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07/06/2018 | FRANCE | N°16BX02711

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 16BX02711


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2014, le préfet de la Gironde a déféré devant le tribunal administratif de Bordeaux M. B...D...comme prévenu d'une contravention de grande voirie constatée par un procès-verbal du 7 avril 2014. Il est reproché à M. D...d'occuper sans droit ni titre la cabane n° 75 située sur le domaine public maritime à l'emplacement n° 03-03-000075 du port départemental de Canal sur la commune de Gujan-Mestras.

Par un jugement n° 1402355 en date du 29 juin 2016, le magistrat désig

né par le président du tribunal administratif de Bordeaux a condamné M. D...à payer un...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2014, le préfet de la Gironde a déféré devant le tribunal administratif de Bordeaux M. B...D...comme prévenu d'une contravention de grande voirie constatée par un procès-verbal du 7 avril 2014. Il est reproché à M. D...d'occuper sans droit ni titre la cabane n° 75 située sur le domaine public maritime à l'emplacement n° 03-03-000075 du port départemental de Canal sur la commune de Gujan-Mestras.

Par un jugement n° 1402355 en date du 29 juin 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a condamné M. D...à payer une amende de 1 000 euros et lui a enjoint de libérer la cabane ostréicole dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Le tribunal a également autorisé l'administration, en cas d'inexécution de ces obligations dans le délai prescrit, à procéder d'office à ses frais, risques et périls, au besoin avec le concours de la force publique, à son évacuation forcée des lieux.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 août 2016, un mémoire récapitulatif enregistré le 28 décembre 2016 et un bordereau de pièces complémentaires enregistré le 17 janvier 2017, M.D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402355 du 29 juin 2016 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'enjoindre au préfet de produire l'arrêté de 1963 attribuant l'emplacement n° 75 à son père ;

3°) de prononcer la nullité de la procédure de contravention de grande voirie et de le relaxer des fins de la poursuite ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner le préfet de la Gironde au paiement d'une somme de 25 000 euros correspondant à la valeur patrimoniale de la cabane lui appartenant en qualité d'ayant-droit du titulaire décédé de l'autorisation d'occupation du domaine public maritime en cause.

Il soutient que :

- son père M. C...D..., décédé le 29 décembre 2008, était titulaire depuis 1963 d'une autorisation d'occupation de la parcelle du port Canal, jetée Ouest, n° 75, ainsi que de l'emplacement du quai correspondant pour y faire accoster sa pinasse utile à l'exercice de son activité d'ostréiculteur ; contrairement à ce que soutient le préfet, le conseil général de la Gironde a attesté le 6 mars 2009 avoir reçu le 21 janvier 2009, soit dans les quarante jours du décès du titulaire de l'autorisation, le courrier du conseiller général du canton signalant ce décès et informant le gestionnaire de la demande de M. Claude Rousset, président de l'association pour la connaissance des pêches traditionnelles dans le Bassin d'Arcachon (APCTBA) et associé au sens large aux ayants droit du défunt, de bénéficier de cette autorisation ; lui-même a déposé une demande pour s'inscrire en qualité de pêcheur à pied ;

- le conseil général a continué jusqu'en 2013 d'émettre au nom d'Antoine D...des titres de perception de la redevance, qu'il a dûment réglés en son nom, SergeD... ; dans ces conditions, on ne peut que constater la continuité de l'autorisation en cause, dans la mesure où les redevances qu'il a acquittées ont été acceptées sans restriction chaque année et dans les mêmes formes que le renouvellement tacite qui s'est exercé pour son père depuis 1963 ;

- ce n'est que le 9 octobre 2013 que le conseil général l'a informé que la cabane n° 75 du Port du Canal avait été attribuée à l'association Groupe de recherche archéologique Mur Atlantique Arcachon (GRAMASA) et qu'il devait libérer les lieux, sans lui avoir au préalable communiqué les motifs de cette exclusion ou formulé des griefs à son encontre ; outre le défaut du contradictoire dans la procédure de retrait, le conseil général, a en méconnaissance du principe d'égalité des usagers du domaine public, avantagé cette association par rapport à lui-même ou à l'APCTBA, dont l'examen de la demande d'autorisation de la cabane en cause, déposée antérieurement à celle de l'association GRAMASA, a été suspendu sans explication ; le conseil général ne donne aucune indication sur l'avantage accordé à l'association GRAMASA, laquelle est apparue soudainement, alors que le refus d'autorisation d'utilisation du domaine public ne peut être motivé que pour un motif d'intérêt général ou celui de la meilleure utilisation du domaine public ;

- le préfet a interprété de manière erronée l'article 14 du règlement de gestion des cabanes en estimant que l'autorisation dont était titulaire son père était devenue caduque, alors que cet article n'indique pas que les ayants droit doivent s'adresser directement au conseil général ; ce dernier a été informé par le conseiller général du canton, en temps utile, du décès du titulaire de l'autorisation pour l'utilisation de la cabane n° 75 et de la demande de l'APCTBA de pouvoir bénéficier de cette autorisation. Par ailleurs, le conseil général a continué pour les années suivantes à émettre l'appel de la redevance au nom d'Antoine D...dont il était pourtant informé du décès et de la continuité, par tacite reconduction, de cette autorisation pour son fils, en application de l'article 5 du V, alinéa 4 du règlement précité, redevances dont le montant a été acquitté par ses soins ; enfin, si le comité technique a décidé le 18 mars 2009 de surseoir à statuer sur la demande de l'association " Connaissance des pêches traditionnelles ", ce sursis à statuer ne peut être compris que comme un " maintien du statu quo " de l'autorisation tacite d'occupation de la cabane n° 75 par le fils de M. C... D..., titulaire de l'autorisation auquel il a succédé, alors au demeurant que le préfet a acquiescé au fait qu'il continuait à occuper la cabane et payait la redevance ;

- la demande de l'ACPTBA était notamment motivée par la circonstance que la cabane qu'elle occupait déjà ne suffisait plus au développement constant de son activité, le lieu d'exposition au public du fonds documentaire et photographique étant devenu exigu ; elle souhaitait ainsi pouvoir agrandir le lieu d'exposition-musée " Mémoire Canal " et également créer un circuit pédestre culturel et patrimonial proche de la Maison de l'huître ; le sens du courrier du Conseil général du 8 juin 2009 faisant état du sursis à statuer du comité technique est ambigu en indiquant que la cabane n° 75 constitue " un ensemble répondant au souhait d'un professionnel de la pêche à qui nous l'attribuons " ; en conséquence de ce courrier, il a continué de payer la redevance jusqu'au dernier appel de la redevance correspondante ;

- le préfet de la Gironde ne s'explique pas sur les demandes ultérieures présentées pour l'utilisation de la cabane en cause dont il fait état près de quatre ans plus tard, ni même sur les motifs qui lui ont permis de retenir uniquement une des " trois " autres candidatures ; celle de l'ACPTBA, dont l'objet est la sauvegarde du patrimoine maritime, entrait pourtant dans le cadre de l'article 37 du règlement ; le conseil général ne peut à la fois soutenir devant le tribunal que l'association n'a " pas vocation à sauvegarder les infrastructures remarquables " tout en soulignant son travail dans le programme des journées du Patrimoine, s'agissant notamment de la visite de la cabane 120 ;

- compte tenu de ce qui précède et contrairement à ce qu'indique le procès-verbal du 7 avril 2014, il n'occupe pas irrégulièrement la cabane n° 75, dès lors qu'aucun refus n'a été opposé à lui-même en qualité d'ayant droit du titulaire de l'autorisation ou à l'ACPTBA sur sa demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public, et qu'aucun retrait de l'autorisation accordée à son père n'est intervenu ;

- le préfet confond l'emplacement faisant l'objet de l'autorisation d'occupation temporaire, que le préfet se garde bien de produire et au sujet duquel la cour enjoindra au préfet la communication, et la propriété de la cabane qui a été construite par son père, ainsi que l'attestent plusieurs témoignages produits devant le tribunal, sur cet emplacement ; soit le préfet a entendu ne pas renouveler l'autorisation à son terme normal, dont la durée ne peut excéder une durée maximale de 70 ans au regard de l'article L. 34-1 du code du domaine de l'Etat, soit il s'agit d'une expiration anticipée de l'autorisation par retrait de l'autorisation toujours sur le même fondement légal ; aucun retrait n'est intervenu dès lors que le conseil général a admis pendant près de cinq ans que l'ayant-droit pouvait continuer à bénéficier de l'autorisation en cause ; dans ces conditions, les dispositions légales prévoient qu'à l'expiration de l'autorisation, le titulaire de l'autorisation dispose, sauf prescription contraire de son titre, d'un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice d'une activité autorisée à ce titre ; ce droit confère à son titulaire pour la durée de l'autorisation et dans les conditions et limites précisées par le code général de la propriété des personnes publiques, les prérogatives et obligations du propriétaire ; le conseil général ne détient aucun droit de propriété sur la cabane ostréicole, transmise dans le patrimoine des ayants droit du défunt et évaluée à une somme de 25 000 euros, somme dont le département lui est redevable en application de l'article L. 1311-7 du code général des collectivités territoriales ;

- la demande d'autorisation, à la suite du décès d'AntoineD..., n'a pas fait l'objet d'un quelconque refus ; aucune motivation d'un retrait n'a été portée à la connaissance de son ayant droit, M. B...D... ;

- l'action pénale est en tout état de cause prescrite dès lors que la contravention a été établie bien plus d'un an après le décès de son père en décembre 2008 ;

- il n'y a pas lieu de libérer les lieux, ni d'envisager une astreinte ou une expulsion, dès lors qu'aucune procédure de retrait motivée n'est intervenue.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- si M. D...soutient que le conseil général a été dûment informé du décès de son père par un courrier d'un conseiller général du 21 janvier 2009, soit moins de 40 jours après le décès du titulaire de l'autorisation, il ressort de ce courrier que le conseiller général y présente une demande d'attribution nouvelle d'une autorisation sur l'emplacement litigieux pour le compte de l'association pour la connaissance des pêches traditionnelles du bassin d'Arcachon, en mentionnant le décès du précédent titulaire ; ce courrier ne saurait permettre de regarder M. D...comme ayant procédé personnellement à l'information du président du conseil général dans le délai imparti, en mentionnant explicitement son intention de candidater à l'attribution nouvelle en son nom et pour son propre compte, comme le prévoit l'article 14 du règlement relatif aux autorisations d'occupation temporaire du domaine public maritime des ports départementaux de la Gironde ;

- ce même article du règlement précité indique que l'autorisation d'occuper le domaine public devient " caduque " du fait du décès du permissionnaire ; l'article 3 de l'arrêté autorisant M. C...D...à occuper la parcelle prévoit explicitement que l'autorisation est accordée " à titre personnel " ; la jurisprudence considère en outre que les autorisations d'occupation du domaine public sont incessibles, même avec l'accord de l'autorité domaniale et que seul un nouvel acte explicite de l'autorité domaniale portant autorisation d'occuper, quelle que soit la cause ayant mis fin à l'autorisation antérieure, est de nature à permettre de considérer l'occupation nouvelle comme régulière ; ainsi, l'autorisation d'occupation dont bénéficiait le père de M.D..., quand bien même fût-elle tacitement reconductible au profit de l'appelant, revêtait bien un caractère personnel et non-transmissible ; elle a donc cessé d'exister par caducité au jour du décès de son titulaire, en sorte que M. D...n'est pas fondé à soutenir qu'il serait devenu tacitement titulaire, alors qu'il n'a jamais présenté de demande de titre d'occupation du domaine public en son nom et pour son compte. La circonstance que M. D...se serait acquitté pendant plusieurs années du montant de la redevance n'est pas davantage de nature à permettre de considérer que l'autorité domaniale l'aurait de ce fait tacitement autorisé à occuper des dépendances de son domaine public ; au contraire, les titres de recette émis par l'autorité domaniale n'ont fait que procéder à la régularisation financière de l'indemnité d'occupation sans titre due par l'appelant au titre des années durant lesquelles il s'est maintenu sans droit ni titre sur le domaine public ;

- l'article 14 du règlement précité institue la possibilité pour l'ayant droit du permissionnaire décédé de se présenter à l'autorité domaniale en vue de participer à la procédure d'attribution nouvelle de l'autorisation d'occupation devenue caduque ; dès lors, l'appelant a été mis à même de présenter sa candidature auprès de l'autorité domaniale, laquelle pouvait alors l'examiner au même titre que les autres candidatures afin d'attribuer l'autorisation au soumissionnaire dont elle estime qu'il présente les garanties nécessaires à la meilleure utilisation possible du domaine public ; la circonstance selon laquelle l'autorisation a finalement été accordée à une association plutôt qu'à une autre est sans incidence sur la situation d'égalité de traitement dans laquelle a été placé M.D... ;

- la cour a déjà jugé qu'une cabane permettant directement à son occupant d'utiliser le domaine public conformément à son affectation, notamment aux activités d'ostréiculture, constitue une dépendance du domaine public ; M. D...ne saurait donc disposer d'un droit de propriété sur la cabane, fût-elle construite par son père. En application de l'article L. 2122-5 du code général de la propriété des personnes publiques, l'appelant ne peut justifier de la constitution d'aucun droit réel sur le domaine public maritime naturel ; enfin, l'article 2 de l'arrêté du 21 août 2007 par lequel le président du conseil général de la Gironde a autorisé M. C...D...à occuper un " terre-plein ostréicole " et une " cabane ostréicole " montre que cette autorisation n'a pas seulement été délivrée, contrairement à ce que soutient l'appelant, pour l'emplacement de la cabane mais également pour la cabane elle-même ;

- si M. D...soutient que la mesure de " retrait " de l'autorisation d'occupation dont il allègue être titulaire constitue une mesure de sanction prise à son encontre et aurait dû faire l'objet d'une procédure contradictoire, il ressort de ce qui vient d'être dit que l'autorisation d'occupation du domaine public dont son père était titulaire est devenue caduque au jour du décès de celui-ci, de sorte que son fils n'a jamais bénéficié d'un titre l'autorisant à occuper l'emplacement n° 75 du port départemental de Canal ; il n'y avait donc pas lieu de susciter les observations préalables de l'appelant en l'absence de retrait d'un acte n'ayant jamais existé ; au contraire, la seule mesure prise par l'autorité domaniale envers lui a consisté en une mise en demeure de libérer une dépendance du domaine public maritime qu'il occupait sans droit ni titre ; la jurisprudence souligne qu'aucun principe n'impose à l'autorité gestionnaire du domaine public, lorsqu'elle prend, dans l'intérêt de ce domaine, une mesure qui ne revêt pas le caractère d'une sanction, de respecter une procédure contradictoire et d'informer l'occupant du nom de son successeur éventuel ; au demeurant, l'appelant a pu utilement présenter ses observations dans le cadre de l'instance devant le tribunal administratif ;

- l'article 17 du règlement départemental exclut toute indemnité à l'occasion des transferts d'autorisations d'occupation du domaine public ;

- l'infraction constitutive d'une contravention de grande voirie est à exécution successive et se poursuit chaque jour où est réitérée l'occupation sans droit ni titre du domaine public ; de plus, en tout état de cause, le dernier acte de poursuite de cette infraction, au sens de l'article 7 du code de procédure pénale, est matérialisé dans le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 7 avril 2014, date de départ du délai de prescription d'un an ; la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif demandant la condamnation de M. D...à une amende étant datée du 17 juin 2014, l'action publique a donc été exercée avant l'expiration du délai de prescription. M. D...n'est donc pas fondé à soutenir que le délai de prescription de la contravention aurait commencé à courir à compter du jour du décès de son père, titulaire de l'autorisation devenue caduque, et que l'action publique serait prescrite.

Par ordonnance du 14 février 2018, la clôture d'instruction a été fixé au 20 mars 2018 à 12 heures.

Par lettre du 3 mai 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, de M. D...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser " à titre de dédommagement" la somme de 25 000 euros correspondant an montant estimé de la cabane n° 75 édifiée par son père.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 9 mai 2018 :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M. C...D..., ostréiculteur, était titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime renouvelée en dernier lieu le 1er janvier 2007 pour une durée maximale de trois ans pour la cabane ostréicole n° 75 implantée sur l'emplacement n° 03-03-000075 du port départemental de Canal sur la commune de Gujan Mestras. A la suite de son décès survenu le 28 décembre 2008, son fils Serge D...a continué d'occuper cette cabane. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 7 avril 2014 à l'encontre de M. B...D...pour occupation sans droit ni titre du domaine public. En l'absence de remise des clés, le préfet de la Gironde a déféré M. D...comme prévenu d'une contravention de grande voirie devant le tribunal administratif de Bordeaux. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, dans un jugement du 29 juin 2016, a condamné M. D...à payer une amende de 1 000 euros et lui a enjoint de libérer les lieux dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai. Le tribunal a également autorisé l'administration, en cas d'inexécution de ces obligations dans le délai prescrit, à procéder d'office, au besoin avec le concours de la force publique, à l'expulsion de l'intéressé. M. D... relève appel de ce jugement en demandant l'annulation des poursuites engagées à son encontre et, pour la première fois en appel, la condamnation de l'Etat à lui verser à titre de dédommagement la somme de 25 000 euros correspondant au montant estimé des frais de construction de la cabane n° 75.

Sur le bien-fondé des poursuites :

2. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. " L'article L. 2132-2 du même code prévoit que :" Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". Selon L. 2132-4 du même code : " Les atteintes à l'intégrité ou à l'utilisation du domaine public maritime des ports maritimes sont définies au titre III du livre III du code des ports maritimes ". Aux termes de l'article L. 331-1 du code des ports, devenu article L. 5337-1 du code des transports : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, tout manquement aux dispositions du chapitre V du présent titre, à celles du présent chapitre et aux dispositions réglementant l'utilisation du domaine public, notamment celles relatives aux occupations sans titre, constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre. ".

3. Aux termes des dispositions de l'article 14 du règlement départemental du 8 mars 1993 modifié concernant les autorisations d'occupation temporaire du domaine public maritime des ports départementaux de la Gironde : " En cas de décès d'un permissionnaire, son ou ses ayants droits, ou associés, doivent signaler dans les quarante jours qui suivent le changement de situation au Président du Conseil général et lui faire connaître leurs intentions quant à l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime devenue caduque. ".

4. Si M. B...D...soutient que le préfet aurait mal interprété les dispositions de l'article 14 précité, il ne conteste toutefois pas ne pas avoir lui-même, en sa qualité d'ayant droit connu et déclaré, informé le gestionnaire du domaine du décès survenu le 27 décembre 2008 de son père, M. C...E...D..., titulaire de l'autorisation renouvelée en dernier lieu le 1er janvier 2007 pour une durée de trois ans. Ni la circonstance, comme l'a indiqué à juste titre le premier juge, que M. Chauvet, conseiller général du canton, ait fait mention de ce décès dans une lettre adressée au conseil général de la Gironde le 21 janvier 2009, ni même celle tirée de ce que cette lettre faisait état de la " demande [d'autorisation] de l'association pour la connaissance des pêches traditionnelles du bassin d'Arcachon, présidée par M. Claude Rousset ", dont il n'est pas établi qu'il aurait la qualité d'ayant droit voire même d'" associé " au sens du règlement précité, en dépit de son lien de parenté avec le requérant, ne sont de nature à faire regarder M. B...D..., seul ayant droit connu, comme s'étant acquitté de l'obligation d'information précitée et ayant demandé pour son propre compte une autorisation d'occupation du domaine public.

5. Eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. En conséquence, une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit.

6. Il résulte de ce principe de la domanialité publique que M. D...ne peut se prévaloir de ce qu'il aurait acquitté les redevances d'occupation dudit domaine pour soutenir qu'il aurait bénéficié d'une autorisation tacite.

7. En l'absence d'autorisation expresse, M. D...ne saurait en tout état de cause utilement faire valoir que la décision qu'il qualifie de " retrait " aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire. Au demeurant, une autorisation d'occupation du domaine public est par nature personnelle et ne peut être transmise à un tiers. Il ne résulte d'aucun principe général du droit que l'autorité gestionnaire du domaine public doive respecter une procédure contradictoire lorsqu'elle prend dans l'intérêt de ce domaine une mesure qui ne revêt pas le caractère d'une sanction. Par suite, le titre délivré au père du requérant est automatiquement devenu caduc du fait de son décès, sans qu'il soit besoin pour l'administration de recueillir les observations de son fils, dépourvu de tout droit sur le domaine public lors de l'attribution d'une nouvelle autorisation.

8. De même, ainsi que l'a jugé à bon droit le premier juge, le refus opposé par le conseil général à la demande de l'Association pour la connaissance des pêches traditionnelles du Bassin d'Arcachon pour l'occupation de l'emplacement en cause, quelles que soient les conditions dans lesquelles il est intervenu et ses motifs, n'a pas pour effet de conférer un caractère légal à 1'occupation de cette cabane par M.D.... Par suite, l'éventuelle méconnaissance du " principe d'égalité des usagers du domaine public " est sans influence sur la matérialité de la contravention de grande voirie et n'est, en tout état de cause, pas de nature à l'exonérer des poursuites engagées à son encontre par le préfet de la Gironde.

9. Il résulte de ce qui précède que l'occupation sans droit ni titre du domaine public par M. D...constitue la contravention de grande voirie prévue par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques.

Sur l'action publique :

10. Aux termes de l'article 9 du code de procédure pénale : " En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article 7 ". Les dispositions dudit article 7 prévoient que le délai de prescription a pour point de départ le dernier acte d'instruction ou de poursuite. Il résulte de ces dispositions que seules peuvent être regardés comme actes d'instruction ou de poursuite, en matière de contraventions de grande voirie, outre les jugements rendus par les juridictions et les mesures d'instruction prises par ces dernières, les mesures qui ont pour objet soit de constater régulièrement l'infraction, d'en connaître ou d'en découvrir les auteurs, soit de contribuer à la saisine du tribunal administratif ou à l'exercice par le ministre de sa faculté de faire appel ou de se pourvoir en cassation.

11. M. D... ne justifie pas, pour la cabane en cause, d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime. L'administration était fondée à faire constater à tout moment une contravention de grande voirie à raison de l'occupation sans droit ni titre de ce domaine. Le point de départ du délai de prescription prévu à l'article 9 du code de procédure pénale court à compter du 7 avril 2014, date à laquelle le procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé à l'encontre de M. B... D...et non, comme il le soutient, à compter du décès de son père en décembre 2008. Le tribunal a été saisi le 17 juin 2014 et le jugement a été prononcé le 29 juin 2016, après instruction et notamment communication de mémoires les 10 février 2015 et 23 novembre 2015. M. D...n'est par suite pas fondé à contester la condamnation attaquée en opposant la prescription annuelle de l'action publique en matière contraventionnelle.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à payer une amende de 1 000 euros, montant au demeurant non contesté devant la cour, et lui a enjoint de libérer les lieux dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai.

Sur les conclusions indemnitaires de M.D... :

13. Aux termes du I de l'article L. 1311-5 du code général des collectivités territoriales : " Les collectivités territoriales peuvent délivrer sur leur domaine public des autorisations d'occupation temporaire constitutives de droits réels, en vue de l'accomplissement, pour leur compte, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de leur compétence. Le titulaire de ce titre possède un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice de cette activité. Ce droit réel confère à son titulaire, pour la durée de l'autorisation et dans les conditions et les limites précisées dans la présente section, les prérogatives et obligations du propriétaire (...) Ces dispositions sont applicables aux groupements et aux établissements publics des collectivités territoriales, tant pour leur propre domaine public que pour celui mis à leur disposition ". Aux termes de l'article L. 3111-6 du code général des collectivités territoriales : " Le droit réel conféré par le titre, les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier ne peuvent être cédés, ou transmis dans le cadre de mutations entre vifs ou de fusion, absorption ou scission de sociétés, pour la durée de validité du titre restant à courir, y compris dans le cas de réalisation de la sûreté portant sur lesdits droits et biens et dans les cas prévus aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 1311-6-1, qu'à une personne agréée par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, en vue d'une utilisation compatible avec l'affectation du domaine public occupé. Lors du décès d'une personne physique titulaire d'un titre d'occupation constitutif de droit réel, celui-ci peut être transmis, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, au conjoint survivant ou aux héritiers sous réserve que le bénéficiaire, désigné par accord entre eux, soit présenté à l'agrément de l'autorité compétente dans un délai de six mois à compter du décès. ". Selon l'article L. 1311-7 du même code : " A l'issue du titre d'occupation, les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier existant sur la dépendance domaniale occupée doivent être démolis, soit par le titulaire de l'autorisation, soit à ses frais, à moins que leur maintien en l'état n'ait été prévu expressément par le titre d'occupation ou que l'autorité compétente ne renonce en tout ou partie à leur démolition. Les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier dont le maintien à l'issue du titre d'occupation a été accepté deviennent de plein droit et gratuitement la propriété des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics, francs et quittes de tous privilèges et hypothèques. Toutefois, en cas de retrait de l'autorisation avant le terme prévu, pour un motif autre que l'inexécution de ses clauses et conditions, le titulaire est indemnisé du préjudice direct, matériel et certain né de l'éviction anticipée. Les règles de détermination de l'indemnité peuvent être précisées dans le titre d'occupation. Les droits des créanciers régulièrement inscrits à la date du retrait anticipé sont reportés sur cette indemnité. Deux mois au moins avant la notification d'un retrait pour inexécution des clauses et conditions de l'autorisation, les créanciers régulièrement inscrits sont informés des intentions de l'autorité compétente à toutes fins utiles, et notamment pour être mis en mesure de proposer la substitution d'un tiers au permissionnaire défaillant ou de s'y substituer eux-mêmes. ". Aux termes de l'article L. 1311-8 : " Les dispositions des articles L. 1311-5 à L. 1311-7 ne sont pas applicables au domaine public naturel. ".

14. M. D...soutient que la cabane ostréicole constitue un bien lui appartenant, transmise au décès de son père, qui l'a construite, et sollicite une indemnité de 25 000 euros. D'une part, il ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 34-1 du code du domaine de l'Etat, lesquelles ont été abrogées par l'article 7 de l'ordonnance du n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques et n'avaient en outre pas vocation à régir le domaine public des collectivités territoriales. D'autre part, il est constant que la construction litigieuse est édifiée sur le domaine public naturel, sur lequel aucun droit réel ne s'applique. Enfin, l'article 17 du règlement départemental du 9 avril 1993 exclut tout droit à indemnisation au titre du bâti d'origine par la collectivité départementale en fin d'autorisation d'occupation du domaine public, et rien n'impose que l'Etat soit davantage tenu d'une quelconque obligation à ce titre. Par suite, les conclusions indemnitaires de M.D..., au demeurant présentées pour la première fois en appel, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Gironde ainsi qu'au département de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 juin 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNE Le président,

Catherine GIRAULT Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 16BX02711 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02711
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : NOVO GUY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-07;16bx02711 ?
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