du 29 juillet 2015, qui donne au maire l'autorisation de signer le contrat après avoir longuement explicité l'intérêt qu'elle portait à cette acquisition, pour répondre à l'invitation qui lui en avait été faite par le sous-préfet de Bayonne, et qui a été prise après nouvel avis du service des domaines du 13 février 2015 et précision sur la surface exacte de la parcelle à détacher d'une plus grande parcelle dans le quartier de la gare, n'a pas un caractère purement confirmatif des délibérations des 20 novembre 2014 et 22 juin 2015 qui avaient accepté le principe de l'acquisition du trinquet Balaki et de cette autre parcelle. Par suite, le moyen tiré de l'absence de caractère faisant grief de cette délibération ne peut qu'être écarté.

5. Le déféré a été signé par Mme C...Aubert, nommée secrétaire générale de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques par décret du 21 juillet 2014, publié au JO n° 0168 du 23 juillet 2014, laquelle avait reçu délégation du préfet par arrêté du 3 octobre 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 115 du 3 octobre 2014, que le préfet n'était pas tenu de produire dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il est disponible sur Internet. Par suite, le déféré était recevable.

Sur l'intervention de Mme D...et M. E...:

6. Le mémoire de ces deux conseillers municipaux n'étant pas présenté par avocat, leur intervention est irrecevable.

Sur la légalité de la délibération du 29 juillet 2015 :

7. L'article L.1311-9 du code général des collectivités territoriales soumet les projets d'opérations immobilières, et notamment les acquisitions, des collectivités locales, avant toute entente amiable, à une demande d'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis ne lie pas la commune, qui peut s'en écarter sous le contrôle du juge, sous réserve que le prix retenu ne soit pas substantiellement supérieur à l'estimation du service des domaines, ni entaché d'erreur d'appréciation au regard de l'intérêt pour la commune de l'acquisition envisagée.

8. Il ressort des pièces du dossier que par un premier avis du 28 août 2014, le directeur départemental des finances publiques a évalué le seul " trinquet Balaki " sur la parcelle A n°764, en zone UA du plan local d'urbanisme, à la somme de 233 000 euros. Après nouvelle demande portant sur l'ensemble des éléments du projet d'acquisition, il a précisé le 13 février 2015 que la licence IV pouvait être évaluée à 18 000 euros et l'emprise de 1348 m² à prélever sur la parcelle B n°434 en zone N du plan local d'urbanisme à la somme de 2 700 euros, soit un total de 253 700 euros. Enfin, informé par le préfet des conclusions des deux experts consultés par la commune, évaluant respectivement le seul trinquet et sa parcelle d'assiette aux sommes de 420 000 et 426 000 euros, le service a réévalué le 8 juin 2015, dans une note adressée au sous-préfet de Bayonne, son estimation globale à 300 000 euros pour tenir compte des mesures précises des surfaces intérieures comprenant notamment les galeries en hauteur ouvertes au public.

9. Pour estimer que l'écart avec le prix de 400 000 euros accepté par la commune " n'était pas justifié ", ce qui ne traduit pas d'erreur sur l'étendue de son contrôle, le tribunal a d'abord retenu que la commune n'entendait pas morceler l'unité foncière, mais conforter la vocation de l'équipement sportif. Il a ensuite relevé qu'elle n'avait pas envisagé de stationnement alternatif au cas où l'espace libre autour du trinquet serait construit, et que la parcelle n'était pas propice à des constructions qui devraient supporter d'importantes nuisances de voisinage, pour en conclure que la valorisation de l'espace libre autour du trinquet ne pouvait être effectuée qu'à titre de terrain de complément. La commune, qui maintient sa confiance dans les experts qu'elle a unilatéralement désignés, soutient que la méthode d'évaluation " sol plus construction " est plus pertinente que celle du service des domaines, qui n'a pas recherché des comparaisons avec des terrains à bâtir. Toutefois, au regard tant de la nature particulière du bien à évaluer, qui comporte une grande salle de 12 m de hauteur avec galeries, des vestiaires et douches, un bar et un logement de gardien et des stationnements aménagés en extérieur, que de l'absence de références de ventes de tels équipements sportifs et de l'absence de projet de démolition, la méthode dite " terrain intégré " suivie par les domaines apparaît comme mieux à même d'assurer une estimation de la valeur réelle du bien, même si des constructions annexes pourraient être envisagées sur une partie du terrain libre .

10. Si la commune d'Itxassou, qui comporte 2 021 habitants, soutient encore que la différence de prix serait justifiée au regard de l'intérêt public qui s'attache à l'acquisition du trinquet pour maintenir la pratique de la pelote basque, elle n'apporte aucune précision sur la fréquentation de l'équipement sportif ni sur les recettes susceptibles d'être générées par son exploitation. Elle n'explique pas davantage en quoi l'acquisition pourrait lui permettre de mieux mettre en valeur le quartier de la Place. Alors que ni la valorisation de la licence IV, ni l'estimation de la parcelle dans le quartier de la gare ne sont contestées, le prix d'acquisition de 30 % supérieur à l'estimation des domaines qu'elle avait accepté était entaché d'une erreur d'appréciation, et la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la délibération du 29 juillet 2015.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la commune d'Itxassou.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de Mme D...et M. E...n'est pas admise.

Article 2 : La requête de la commune d'Itxassou est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Itxassou, au préfet des Pyrénées-Atlantiques, à Mme G...D...et à M. F...E.... Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 avril 2018.

Le président-assesseur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président-rapporteur,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

No 16BX01199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01199
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-02-03-02-04 Domaine. Domaine privé. Contentieux. Compétence de la juridiction judiciaire. Contentieux de l'acquisition et de la propriété.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP ASSIE AGUER IDIART

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-26;16bx01199 ?
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