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13/12/2018 | FRANCE | N°16BX03152

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 16BX03152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 août 2014 par lequel le maire de la commune de Suhescun, agissant au nom de l'Etat, a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la rénovation d'une maison d'habitation et d'un garage sur un terrain situé au lieu-dit Aldabeborda.

Par un jugement n° 1402552 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Pau a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

12 septembre 2016 et un mémoire enregistré le 30 mars 2018, le ministre du logement et de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 août 2014 par lequel le maire de la commune de Suhescun, agissant au nom de l'Etat, a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la rénovation d'une maison d'habitation et d'un garage sur un terrain situé au lieu-dit Aldabeborda.

Par un jugement n° 1402552 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Pau a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2016 et un mémoire enregistré le 30 mars 2018, le ministre du logement et de l'habitat durable demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 5 juillet 2016 ;

2°) de rejeter la demande de M.B....

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le motif relatif à l'absence de desserte du projet litigieux par le réseau public d'électricité et à la méconnaissance de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;

- le jugement est également irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir statué sur la demande de substitution de motif présentée par le préfet, tirée de ce que la construction est située dans les parties non urbanisées de la commune et méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 22 août 2014 ne méconnaît pas les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que la décision envoyée au pétitionnaire comportait bien le nom, le prénom, la qualité du maire et le cachet de la mairie et que celle produite en première instance comportait la signature de son auteur ;

- le projet d'habitation de M. B...est localisé à moins de 30 mètres de la parcelle cadastrée n° 39, où est exploité un élevage porcin, et ne pouvait donc être autorisé sans méconnaître les articles R. 111-2 et R. 111-3 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2016, M. B... représenté par Me C... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juillet 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques n° 2101-1, 2101-2, 2101-3, 2102 et 2111 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Terme,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 juin 2014, M. B...a présenté une demande de permis portant sur la reconstruction d'un bâtiment à usage d'habitation et la création d'un garage sur les parcelles cadastrées section C n° 12 et C n° 367 sur le territoire de la commune de Suhescun (Pyrénées-Atlantiques). Par arrêté du 22 août 2014, le maire de Suhescun a, au nom de l'État, refusé de délivrer cette autorisation. M. B...a formé un recours hiérarchique auprès du préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui a été rejeté par courrier du 7 octobre 2014. Le ministre de la cohésion des territoires relève appel du jugement du 5 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 22 août 2014 à la demande de M.B....

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi susvisée du 12 avril 2000 alors applicable : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Il ressort des pièces du dossier que l'original de l'arrêté attaqué du maire de la commune de Suhescun du 22 août 2014 comporte en caractères lisibles l'ensemble des mentions exigées par les dispositions ci-dessus rappelées. Dès lors, la circonstance que la copie de cette décision notifiée au pétitionnaire ne comporte pas de signature est sans incidence sur sa légalité, et le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes (...) ". D'autre part, aux termes de l'arrêté du 27 décembre 2013 susvisé dans sa rédaction applicable : " Définitions / (...) Au sens du présent arrêté, on entend par : / (...) " Bâtiments d'élevage " : les locaux d'élevage, les locaux de quarantaine, les couloirs de circulation des animaux, les aires d'exercice, de repos et d'attente des élevages bovins, les quais d'embarquement, les enclos des élevages de porcs en plein air (...). / " Annexes " : toute structure annexe, notamment les bâtiments de stockage de paille et de fourrage, les silos, les installations de stockage, de séchage et de fabrication des aliments destinés aux animaux, les équipements d'évacuation, de stockage et de traitement des effluents, les aires d'ensilage, les salles de traite, à l'exception des parcours (...) ". Aux termes de l'article 2.1. du même arrêté : " Les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à une distance minimale de : / 100 mètres des habitations ou locaux habituellement occupés par des tiers (...) / 2.1.1. Cas des élevages de porcs en plein air / La distance de 100 mètres du 2.1 est réduite à 50 mètres (...) ". Il résulte de ces dispositions que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.

4. Le ministre soutient que le tribunal ne pouvait annuler la décision attaquée en se fondant sur le motif que la construction litigieuse était séparée de la limite de la propriété située au Sud-Est sur la parcelle cadastrée section C n° 367 par une distance de 74 mètres, donc supérieure à celle imposée par les dispositions précitées, alors qu'elle n'est distante, à l'Ouest, que de trente mètres du point le plus proche de la parcelle cadastrée section C n° 39, également concernée par un permis de construire délivré le 26 mai 2014 pour la construction d'un abri dans le cadre de l'élevage porcin implanté sur la parcelle voisine. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un bâtiment d'élevage ou une de ses annexes, notamment un enclos, au sens des dispositions précitées serait autorisé à cet endroit ou à une distance du projet de M. B...qui le placerait à moins de 50 mètres de celui-ci. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier qu'un parcours est prévu à cet endroit, ceux-ci sont exclus de la définition des bâtiments et leurs annexes pour l'application des dispositions précitées. Par suite, le maire ne pouvait légalement se fonder sur le motif que la construction envisagée serait distante de moins de cinquante mètres des parcelles sur lesquelles devait être situé ce parcours pour refuser de délivrer le permis de construire.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

6. Si le ministre soutient que la construction projetée par M. B...est située à une distance n'excédant pas, en son point le plus proche, une trentaine de mètres de la partie Nord de la parcelle cadastrée section C n° 39, laquelle ainsi qu'il a été dit comprendra une partie du parcours en plein air d'un élevage porcin, il ressort des pièces du dossier que la fraction de cette parcelle qui est proche de celle de M. B...ne constitue qu'une faible portion de la superficie totale de l'exploitation concernée, qu'elle sera elle-même éloignée du bâtiment principal de cette exploitation et qu'elle est séparée du terrain de M.B..., selon les mentions non contredites de son recours hiérarchique, par un chemin rural de cinq à six mètres de large bordé d'arbres de six à huit mètres de hauteur procurant " une étanchéité physique et visuelle ". Par suite, compte tenu en outre du caractère essentiellement rural de la zone, le maire ne pouvait légalement se fonder sur ce motif pour s'opposer au projet de M.B....

7. Toutefois, en quatrième lieu, aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetées, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quel concessionnaire les travaux nécessaires à la desserte du projet pourront être exécutés ". Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Une modification de la consistance d'un des réseaux publics que ces dispositions mentionnent, notamment du réseau public de distribution d'électricité, ne peut être réalisée sans l'accord de l'autorité administrative compétente.

8. Or, il est constant qu'à la date du refus de permis de construire le 22 août 2014, le maire de la commune de Suhescun ne disposait d'aucun élément justifiant de la nature, du coût et des délais de réalisation des travaux d'extension et de renforcement du réseau public d'électricité nécessaire à la desserte du bâtiment en ruine dont M. B...prévoyait la rénovation. Ce dernier ne peut à cet égard utilement se prévaloir des courriers datés du mois de novembre 2016, postérieurs à la décision et au jugement, émanant du syndicat d'énergie des Pyrénées-Atlantiques et du maire de la commune portant sur les " travaux d'extension des réseaux électriques sur une longueur de 350 mètres ", soit en aérien soit en souterrain, leurs modalités de financement et le délai de réalisation estimé à six mois à compter de la délivrance du permis de construire. Par ailleurs, si M. B...se prévaut de la présence, constatée par un huissier de justice le 24 novembre 2014, d'un poteau électrique situé à proximité de la parcelle C 593 " permettant le raccordement de la ferme Uharte au réseau de distribution électrique " pour soutenir que sa propriété ne nécessiterait qu'un simple branchement à cet endroit, cette ligne électrique est implantée à près de 300 mètres de la parcelle d'assiette du projet et de tels travaux ne peuvent être regardés que comme des travaux d'extension du réseau. Dès lors, le maire pouvait régulièrement se fonder sur ce motif pour refuser de faire droit à la demande.

9. Enfin, le ministre soutient que le refus litigieux pouvait être également fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme. Au regard des éléments cités au point précédent, il y a lieu de statuer également sur ce motif. Aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " I.- En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seuls sont autorisés, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales (...) ".

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de M. B... n'est entouré que de parcelles ne supportant aucune construction, à l'exception d'un bâtiment isolé situé à une centaine de mètres au Sud, se situe dans une zone où la densité globale des constructions est très faible, et n'est pas desservi par les réseaux. Il se situe ainsi hors des parties actuellement urbanisées de la commune. D'autre part, si le terrain d'assiette du projet de M. B...supporte déjà une construction, il ressort également des pièces du dossier que ce bâtiment, dont le toit et les murs porteurs ont été partiellement détruits et qui est envahi par la végétation, est à l'état de ruine. Enfin, il ressort des pièces produites par le préfet devant le tribunal que le projet ne réhabilite pas la construction existante dans ses caractéristiques architecturales traditionnelles, mais porte sur une construction neuve. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que le projet ne pouvait en tout état de cause être légalement autorisé dès lors qu'il se situe en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner si le maire aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif tiré des incertitudes sur la desserte électrique du projet, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2014.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 5 juillet 2016 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...devant le tribunal et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la cohésion des territoires et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.

Le rapporteur,

David TERMELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 16BX03152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03152
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : GRANDCHAMP DE CUEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-13;16bx03152 ?
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