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26/04/2018 | FRANCE | N°16BX01382

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 26 avril 2018, 16BX01382


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société Universal Selling a demandé au tribunal administratif de Toulouse de lui accorder la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2009 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1300073 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2016, la société Universal

Selling, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accor...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société Universal Selling a demandé au tribunal administratif de Toulouse de lui accorder la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2009 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1300073 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2016, la société Universal Selling, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est l'inspecteur chargé de la vérification qui a obtenu les certificats fiscaux auprès du service chargé des immatriculations et elle n'a photocopié que le recto de ces certificats ; le verso n'a pas à être complété par le demandeur et ne porte que le visa de l'administration et sa date ; l'administration ne conteste pas que les visas ont été donnés pour les 74 véhicules ; ils mentionnent que la société a réalisé une acquisition intracommunautaire non taxable ;

- elle est fondée à se prévaloir de l'instruction 3 L-1-99 du 12 août 1999 ; l'administration a disposé de l'ensemble des pièces justificatives pour pouvoir se prononcer et apposer son visa sur les quitus fiscaux ; aucune traduction n'a été sollicitée par l'administration ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée ; elle a déposé et fait viser les quitus et elle n'a pas encaissé la taxe mise en recouvrement ;

- les visas apposés sur les quitus par l'administration constituent une prise de position formelle de sa part qui lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- c'est ce qu'indique expressément l'instruction du 3 août 1999 ; la jurisprudence dont se prévaut l'administration porte sur des périodes antérieures à la publication de cette instruction.

Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le certificat fiscal prévu par l'article 242-I terdecies de l'annexe II au code général des impôts est un document purement déclaratif et son visa à l'issue d'un contrôle sommaire en la forme ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; à ce stade l'administration ne pouvait déterminer le régime applicable ;

- l'instruction 3 L-1-99 du 12 août 1999 n'ajoute rien à la loi fiscale ;

- les opérations de contrôle ont permis de considérer que les factures d'acquisition des véhicules comportaient la mention " livraison exonérée " ; il s'agissait d'acquisitions intracommunautaires au sens de l'article 256 du code général des impôts et leur vente en France devait s'effectuer sous le régime d'imposition de droit commun ;

- compte tenu de l'importance et du caractère répété des insuffisances de taxe déclarée et du fait que, compte tenu de sa qualité de professionnelle, la société ne pouvait ignorer ces insuffisances, c'est à bon droit que les pénalités pour manquement délibéré ont été appliquées.

Par ordonnance du 28 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 novembre 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires reprise par la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Universal Selling, qui exerce une activité de négoce de véhicules, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2009. Le vérificateur a notamment remis en cause le régime de taxation sur la marge appliqué par la société sur les ventes en France de véhicules acquis dans un autre pays de l'Union européenne. Il en est résulté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de l'intérêt de retard, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré visée à l'article 1729 du code général des impôts et de l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 A-4 du même code en cas de défaut de déclaration d'acquisitions intracommunautaires.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006.(...) ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ".Aux termes de l'article 297 E dudit code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur situé dans un autre Etat membre qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par prévu par l'article 26 bis de la sixième directive susvisée du 17 mai 1977 puis, à compter du 1er janvier 2007, par les articles 312 et suivants de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006.

4. La société Universal Selling a procédé, au cours de la période vérifiée, à l'acquisition de soixante-quatorze véhicules d'occasion en provenance de pays membres de l'Union européenne, essentiellement d'Allemagne, pour les revendre à ses clients français. Elle ne conteste pas que les factures d'achat produites concernant ces véhicules mentionnaient qu'il s'agissait de livraisons intracommunautaires exonérées, que les certificats d'immatriculation des véhicules vendus attestent que ceux-ci appartenaient à des assujettis utilisateurs qui ont bénéficié de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont et qu'aucune facture de fournisseurs ne mentionnait une imposition à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, de sorte que ces acquisitions intracommunautaires devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 256 bis I° susmentionné du code général des impôts, et ne relevaient ainsi pas du régime de la marge bénéficiaire susdécrit. L'administration était par suite fondée à remettre en cause, sur le fondement de la loi fiscale, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dont la société Universal Selling avait illégalement fait application sur les véhicules considérés.

En ce qui concerne l'invocation de la doctrine administrative :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ". Et selon l'article L.80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1°Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " I. Toute personne qui acquiert un moyen de transport mentionné au 1 du III de l'article 298 sexies du code général des impôts, en provenance d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, est tenue de demander auprès de l'administration fiscale dont elle relève le certificat fiscal prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts. / Le certificat doit être obligatoirement présenté pour obtenir l'immatriculation ou la francisation d'un moyen de transport mentionné au premier alinéa et provenant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne. / II. Pour les moyens de transport qui ne sont pas soumis à immatriculation, ce certificat doit être conservé par l'utilisateur pour être présenté à toute demande de l'administration. ". Aux termes de l'article 242 quaterdecies de la même annexe : " Pour l'application de l'article 242 terdecies : 1° L'assujetti et la personne morale non assujettie, autres qu'une personne bénéficiant du régime dérogatoire prévu au 2° du I de l'article 256 bis du code général des impôts, indiquent sur le certificat fiscal mentionné au I de l'article 242 terdecies, selon le cas, que la taxe sera acquittée sur leur déclaration de chiffre d'affaires, qu'elle a déjà été acquittée ou que l'acquisition intracommunautaire n'est pas taxable. L'administration appose un visa sur ce certificat. (...) ".

7. Il résulte des dispositions précitées que le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat prévu au I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts est délivré par l'administration, sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi d'ailleurs qu'en témoignent les mentions figurant sur ce certificat. La délivrance de ce document ne peut être regardée, en l'absence de toute mention expresse en ce sens, comme ayant le caractère d'une prise de position formelle de l'administration sur le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la transaction. Par suite, la société Universal Selling, quand bien même elle dit avoir remis à l'administration fiscale l'ensemble des pièces justificatives concernant les véhicules, ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle du service sur l'appréciation de sa situation de fait au regard de la loi fiscale, qui résulterait de la seule apposition de ce visa. Les passages invoqués de l'instruction 3 L-1-99 du 3 août 1999 portant sur les conditions de délivrance des certificats prévus par les dispositions des articles 242 terdecies et 242 quaterdecies de l'annexe II au code général des impôts ne comportent par ailleurs aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application.

Sur les pénalités :

8. La société requérante reprend en appel, sans faire état d'arguments nouveaux, ses moyens tirés de ce que l'application de la pénalité pour manquement délibéré visée à l'article 1729 du code général des impôts et de l'amende prévue par l'article 1788 A du même code ne serait pas justifiée. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Universal Selling n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de la SARL Universal Selling tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Universal Selling est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Universal Selling et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique le 26 avril 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX01382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX01382
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : PIEDAGNEL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-26;16bx01382 ?
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