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28/06/2018 | FRANCE | N°16BX01337,16BX01338

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 16BX01337,16BX01338


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Château d'Oléron et la SARL Alliancim ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 4 juillet 2013 par laquelle le comité du syndicat mixte du pays Marennes Oléron a adopté le document d'aménagement commercial modifié. Elles ont sollicité également l'annulation de la délibération du même jour par laquelle cette même autorité a approuvé le schéma de cohérence territoriale modifié, et de la décision de refus de l'abroger.

Par deux jugements

n° 1301987 et n° 1301991 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Château d'Oléron et la SARL Alliancim ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 4 juillet 2013 par laquelle le comité du syndicat mixte du pays Marennes Oléron a adopté le document d'aménagement commercial modifié. Elles ont sollicité également l'annulation de la délibération du même jour par laquelle cette même autorité a approuvé le schéma de cohérence territoriale modifié, et de la décision de refus de l'abroger.

Par deux jugements n° 1301987 et n° 1301991 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le numéro 16BX01337 le 19 avril 2016, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 20 octobre 2016 et 29 janvier 2018, le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du pays Marennes Oléron, anciennement dénommé syndicat mixte du pays de Marennes Oléron, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301991 du tribunal administratif de Poitiers du 11 février 2016 ;

2°) de rejeter les demandes de la commune du Château d'Oléron ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Château d'Oléron la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ; faisant application de la jurisprudence Danthony, les premiers juges n'indiquent pas en quoi le défaut de consultation de certaines personnes publiques aurait pu exercer une influence sur le sens des décisions prises ; ces personnes publiques n'étaient pas l'Etat, la région, le département et les organismes consulaires ; par ailleurs certaines des personnes visées par le tribunal n'existent pas ; les autres personnes publiques ont participé au processus décisionnel comme membres du comité syndical ;

- le vice tiré de l'absence de demande d'avis des personnes publiques visées par l'article L. 122-8 du code de l'urbanisme n'est pas constitué ; il a produit trois courriers justifiant avoir fait parvenir aux personnes visées par cet article les projets de modification du SCOT et d'aménagement commercial ; les dispositions de cet article n'exigent pas que les courriers adressés aux personnes visées par ces dispositions contiennent une demande expresse d'avis ; au demeurant, leurs destinataires pouvaient d'autant moins ignorer qu'il s'agissait d'une demande d'avis qu'ils avaient été informés au préalable de la mise en révision du SCOT ; cette exigence formulée par les premiers juges est d'autant moins nécessaire que la plupart des personnes publiques ont répondu à ces courriers, démontrant qu'elles ne se sont pas méprises sur le sens de la notification qui leur avait été faite ; plusieurs des autorités mentionnées par les premiers juges, dont l'autorité de transport ou le parc naturel régional, n'existent pas en l'espèce ; alors que l'omission est limitée à deux groupements de communes et les communes membres du syndicat, ces dernières, en raison de leur appartenance au syndicat, avaient une connaissance des documents en cours d'élaboration ; à supposer que l'on retienne un vice, la jurisprudence Danthony aurait dû conduire à constater qu'il n'avait pas exercé d'influence sur le sens de la décision prise, alors au demeurant qu'il ne s'agit que d'avis simples ;

- les premiers juges ont fait une appréciation erronée de la notion de compatibilité ; ils ont inversé le rapport de compatibilité entre le SCOT et le plan local d'urbanisme ; en se fondant sur le caractère prescriptif de la norme prévue par le document d'aménagement commercial, les premiers juges se sont attachés au contenu des normes et non à la nature des liens entre deux normes ; par ailleurs, la compatibilité s'apprécie nécessairement en fonction des contraintes juridiques qui s'imposent aux SCOT ; les premiers juges ont éludé les exigences d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement de l'article L. 752-1 du code de commerce qui s'imposent à la rédaction des documents d'aménagement commercial, de même que celles de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme ; ces exigences sont d'autant plus fortes dans un territoire exigu ;

- il ne peut être reproché au syndicat mixte de se soumettre à l'intention du législateur de 2010 dès la modification du SCOT, quand bien même celui-ci lui aurait laissé un temps plus long pour intégrer les nouvelles contraintes issues de Grenelle 2 ;

- les zones d'aménagement commercial ont été définies en fonction des exigences particulières d'aménagement et de protection de l'environnement propre à l'Ile d'Oléron et à la presqu'île du bassin de Marennes ; dans une île, plus qu'ailleurs, il y a lieu de limiter la consommation du foncier pour éviter d'affecter durablement l'environnement par des aménagements commerciaux de trop grande envergure et appelés à fonctionner sur une durée limitée pendant l'année ;

- les orientations de localisation préférentielle des commerces ne peuvent pas être assimilées à des conditions d'aménagement ; elles sont uniquement proposées pour les ZACOM ; en outre, il est rappelé dans le document d'orientations générales que les orientations chiffrées, en seuil de référence pour le commerce, s'entendent dans un rapport de compatibilité ; l'extension modérée des zones d'activité commerciale existantes peut être prévue par de futurs plans locaux d'urbanisme ;

- il justifie de l'envoi des convocations dans les délais définis par les articles L.2122-12, L. 5211-1 et L. 5711-2 du code général des collectivités territoriales ;

- la procédure de modification du SCOT n'était pas soumise à la consultation de l'autorité environnementale ; en tout état de cause, le projet initial et le projet modifié ont été notifiés au préfet du département, qui est l'autorité environnementale, lequel n'a émis aucune remarque, ni avis ; le courriel produit est constitutif d'une demande de conseil technique et non d'une demande de consultation ;

- l'enquête complémentaire a été décidée par le comité syndical ;

- la requérante ne démontre pas que le syndicat mixte ait choisi d'engager la procédure de concertation prévue par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;

- l'initiative de la modification du SCOT a été prise par le président du syndicat mixte ;

- la ZACOM de la commune du Château d'Oléron, telle qu'elle est inscrite au document d'aménagement commercial, a été définie en fonction du principe d'aménagement et de développement durable et de la nécessité de répondre aux besoins des habitants ; les orientations du document d'aménagement commercial ne s'opposent pas à la création de nouvelles surfaces commerciales mais encadrent leur localisation en privilégiant la revalorisation et la requalification des surfaces commerciales existantes ; en outre, l'appareil commercial de la commune suffit à répondre aux besoins de la population et la ZACOM de Dolus, située à moins de 7 kilomètres, permet de répondre à des besoins plus ponctuels ;

- la création d'une zone commerciale de plusieurs hectares sur la commune du Château d'Oléron ex nihilo contreviendrait au projet d'aménagement et de développement durable ; en outre, les secteurs proposés sont soumis à un risque d'inondation ; en l'absence de continuité de ces secteurs avec les agglomérations et les villages existants, la création d'une zone commerciale en ces emplacements méconnaîtrait également la loi littoral, et en particulier l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- aucune contradiction entre les prescriptions relatives à la ZACOM d'Oléron et les orientations du projet d'aménagement et de développement durable n'existe, ce qui ne nécessitait pas le recours à la procédure de révision du SCOT ;

- la délimitation des ZACOM n'est assortie d'aucune prescription sur le type de commerces autorisés ou interdits ;

- conformément aux dispositions du II de l'article L. 752-1 du code de commerce, le document d'aménagement commercial n'a pas à intégrer les projets de commerces particuliers.

Par trois mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet 2016, 19 septembre 2017 et 12 mars 2018, la commune de Château d'Oléron, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement est suffisamment motivé ; alors qu'ils ne sont pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par les parties, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de la violation des dispositions des articles L. 122-8 et L. 122-44-1 du code de l'urbanisme, en relevant d'une part que le pôle territorial ne rapportait pas la preuve de la consultation des personnes publiques associées et d'autre part que cette carence a été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises ;

- les courriers du 25 avril 2013, qui demandaient à leurs destinataires de procéder à l'affichage de l'enquête publique, ne constituaient pas une demande d'avis ; il ne saurait se déduire de leurs termes qu'il s'agissait, en réalité, d'une demande d'avis ;

- l'exigence d'une demande formelle d'avis découle des termes de l'article L. 122-8 du code de l'urbanisme ;

- le requérant ne démontre pas que les personnes publiques associées auraient répondu à ces courriers ; en tout état de cause, le seul fait que certaines personnes aient donné leur avis ne signifie pas que l'ensemble des personnes publiques associées auraient été sollicitées pour avis ; - il n'est pas démontré que l'Etat, la région, le département et les organismes consulaires auraient été saisis pour avis et auraient répondu aux courriers du 25 avril 2013 ; en tout état de cause, le courrier les avisant de l'organisation d'une enquête publique complémentaire n'est pas de nature à pallier l'absence d'avis au sens des articles L. 122-8 et L. 121-4 du code de l'urbanisme ;

- le PETR reconnaît que toutes les personnes publiques visées par les articles précités n'ont pas été consultées ; la circonstance que les deux groupements de communes et les communes membres du syndicat mixte aient été associées à l'élaboration du document d'aménagement commercial et du SCOT ne permet pas de pallier l'absence de transmission de ces documents pour avis ;

- à supposer qu'ils aient été émis, aucun de ces avis n'a été joint au dossier d'enquête publique, contrairement aux exigences de l'article R. 123-8 4° du code de l'environnement ;

- il n'est pas établi que les personnes publiques associées auraient été consultées sur les projets définitifs de SCOT et de document d'aménagement commercial ;

- l'absence d'avis est de nature à priver les intéressés d'une garantie et a été susceptible d'influer sur le sens des décisions prises ; les membres du comité syndical n'ont pas disposé de l'ensemble des éléments leur permettant de prendre une décision éclairée ; les personnes publiques associées n'ont pas pu faire valoir leurs observations sur des projets qui ont nécessairement un impact sur leurs intérêts publics et les missions dont elles ont la charge ; le public n'a pu disposer d'une information adaptée ;

- les délibérations en litige méconnaissent les articles L. 122-1 du code de l'urbanisme et L. 752-1 du code de commerce ; le document d'aménagement commercial a un champ d'application qui dépasse les zones d'aménagement commercial pour fixer des objectifs et des orientations d'aménagement commercial et des normes quantitatives à l'échelle du territoire couvert pas le SCOT ; plusieurs prescriptions insérées dans la partie 3 du document d'aménagement commercial sont prescriptives et impératives ; de telles prescriptions instaurent un rapport de conformité ;

- il n'est pas établi qu'avant de prendre les délibérations contestées, les délégués aient été régulièrement convoqués avec cinq jours de préavis et aient disposé d'une note de synthèse justifiant la nécessité de cette nouvelle procédure, comme le prévoient les articles L. 2122-12, L. 5211-1 et L. 5711-2 du code général des collectivités territoriales ; le PETR ne produit que le courrier de convocation, qui ne permet pas de déterminer la date d'envoi, et des accusés de réception dont une partie est illisible ;

- aux termes de l'article L. 123-14 du code de l'environnement, l'enquête complémentaire aurait dû être précédée d'un avis de l'autorité environnementale ; ces dispositions issues de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement étaient applicables à chacune des enquêtes publiques ; l'autorité environnementale est le préfet de région et non le préfet du département ; il ressort des pièces du dossier que la DREAL a été consultée postérieurement à l'enquête complémentaire ; en tout état de cause, il est constant que la saisine de la DREAL s'est limitée à des échanges techniques ;

- alors que l'enquête publique complémentaire aurait dû être décidée par le comité syndical en application de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme, les visas des délibérations attaquées font apparaître qu'elle n'a été décidée que par un arrêté du président du syndicat mixte, incompétent pour ce faire ;

- la méconnaissance de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme a exercé une influence sur le sens des décisions prises et a privé les intéressés de garanties ;

- le syndicat mixte du pays Marennes Oléron a spontanément fait application de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme mais, contrairement aux dispositions de cet article, il n'a pas délibéré sur les objectifs et les modalités de cette concertation et n'en a pas arrêté le bilan, qui aurait dû être joint à l'enquête publique ; en outre, le public n'a pas été associé pendant cette phase, et l'enquête publique ultérieure ne saurait pallier ce manquement à l'article L. 300-2 ;

- les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que le président du syndicat mixte aurait engagé la modification du SCOT, conformément à l'article L. 122-14-1 du code de l'environnement ;

- le document d'aménagement commercial, en particulier la délimitation du périmètre de la ZACOM sur le territoire de la commune du Château d'Oléron, méconnaît les articles L. 752-1 du code de commerce et L. 122-1-9 du code de l'urbanisme ; contrairement aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durable, cette ZACOM n'autorise ni la création d'une nouvelle surface commerciale ni l'extension d'une surface commerciale existante ; cette zone, tracée au plus près de l'emprise du magasin existant Super-U, ne permet aucun développement commercial, alors même que la population de la commune a connu une forte croissance, que la commune dispose de la plus petite surface commerciale des communes énumérées par le document d'aménagement commercial et que le centre-ville, où est située la zone, ne permet aucun développement ; alors que le document d'aménagement commercial souligne la nécessité d'améliorer la qualité des zones commerciales et la mutualisation des aménagements, l'enseigne existante sur la commune ne pourra pas s'adapter aux nouveaux modes de consommation ; la contradiction entre les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable et le document d'aménagement commercial imposait de procéder à une révision du schéma de cohérence territoriale et non à une modification ;

- conformément au constat de saturation des zones existantes et de nécessité d'ouvrir de nouvelles zones effectué par le projet d'aménagement et de développement durable, il aurait été préférable de créer une zone d'aménagement commercial sur le site d'Ors, qualifié de " centralité secondaire ", où se trouvent actuellement deux chantiers navals, qui auraient pu se regrouper et vendre une partie de leur emprise pour permettre le développement du commerce ; cette zone est soumise à un aléa faible de submersion ; en face des ateliers municipaux, la zone de la Beaucoursière aurait pu également devenir une zone d'aménagement commercial conforme aux objectifs du plan d'aménagement et de développement durable ; cette zone est située dans le prolongement d'une zone déjà urbanisée et ne méconnaît pas la loi littoral ; la délimitation de la ZACOM du château d'Oléron est donc entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ;

- en interdisant l'implantation d'une grande surface commerciale, le document d'aménagement commercial va augmenter le trafic automobile, en méconnaissance des objectifs du projet d'aménagement et de développement durable ;

- le document d'aménagement commercial rectifié envisage l'extension de la zone d'aménagement commercial à la place de terrains de sport qui sont pourtant indispensables à l'attractivité du centre bourg ; leur disparition ou leur éloignement contreviendrait au principe de revitalisation du centre ville figurant à l'article L. 122-1-9 du code de l'urbanisme ; en outre, les conditions de livraison en centre-ville sont difficiles ;

- il n'appartenait pas aux auteurs du document d'aménagement commercial de définir le caractère alimentaire ou non des commerces susceptibles de s'installer sur les différentes zones qu'il définit ; cette définition est constitutive d'une atteinte disproportionnée au principe de liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre ; les prescriptions relatives à la typologie de commerces, qui ne sont pas motivées par des considérations d'aménagement du territoire ou de préservation de l'environnement, méconnaissent l'article 14 de la directive européenne n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ; l'incidence sur les commerces de détail situés en centre-ville, outre qu'elle n'est pas démontrée, n'est pas suffisante pour justifier des restrictions à l'implantation de grandes et moyennes surfaces sur le territoire de la commune ;

- les restrictions à l'implantation de grandes et moyennes surfaces sur le territoire de la commune de Château d'Oléron auront un effet négatif sur le commerce de proximité de la commune.

L'instruction a été close au 10 avril 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête, enregistrée sous le numéro 16BX01338 le 19 avril 2016, le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du pays Marennes Oléron, anciennement dénommé syndicat mixte du pays de Marennes Oléron, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301987 du tribunal administratif de Poitiers du 11 février 2016 ;

2°) de rejeter les demandes de la société Alliancim tendant à l'annulation des mêmes délibérations du 4 juillet 2013;

3°) de mettre à la charge de la société Alliancim la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ; faisant application de la jurisprudence Danthony, les premiers juges n'indiquent pas en quoi le défaut de consultation de certaines personnes publiques aurait pu exercer une influence sur le sens des décisions prises ; ces personnes publiques n'étaient pas l'Etat, la région, le département et les organismes consulaires ; les autres personnes publiques ont participé au processus décisionnel comme membres du comité syndical ;

- le jugement est entaché de contradiction ; alors que les courriers envoyés aux personnes visées par l'article L. 122-8 étaient identiques, les premiers juges ont considéré que la teneur du courrier était explicite pour certaines d'entre elles et non pour d'autres ;

- la demande de la Sarl Alliancim est irrecevable ; elle n'a contesté dans le délai de recours contentieux que la délibération du 4 juillet 2013 approuvant le document d'aménagement commercial ; ce n'est que plus de deux ans après l'introduction de sa demande qu'elle a sollicité l'annulation d'une décision de refus d'abroger le SCOT, laquelle est née deux jours après l'audience prévue le 18 décembre 2015 ; en tout état de cause, les vices de forme et de procédure ne pouvaient plus être soulevés en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ; la demande d'annulation du document d'aménagement commercial est dirigée contre un acte préparatoire insusceptible d'un recours pour excès de pouvoir ;

- le vice tiré de l'absence de demande d'avis des personnes publiques visées par l'article L. 122-8 du code de l'urbanisme n'est pas constitué ; les dispositions de cet article n'exigent pas que les courriers adressés aux personnes visées par ces dispositions contiennent une demande expresse d'avis ; au demeurant, leurs destinataires pouvaient d'autant moins ignorer qu'il s'agissait d'une demande d'avis qu'ils avaient été informés au préalable de la mise en modification du SCOT ; cette exigence formulée par les premiers juges est d'autant moins nécessaire que la plupart des personnes publiques ont répondu à ces courriers, démontrant qu'elles ne se sont pas méprises sur le sens de la notification qui leur avait été faite ; plusieurs des autorités mentionnées par les premiers juges, dont l'autorité de transport ou du parc naturel régional, n'existent pas ; les communes et les communautés de communes membres du syndicat avaient une connaissance des documents en cours d'élaboration ; à supposer que l'on retienne un vice, la jurisprudence Danthony aurait dû conduire à constater qu'il n'avait pas exercé d'influence sur le sens de la décision prise.

Par ordonnance du 21 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant le Pôle d'équilibre territorial et rural du Pays Marennes Oléron,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Château d'Oléron.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 27 décembre 2005, le syndicat mixte du pays Marennes Oléron, qui regroupe les deux communautés de communes de l'île d'Oléron et du bassin de Marennes, soit 15 communes, a approuvé le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du pays Marennes- Oléron. Le 22 octobre 2009, le comité syndical du syndicat mixte du pays Marennes Oléron a décidé d'élaborer un document d'aménagement commercial. Par délibération du 31 mai 2012, le projet de document d'aménagement commercial a été arrêté. Par délibération du même jour, conformément aux exigences de l'article L. 752-1 du code de commerce, le syndicat mixte du pays Marennes Oléron a intégré par voie de modification le document d'aménagement commercial dans le schéma de cohérence territoriale (SCOT). Ces deux projets ont fait l'objet d'une enquête unique qui s'est déroulée du 20 août au 21 septembre 2012. Nonobstant l'avis favorable du commissaire enquêteur, le syndicat mixte du pays Marennes Oléron a décidé, par délibération du 28 mars 2013, d'apporter des modifications à ces deux projets, qui ont été soumises à une enquête publique complémentaire entre le 21 mai et le 5 juin 2013, suivie d'un nouvel avis favorable du commissaire enquêteur, tant sur le document d'aménagement commercial modifié que sur le projet amendé de modification du schéma de cohérence territoriale. Par les délibérations n° 2013(4)-101 et n° 2013(4)-102 du 4 juillet 2013, le comité syndical du syndicat mixte du pays Marennes Oléron a approuvé le document d'aménagement commercial et la modification n° 1 du SCOT de Marennes Oléron. La SARL Alliancim, qui était titulaire d'un permis d'aménager un lotissement commercial à proximité immédiate de la ZACOM de Saint-Pierre d'Oléron, dont elle n'a pas obtenu l'extension après ses observations à l'enquête, et la commune du Château d'Oléron, qui a souhaité en vain déplacer sa ZACOM ou en créer une nouvelle en dehors du centre-ville, ont sollicité l'annulation, pour la première de la délibération n° 2013-101, et pour la seconde des deux délibérations. Par courrier du 19 octobre 2015, la Sarl Alliancim a présenté auprès du syndicat mixte du pays Marennes Oléron une demande tendant à abroger la modification du SCOT approuvée par la délibération 2013-102, laquelle est demeurée sans réponse. Le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du pays Marennes Oléron, qui a succédé au syndicat mixte du pays de Marennes Oléron, relève appel des jugements n° 1301991 et n° 1301987 du 11 février 2016 par lesquels le tribunal administratif de Poitiers a, sur demandes de la commune de Château d'Oléron et de la société Alliancim, annulé ces décisions.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 16BX01337 et 16BX01338 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements :

En ce qui concerne le moyen commun aux jugements n° 1301991 et n° 1301987 :

3. Les jugements attaqués expliquent avec les précisions requises les raisons pour lesquelles ils retiennent le moyen tiré de l'absence de saisine des personnes publiques associées. Par ailleurs, si la motivation d'un jugement peut être contestée au fond, son contenu est sans incidence sur sa régularité, quand bien même le raisonnement en serait critiquable.

En ce qui concerne le moyen propre au jugement n° 1301987 :

4. Le PETR du Pays Marennes Oléron soutient également que le jugement est entaché d'irrégularité tenant à la contradiction de ses motifs dès lors que les premiers juges auraient procédé à une analyse différente d'un même courrier selon que les destinataires y ont ou non répondu. Cependant, la contradiction de motifs affecte le cas échéant le bien-fondé d'un jugement, et non sa régularité.

Sur la recevabilité de la demande de première instance de la SARL Alliancim :

5. Le PETR du Pays Marennes Oléron conteste la qualité pour agir de la SARL Alliancim faute pour sa demande d'être introduite par un représentant de la société identifié et habilité à cet effet. Il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 223-18 du code de commerce que, dans les rapports avec les tiers, les gérants sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, dont nécessairement celui d'agir en justice. Dès lors, cette première fin de non-recevoir doit être écartée.

6. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter la fin de non-recevoir opposée en première instance par le PETR du Pays Marennes Oléron tirée du défaut d'intérêt pour agir de la société Alliancim.

7. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012 : " (...) II.-Les schémas prévus au chapitre II du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme peuvent définir des zones d'aménagement commercial. Ces zones sont définies en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme spécifiques à certaines parties du territoire couvert par le schéma. Leur délimitation ne peut reposer sur l'analyse de l'offre commerciale existante ni sur une mesure de l'impact sur cette dernière de nouveaux projets de commerces. La définition des zones figure dans un document d'aménagement commercial qui est intégré au schéma de cohérence territoriale par délibération de l'établissement public prévu aux articles L. 122-4 et L. 122-4-1 du code de l'urbanisme. A peine de caducité, ce document d'aménagement commercial doit faire l'objet, dans un délai d'un an à compter de la délibération l'adoptant, d'une enquête publique. (...) Le document d'aménagement commercial est communiqué dès son adoption au préfet. ". Aux termes de l'article L.122-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Les schémas de cohérence territoriale exposent le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, d'agriculture, d'aménagement de l'espace, d'environnement, d'équilibre social de l'habitat, de transports, d'équipements et de services (...) / Pour mettre en oeuvre le projet d'aménagement et de développement durable retenu, ils fixent, dans le respect des équilibres résultant des principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1, les orientations générales de l'organisation de l'espace et de la restructuration des espaces urbanisés et déterminent les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces naturels et agricoles ou forestiers. Ils apprécient les incidences prévisibles de ces orientations sur l'environnement. / A ce titre, ils définissent notamment les objectifs relatifs à l'équilibre social de l'habitat et à la construction de logements sociaux, à l'équilibre entre l'urbanisation et la création de dessertes en transports collectifs, à l'équipement commercial et artisanal, aux localisations préférentielles des commerces, à la protection des paysages, à la mise en valeur des entrées de ville et à la prévention des risques / (...) Ils peuvent comprendre un document d'aménagement commercial défini dans les conditions prévues au II de l'article L.752-1 du code de commerce (...) ". Aux termes de l'article R. 122-3 du même code : " Le document graphique du document d'aménagement commercial doit permettre d'identifier les terrains situés dans les zones d'aménagement commercial (...) ".

8. Le PETR du Pays Marennes Oléron fait valoir que la délibération n° 2013(4)-101 du 4 juillet 2013 approuvant le document d'aménagement commercial est un acte préparatoire insusceptible de recours, au motif qu'elle ne constituerait qu'un élément de la procédure de la modification du SCOT. Cependant, cette délibération ne se limite pas à la mise en oeuvre de cette procédure. Elle emporte l'approbation, à l'issue d'une enquête publique, d'un document opposable aux tiers qui peut interdire, au sein des zones d'aménagement commercial, certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce. Par suite, la fin de non recevoir opposée par le PETR du Pays Marennes Oléron doit être rejetée.

9. Le PETR du Pays Marennes Oléron soutient enfin que les conclusions en annulation dirigées contre le refus d'abroger la délibération n° 2013(4)-102 du 4 juillet 2013 approuvant la modification du SCOT seraient irrecevables. Cependant, contrairement à ce qu'il soutient, cette décision était née à la date à laquelle le tribunal administratif a statué. De même, à supposer que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-8 du code de l'urbanisme soit regardé comme irrecevable, l'irrecevabilité d'un moyen ne suffit pas emporter l'irrecevabilité de conclusions en annulation.

Sur le bien-fondé du jugement :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 122-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 : " Un schéma de cohérence territoriale peut également être modifié par délibération de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4, après enquête publique, réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, si la modification ne porte pas atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durables définie à l'article L. 122-1-3. Le projet de modification est notifié, avant l'ouverture de l'enquête publique, aux personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 122-8 ". Selon le deuxième alinéa de l'article L. 122-8 du même code : " Le projet de schéma est arrêté par délibération de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4 puis transmis pour avis aux communes et aux groupements de communes membres de l'établissement public, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale voisins compétents en matière d'urbanisme, au préfet, à la région, au département et aux organismes mentionnés à l'article L. 121-4 (...) Ces avis sont réputés favorables s'ils n'interviennent pas dans un délai de trois mois après transmission du projet de schéma. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " L'Etat, les régions, les départements, les autorités compétentes en matière d'organisation des transports urbains, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de programme local de l'habitat et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux sont associés à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme dans les conditions définies aux chapitres II et III. Il en est de même des chambres de commerce et d'industrie territoriales, des chambres de métiers, des chambres d'agriculture et, dans les communes littorales au sens de l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, des sections régionales de la conchyliculture. Ces organismes assurent les liaisons avec les organisations professionnelles intéressées. (...) ".

11. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012 : " L'organe délibérant de l'établissement public prévu aux articles L. 122-4 et L. 122-4-1 arrête le projet de schéma et le soumet pour avis : 1° Aux personnes publiques associées mentionnées à l'article L. 121-4 ; 2° Aux communes et groupements de communes membres de l'établissement public ; 3° A leur demande, aux établissements publics de coopération intercommunale directement intéressés et aux communes limitrophes ; 4° A la commission prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, lorsqu'il a pour conséquence une réduction des surfaces des zones agricoles ; (...) Les personnes et les commissions consultées rendent leur avis dans les limites de leurs compétences propres, au plus tard trois mois à compter de la transmission du projet de schéma. A défaut de réponse dans ce délai l'avis est réputé favorable. ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " I - L'Etat, les régions, les départements, les autorités compétentes en matière d'organisation des transports urbains, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de programme local de l'habitat et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux sont associés à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme dans les conditions définies aux chapitres II et III. Il en est de même des chambres de commerce et d'industrie territoriales, des chambres de métiers, des chambres d'agriculture et, dans les communes littorales au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, des sections régionales de la conchyliculture. Ces organismes assurent les liaisons avec les organisations professionnelles intéressées. (...) ". Aux termes de l'article L. 122-14 dudit code : " (...) II. - La révision est prescrite par délibération de l'organe délibérant de l'établissement public. Elle est effectuée dans les conditions définies par les articles L. 122-6 à L. 122-12. ". Aux termes de l'article L. 122-14-1 du même code : " I. - Sous réserve des cas où une révision s'impose en application des dispositions de l'article L. 122-14, le schéma de cohérence territoriale fait l'objet d'une procédure de modification lorsque l'établissement public prévu aux articles L. 122-4 et L. 122-4-1 envisage de modifier le document d'orientation et d'objectifs. II. - La procédure de modification est engagée à l'initiative du président de l'établissement public prévu aux articles L. 122-4 et L. 122-4-1 qui établit le projet de modification. Le président de l'établissement public notifie le projet de modification au préfet et aux personnes publiques associées mentionnées à l'article L. 121-4 avant l'ouverture de l'enquête publique ou, dans les cas prévus à l'article L. 122-14-3, avant la mise à disposition du public. ". Aux termes de l'article L. 122-14-2 du code précité : " Lorsque le projet de modification porte sur des dispositions prises en application de l'article L. 122-1-4, des deuxième, sixième et seizième alinéas de l'article L. 122-1-5, de l'article L. 122-1-7, du premier alinéa de l'article L. 122-1-8 et des articles L. 122-1-9 à L. 122-1-11, il est soumis à enquête publique par le président de l'établissement public prévu aux articles L. 122-4 et L. 122-4-1. L'enquête publique est réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. Lorsque la modification ne concerne que certaines communes, l'enquête publique peut n'être organisée que sur le territoire de ces communes. Les avis des personnes publiques associées mentionnées à l'article L. 121-4 sont joints au dossier d'enquête publique. Lorsque le projet de modification prévoit la création d'une ou plusieurs unités touristiques nouvelles, il est soumis, en outre, aux avis prévus au 5° de l'article L. 122-8. A l'issue de l'enquête publique, ce projet, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par délibération de l'organe délibérant de l'établissement public prévu aux articles L. 122-4 et L. 122-4-1. ".

12. Pour annuler les décisions attaquées, le tribunal administratif de Poitiers a considéré que la procédure était entachée d'irrégularité dès lors que le projet de SCOT modifié, comprenant le projet de document d'aménagement commercial, n'avait pas été notifié dans les conditions définies par l'article L. 122-8 du code de l'urbanisme.

13. D'une part, le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé [...] ". Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

14. Il résulte de ce qui précède que la société Alliancim ne pouvait utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger la délibération n° 2013(4)-102 du 4 juillet 2013 afférente à une modification du SCOT, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-8 du code de l'urbanisme relatif à la procédure d'élaboration ou de révision d'un tel document.

15. D'autre part, il ressort par ailleurs des pièces du dossier que par courriers du 21 juin 2012 le syndicat mixte du Pays Marennes Oléron a informé les personnes publiques associées du projet de document d'aménagement commercial initial, et ni la commune de Château d'Oléron, ni la société Alliancim dans ses mémoires de première instance n'identifient particulièrement une ou des personnes publiques qui auraient dû être consultées et ne l'auraient pas été. De même, par courriers du 14 mai 2013, qui avaient été produits par note en délibéré devant le tribunal et ont été à nouveau produits devant la cour, le syndicat mixte du Pays Marennes Oléron a informé les personnes publiques associées mentionnées à l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme, dont l'avis était seul requis s'agissant d'une modification, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 122-14-1 applicable à l'enquête complémentaire, que cette dernière se déroulerait du 21 mai au 5 juin 2013 inclus en raison des modifications qu'il entendait apporter au projet de SCOT modifié, comprenant le projet de document d'aménagement commercial, à l'issue de la première enquête. Le syndicat leur notifiait également les projets de modification de ces documents, avec un renvoi au site internet du syndicat en raison de leur volume. Si ces courriers se bornaient à rappeler que l'exigence de cette notification était prévue par le code de l'urbanisme et n'indiquaient pas expressément à leurs destinataires que leurs avis étaient requis, cette maladresse de rédaction ne les a toutefois pas privés de la possibilité de présenter des observations.

16. Dans ces conditions, le PETR du Pays Marennes Oléron est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions attaquées sur le fondement de la méconnaissance de l'article L. 122-8 du code de l'urbanisme.

17. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la commune de Château d'Oléron et la société Alliancim devant le tribunal administratif de Poitiers à l'encontre des décisions contestées.

18. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 : " Les schémas de cohérence territoriale exposent le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, d'agriculture, d'aménagement de l'espace, d'environnement, d'équilibre social de l'habitat, de transports, d'équipements et de services. Ils présentent le projet d'aménagement et de développement durable retenu, qui fixe les objectifs des politiques publiques d'urbanisme en matière d'habitat, de développement économique, de loisirs, de déplacements des personnes et des marchandises, de stationnement des véhicules et de régulation du trafic automobile. Pour mettre en oeuvre le projet d'aménagement et de développement durable retenu, ils fixent, dans le respect des équilibres résultant des principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1, les orientations générales de l'organisation de l'espace et de la restructuration des espaces urbanisés et déterminent les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces naturels et agricoles ou forestiers. Ils apprécient les incidences prévisibles de ces orientations sur l'environnement. A ce titre, ils définissent notamment les objectifs relatifs (...) à l'équipement commercial et artisanal, aux localisations préférentielles des commerces (...). Ils peuvent comprendre un document d'aménagement commercial défini dans les conditions prévues au II de l'article L. 752-1 du code de commerce. ".

19. La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, qui a réformé les schémas de cohérence territoriale, a abrogé les dispositions précitées et créé l'article L. 122-1-9 du code de l'urbanisme, qui prévoit: " Le document d'orientation et d'objectifs précise les objectifs relatifs à l'équipement commercial et artisanal et aux localisations préférentielles des commerces afin de répondre aux exigences d'aménagement du territoire, notamment en matière de revitalisation des centres-villes, de cohérence entre équipements commerciaux, desserte en transports, notamment collectifs, et maîtrise des flux de marchandises, de consommation économe de l'espace et de protection de l'environnement, des paysages, de l'architecture et du patrimoine bâti. Il comprend un document d'aménagement commercial défini dans les conditions prévues au II de l'article L. 752-1 du code de commerce, qui délimite des zones d'aménagement commercial en prenant en compte ces exigences d'aménagement du territoire. Dans ces zones, il peut prévoir que l'implantation d'équipements commerciaux est subordonnée au respect de conditions qu'il fixe et qui portent, notamment, sur la desserte par les transports collectifs, les conditions de stationnement, les conditions de livraison des marchandises et le respect de normes environnementales, dès lors que ces équipements, du fait de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'organisation du territoire. ". Aux termes des dispositions du VIII de l'article 17 de la loi 12 juillet 2010, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-12 du 5 janvier 2011 : " Le présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi, le cas échéant après son intégration à droit constant dans une nouvelle rédaction du livre Ier du code de l'urbanisme à laquelle il pourra être procédé en application de l'article 25 de la présente loi. Toutefois, les schémas de cohérence territoriale en cours d'élaboration ou de révision approuvés avant le 1er juillet 2013 dont le projet de schéma a été arrêté par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale avant le 1er juillet 2012 peuvent opter pour l'application des dispositions antérieures. Les schémas de cohérence territoriale approuvés avant la date prévue au premier alinéa et ceux approuvés ou révisés en application du deuxième alinéa demeurent.... Ils intègrent les dispositions de la présente loi lors de leur prochaine révision et au plus tard le 1er janvier 2016 ".

20. Le SCOT du Pays Marennes Oléron a été approuvé le 27 décembre 2005, soit avant la date d'entrée en vigueur prévue par le premier alinéa de l'article 17 précité. Il n'était pas en cours de révision à cette date. Il entrait donc dans le champ d'application du troisième alinéa de l'article 17 de la loi du 12 juillet 2010 selon lequel la prise en compte des nouvelles dispositions de la loi, au nombre desquelles figurent l'abrogation de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme et la création de l'article L. 122-1-9 du même code, devait être opérée par élaboration ou révision, et au plus tard le 1er janvier 2016. La mise en oeuvre de ces dispositions ne pouvait se limiter au seul document d'aménagement commercial alors qu'elle nécessitait l'adoption préalable ou concomitante d'un document d'orientation et d'objectifs dont le document d'aménagement commercial constitue un élément obligatoire, et imposait donc qu'il soit procédé par la voie d'une procédure de révision.

21. Si les dispositions transitoires laissaient ouverte la possibilité que les SCOT approuvés avant la date du 12 janvier 2011 intègrent un document d'aménagement commercial par la voie de la modification, en faisant application des dispositions antérieures de l'article L. 122-1, en tout état de cause, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 752-1 II du code de commerce, applicables au litige, que le document d'aménagement commercial avait alors pour seul objet de définir des zones d'aménagement commercial et de fixer des orientations et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales à l'intérieur de ces zones. Aucune disposition n'autorisait ce document à fixer de telles orientations et de tels objectifs en dehors des zones d'aménagement commercial. Or, le document d'aménagement commercial comporte une partie 3 titrée " les objectifs et les orientations d'aménagement commercial " qui dispose que la construction de locaux commerciaux se réalisera dans les centralités ou dans les zones d'aménagement commercial, limite les extensions de commerces situés en dehors des centralités et des zones d'aménagement commercial à un seuil de 10 % de la surface de plancher existante, et interdit les implantations de commerces de moins de 300 m² de plancher en dehors des centralités. Contrairement à ce que soutient le PETR du Pays Marennes Oléron, ces objectifs ne constituent pas la simple contrepartie logique de la définition de localisations préférentielles dans les zones d'aménagement commercial, mais des orientations propres, en dehors de ces zones, qui en particulier définissent dans quelles conditions les commerces existants sont susceptibles de faire l'objet d'une extension, compte tenu d'un seuil exprimé en pourcentage et en plafond de surface. En conséquence, et sans que puisse influer la circonstance que le rapport de compatibilité existant entre les plans locaux d'urbanisme et le SCOT serait dépendant des contraintes juridiques et géographiques qui s'imposent audit schéma, le document d'aménagement commercial excède le contenu qui lui était assigné par l'article L. 752-1 II du code de commerce alors applicable. Ce vice entache d'illégalité les délibérations du 4 juillet 2013 et emporte leur annulation, ainsi que par voie de conséquence, celle du refus d'abroger la délibération approuvant le SCOT modifié.

22. Le document d'aménagement commercial intégré au SCOT comporte une orientation selon laquelle " la construction de locaux commerciaux doit se réaliser dans les centralités ou dans les zones d'aménagement commercial ". Il ajoute que " dans le cas de commerces implantés en dehors des centralités et des zones d'aménagement commercial au moment de l'adoption du document d'aménagement commercial, la commercialité reste acquise. En revanche, leurs extensions sont limitées et doivent permettre une amélioration de l'existant ". Il fait état également de ce que sur les zones d'activités existantes, le changement de destination d'un bâtiment en vue de devenir un commerce est proscrit sauf s'il s'agit d'une cellule commerciale de moins de 300 m² adossée à une activité de production. Il pose enfin des prescriptions d'implantation obligatoire dans les centralités des nouveaux commerces de moins de 300 m², avec des mécanismes dérogatoires pour ceux dont la surface serait comprise entre 150 et 300 m². Ainsi, en sus d'excéder son champ d'application, il ressort de ces indications que le document d'aménagement commercial définit des objectifs pour les secteurs situés en dehors des zones d'aménagement commercial, qui présentent, compte tenu de leur précision, nonobstant les particularités géographiques de l'île d'Oléron, le caractère de dispositions impératives excédant la portée normative des schémas de cohérence territoriale dans leur conception antérieure à la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, et interférant avec le contenu des plans locaux d'urbanisme ou avec les compétences dévolues aux commissions d'aménagement commercial. Ainsi, la commune de Château d'Oléron est fondée à soutenir que la partie 3 du document d'aménagement commercial adopté par la délibération n° 2013(4)-101 du 4 juillet 2013 et intégré au SCOT comportait des dispositions méconnaissant l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme.

23. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible de fonder l'annulation des délibérations attaquées.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le PETR du Pays Marennes Oléron n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit aux demandes de la commune du Château d'Oléron et de la société Alliancim.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

25. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de mettre à la charge d'aucune des parties les sommes demandées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du Pôle d'équilibre territorial et rural du Pays Marennes Oléron est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune du Château d'Oléron sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Pôle d'équilibre territorial et rural du Pays Marennes Oléron, à la commune du Château d'Oléron et à la SARL Alliancim.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 16BX01337, 16BX01338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01337,16BX01338
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-006 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Schémas de cohérence territoriale.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET SALES TESTU HILL HENRY-GABORIAU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-28;16bx01337.16bx01338 ?
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