La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2018 | FRANCE | N°16BX03748

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 16BX03748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des suppléments de cotisations d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1401294, 1401295 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a

rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des suppléments de cotisations d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1401294, 1401295 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2016, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2016 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de faire droit à ses conclusions à fin de décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les recettes en espèces ont été enregistrées en comptabilité ; le mode de paiement ne suffit pas à conclure au caractère non probant de la comptabilité ; les factures sont classées en fonction de l'arrivée des marchandises et non en fonction de leur paiement ; le caractère provisoire de la comptabilité en 2008 s'explique par des problèmes de logiciel ; le livre de police des véhicules d'occasion ne prévoit pas de colonne permettant d'indiquer le prix de vente ; le cahier retraçant l'activité de vente de marchandise " stock fouille " tient lieu de brouillard de caisse ; les tickets de caisse étaient remis ; la réglementation n'impose pas d'émettre des factures pour les ventes d'appareils électroménagers ; c'est finalement à tort que sa comptabilité a été regardée comme non sincère et non probante ;

- la somme de 87 644 euros inscrite au passif du bilan en 2007 représente des avances consenties par un cousin, sous forme de plusieurs prêts successifs ; la réalité et la date de ces prêts est établie, quand bien même les contrats n'ont pas été déclarés ; les dettes ont été partiellement apurées ; la jurisprudence admet que les prêts familiaux ne soient pas très formalisés ; l'administration ne démontre pas que les dépôts de chèque considérés auraient une autre origine que celle indiquées ;

- l'administration ne démontre pas que la remorque achetée le 24 mai 2007 devait constituer un élément d'actif immobilisé, alors qu'elle avait vocation à être vendue ;

- s'agissant de 2008, l'administration a omis d'actualiser le bénéfice en recalculant la variation du stock et en déterminant la marge réalisée sur les véhicules intégrés dans les stocks à la fin de l'année 2007 et revendus ; le même raisonnement vaut pour les véhicules et pour les articles de solderie ;

- si les véhicules accidentés réglés à la compagnie d'assurance n'ont pas été portés en stocks, c'est qu'ils n'ont pas été non plus portés précédemment en charges déductibles ; leur inscription en stock doit être compensée par une inscription en charge d'un même montant ;

- aucune preuve du caractère imposable des trois sommes inscrites au compte courant de l'exploitant les 27 avril 2008, 16 septembre 2008 et 25 septembre 2008 n'est apportée ;

- une régularisation de l'écart entre le chiffre d'affaires déclaré et le chiffre d'affaires taxable a été effectuée en 2008 pour un montant de 53 175 euros ; la discordance est donc moindre qu'allégué par l'administration et la rectification en droits de taxe sur la valeur ajoutée ne peut excéder 10 083,18 euros ;

- les ventes de véhicules au profit de M. E...et de M. B...ont été comptabilisées et taxées en 2009, ce dont l'administration doit tenir compte si elle impose une taxation au titre de 2008, afin d'éviter une double taxation ;

- les factures de la société Ktorza produites sont régulières et permettent la récupération de la taxe y figurant ; il n'est pas normal que des rappels ait été notifiés à ce titre pour 2008 et pour 2009, alors que les livraisons n'ont été postées en comptabilité qu'en 2008 ;

- l'administration n'établit pas sa mauvaise foi.

Par un mémoire enregistré le 20 décembre 2016, le ministre de l'action et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- seuls ont pu être produits des tickets Z de fin de journée portant globalisation des ventes par famille de produits, soit une dizaine de codes distincts ; le cahier dont la copie a été présentée au stade contentieux ne mentionnait aucun détail, il s'agissait du simple report de ces données globales ; par ailleurs, pour la vente des véhicules d'occasion, la circonstance que les factures de ventes n'étaient pas émises lors de la transaction, l'absence de présentation du détail du stock d'entrée au 1er janvier 2007, l'omission des stocks de nombreux véhicules mis en exergue par la comptabilité matière, constituaient un faisceau d'indices concordants, permettant légitimement à l'administration de remettre en cause le caractère probant de la comptabilité ; la perception de recettes espèces pour une telle activité, comme l'absence de mention du prix de vente des véhicules sur le livre de police, a compliqué l'exercice du contrôle, empêchant l'établissement de toute correspondance entre les opérations comptabilisées et les éléments déclarés ; enfin, contrairement à ce qui est soutenu, c'est au requérant qu'il appartient de démontrer l'exagération des impositions supplémentaires, dans la mesure où ces dernières ont été rendues conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; dans ces conditions, 1'administration est parfaitement fondée à rejeter la comptabilité comme étant dénuée de toute valeur probante, au vu des nombreuses irrégularités constatées ;

- la réalité de la dette de 87 644 euros n'a nullement été établie par les tableaux produits, qui font état de différents emprunts auprès de différents organismes prêteurs, dont M. F...D..., depuis 1999 ; ces tableaux ne présentent aucune valeur probante, alors au demeurant que le montant du prêt allégué qu'aurait consenti M. F...D...n'a cessé de varier, sans qu'il ne soit justifié ; le requérant n'a produit aucune preuve ou commencement de preuve de la réalité de la dette, aucun contrat de prêt ou document valant reconnaissance de dette n'a été produit ; l'existence de prêts familiaux n'est donc pas établie, alors que la charge de la preuve incombe au contribuable ;

- à aucun moment le requérant n'a apporté la moindre preuve du fait que l'achat de la remorque aurait été effectué en vue d'une cession dans le cadre de son activité professionnelle ; en outre, cette acquisition est éloignée de l'activité de son entreprise, qui consiste à vendre des véhicules d'occasion et des articles de solderie ; de plus, ce bien ne figurait pas dans l'état des stocks ;

- il n'a jamais été établi par le requérant, que les véhicules omis dans le stock de sortie au 31 décembre 2007 auraient été cédés au cours de l'exercice clos en 2008 ; il ne peut donc utilement soutenir que l'administration aurait commis une erreur en s'abstenant de tirer les conséquences, sur le bénéfice de l'exercice clos en 2008, de la rectification du stock constaté au 31 décembre 2007 à laquelle elle a procédé ; de plus, dans la mesure ou l'exercice clos en 2009 n'a pas été vérifié, l'argumentation du requérant concernant le stock de l'année 2008 est également inopérante, car invérifiable ; enfin, il n'a jamais été établi que les véhicules non portés en stock n'avaient pas été précédemment inscrits en charges déductibles des exercices sur lesquels ils ont été acquis, faute de tout élément permettant un tel recoupement, au sujet des dates d'acquisition ;

- compte-tenu des indications apportées par M. D...dans le cadre du contrôle, selon lesquelles les sommes de 8 500 euros et 11 400 euros correspondaient à des cessions non comptabilisées et en l'absence de toute précision sur la remise du 27 avril 2008, l'administration était fondée à considérer que les recettes provenaient de l'activité professionnelle exercée ; le requérant, qui supporte la charge de la preuve, ne justifie toujours pas, à ce stade de la procédure, de la nature exacte des versements litigieux, ni de leur caractère non imposable ;

- la seule production de tableaux récapitulatifs des chiffres d'affaires de 2007 et 2008 ne permet pas d'établir que le requérant aurait procédé à une quelconque régularisation du chiffre d'affaires taxable ; l'examen des déclarations de TVA pour 2008 n'a révélé ni régularisation, ni excédent d'opérations imposables ; en outre, la circonstance qu'une régularisation des opérations imposables en 2007 aurait été opérée en 2008, à supposer qu'elle soit établie, n'est pas de nature à diminuer le rappel de taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2007 ;

- dès lors que la livraison et l'encaissement du règlement des véhicules en litige ont été réalisés en 2008, la taxe due sur la marge concernant la vente de ces véhicules doit se rattacher à ce même exercice ; à aucun moment le requérant n'a démontré que ces ventes auraient été comptabilisées en 2009, ni que la taxe aurait effectivement été déclarée en 2009 ; dans ces conditions, la double imposition alléguée, n'est pas démontrée ;

- s'agissant des livraisons Ktorza, contrairement à ce que soutient le requérant, la taxe sur la valeur ajoutée a bien été déduite à deux reprises en 2008 et en 2009, comme l'a précisément révélé l'examen du compte 4456 lors du contrôle ; en outre, le requérant s'est abstenu de produire ce compte ; les copies des factures présentées par le requérant font état de dates d'émission différentes de celles présentées lors du contrôle, sans qu'aucune explication n'ait été apportée sur ce point ; le requérant avait indiqué lui-même lors du contrôle que le matériel était livré de Roumanie, et s'il le conteste désormais, il ne produit aucune pièce de nature à justifier d'un lieu de départ différent ; en tout état de cause, dès lors que les factures émises par l'entreprise roumaine ne comportaient aucune mention de son identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France, elle n'était pas autorisée à faire figurer la taxe sur ces factures ;

- les agissements litigieux sont importants et répétés, qu'il s'agisse de la tenue de la comptabilité et des stocks, de l'encaissement des recettes, et des modalités de déclaration et de reversement de la TVA collectée et déductible ; le requérant, qui exerce cette activité depuis de nombreuses années et qui a fait l'objet de plusieurs contrôles au cours desquels ces règles lui ont été rappelées à plusieurs reprises, ne pouvait ignorer les dispositions applicables ; en persistant dans ces agissements depuis plusieurs années, le requérant savait parfaitement qu'il minorait sciemment l'imposition due, dans l'unique but de tenter de s'y soustraire ; l'administration apporte ainsi la preuve du caractère délibéré des manquements constatés et c'est donc à bon droit que la pénalité correspondante a été appliquée.

Par une ordonnance du 5 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 16 octobre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., qui exerce sous la forme d'une entreprise individuelle une double activité de solderie, à l'enseigne " Stockfouille ", et de garage, réparation, casse et vente de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, étendue au 31 décembre 2009 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Le vérificateur a regardé la comptabilité présentée comme dépourvue de caractère probant, et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise pour la période vérifiée. Il en est résulté des rappels d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. M. D...relève appel du jugement du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rehaussements, ainsi que des pénalités y afférentes.

Sur le caractère non probant de la comptabilité et la charge de la preuve :

2. Il résulte de l'instruction que, lors du contrôle, le vérificateur a constaté que les recettes de l'activité de solderie étaient enregistrées globalement en fin de journée. Si M. D...fait valoir qu'il a présenté des tickets de caisse et que le cahier retraçant cette activité tenait lieu de brouillard de caisse, il apparaît que seuls ont été produits des tickets Z de fin de journée globalisant les ventes par familles de produits, et que le cahier produit par le requérant se borne à reprendre ces données globales sans davantage de détails. Cette seule circonstance suffisait, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, à permettre à l'administration de regarder la comptabilité de cette activité comme dépourvue de caractère probant. S'agissant de l'activité de garage et vente de véhicules d'occasion, il résulte également de l'instruction que les véhicules entrés en stock selon le livre de police n'étaient pas toujours comptabilisés, que ce livre ne retraçait pas le prix de vente des véhicules, que les factures de ventes n'étaient pas systématiquement émises au moment de la transaction alors que les encaissements avaient été effectués, que la comptabilité produite pour 2008 présentait un caractère provisoire, que des véhicules vendus à des clients étrangers étaient réglés en espèces et que deux véhicules ont donné lieu à des doubles comptabilisations de factures. La réalisation d'une comptabilité matière a par ailleurs mis en évidence l'omission de nombreux véhicules en stock. Au vu de l'ensemble des irrégularités comptables ainsi relevées, et sans que M. D...puisse valablement invoquer un dysfonctionnement - non établi - du logiciel comptable en 2008 ou encore la circonstance que le livre de police ne comportait pas de colonne lui permettant l'inscription des prix de vente, le vérificateur a pu à bon droit regarder la comptabilité présentée comme non probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité.

3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la comptabilité présentée par M. D...était entachée de graves anomalies et, d'autre part, que les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu le 18 mars 2011. En conséquence, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient au requérant, contrairement à ce qu'il soutient, d'apporter la preuve que les montants imposés sont exagérés.

Sur les rappels en matière de bénéfices industriels et commerciaux :

5. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous la déduction de toutes charges (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) ". Selon l'article 38 nonies de l'annexe III au même code : " Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient, qui s'entend : a. Pour les biens acquis à titre onéreux, du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des frais de transport, de manutention et autres coûts directement engagés pour l'acquisition des biens et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies ". Enfin, aux termes de l'article 38 decies de la même annexe : " Si le cours du jour à la date à la date de l'inventaire des marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, produits intermédiaires, produits finis et emballages commerciaux perdus en stock au jour de l'inventaire est inférieur au coût de revient défini à l'article 38 nonies, l'entreprise doit constituer, à due concurrence, des provisions pour dépréciation ".

6. En premier lieu, M. D...soutient que la somme de 87 644 euros inscrite au compte 168000 " Autres emprunts et dettes assimilées " figurant au passif des bilans clos en 2007 et 2008 correspond au reliquat d'un prêt consenti par un cousin et restant à rembourser. Toutefois, et quand bien même la jurisprudence admet que les prêts familiaux ne soient pas strictement formalisés, le requérant, qui n'a produit aucun contrat de prêt ou reconnaissance de dette, n'établit pas que cette somme présenterait en l'espèce le caractère d'un prêt susceptible de justifier l'inscription de la dette correspondante au passif comptable en se bornant à produire des tableaux récapitulatifs d'emprunts, dont les montants, en ce qui concerne la ligne " DominiqueD... ", n'ont cessé de fluctuer depuis 1998, sans qu'aucune preuve d'encaissement de chèques ou de remboursements correspondants ne soit fournie.

7. En deuxième lieu, si le requérant soutient que la remorque achetée le 24 mai 2007 pour la somme de 2 016 euros avait vocation à être revendue à la clientèle, il ne l'établit pas alors que ce bien, qui ne correspond pas aux marchandises habituellement vendues dans le cadre de l'activité mais pouvait en revanche être utile à celle-ci, n'a pas été comptabilisé en stock. C'est donc à bon droit que le vérificateur a estimé que l'acquisition de cette remorque ne pouvait constituer une charge déductible mais devait figurer à l'actif immobilisé de l'entreprise.

8. En troisième lieu, le vérificateur a constaté que, alors qu'aucune provision pour dépréciation de stock n'a été comptabilisée, 43 véhicules achetés par l'entreprise pour une valeur de 74 493 euros, figurant à son stock d'ouverture de l'exercice clos en 2007, n'ont pas été valorisés dans le stock de sortie comptabilisé au 31 décembre, au motif, selon le contribuable, qu'ils avaient une valeur marchande nulle et étaient destinés à la casse. De même, en 2008, plusieurs véhicules achetés pour un montant total de 81 187 euros ont été inscrits dans les stocks en fin d'exercice pour une valeur très inférieure à leur prix d'achat. Or, il est apparu que beaucoup de ces véhicules ont été proposés à la vente pour des valeurs très supérieures à leur prix d'achat. Le requérant, s'il soutient que l'administration a commis une erreur en s'abstenant de tirer les conséquences, au niveau du bénéfice de l'exercice clos en 2008, de la rectification du stock constaté au 31 décembre 2007, n'établit nullement que les véhicules omis dans le stock de sortie au 31 décembre 2007 auraient été cédés au cours de l'exercice clos en 2008. Cette preuve n'est pas davantage apportée en ce concerne les véhicules repris dans le stock au 31 décembre 2008.

9. En quatrième lieu, la comptabilité matière réalisée au titre de 2008 a mis en évidence l'omission de véhicules dans le stock de sortie, pour un montant total de 88 171 euros, et le défaut de valorisation de marchandises de solderie dans l'inventaire initial, au titre du même exercice, pour un montant de 48 768 euros. Là encore, M.D..., en se bornant à soutenir, sans aucune précision ni justification, que le vérificateur n'aurait pas tenu compte de la variation des stocks et du calcul des marges réalisées sur les ventes effectuées, n'établit pas que c'est à tort que l'administration a repris les marchandises dans les stocks pour les montants des omissions constatées. S'il soutient que certains des véhicules concernés étaient des véhicules accidentés vendus par la compagnie d'assurance Macif, dont la propriété ne lui avait pas encore été transférée mais qu'il n'avait par ailleurs pas portés en charge déductibles, comme il aurait été fondé à le faire, il n'apporte sur ce point aucun élément justificatif.

10. Enfin, alors qu'il supporte la charge de la preuve, ainsi qu'il a été dit, le requérant ne conteste pas valablement la réintégration par l'administration, dans le chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2008, de sommes de 1 578 euros, 8 500 euros et 11 400 euros correspondant à des apports constatés sur le compte de l'exploitant, en faisant valoir qu'il n'est pas justifié par l'administration que ces recettes proviendraient de l'activité professionnelle, alors au demeurant qu'il a lui-même admis lors de la réunion de synthèse du 20 mai 2010 que les deux dernières de ces sommes avaient pour origine des cessions de véhicules non comptabilisés.

Sur les rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée :

11. En premier lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 266 de ce code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ". Et aux termes de l'article 269 de ce code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b, c, d et e du 1, lors de la réalisation du fait générateur ; (...) ".

12. Il résulte de l'instruction que le vérificateur, pour déterminer le chiffre d'affaires taxable pour 2007, a procédé distinctement à la reconstitution des chiffres d'affaires afférents aux véhicules d'occasion vendus en France, aux véhicules ayant fait l'objet d'une livraison intra-communautaire, aux cessions au titre d'exportations dont la réalité n'avait pas été justifiée, aux ventes qualifiées de brocante, et aux ventes de marchandises et de pièces détachées. Il a rapproché le chiffre d'affaires ainsi reconstitué du montant total mentionné sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites par le contribuable, en prenant en considération une régularisation sur exercice antérieur dûment justifiée. La discordance constatée a été regardée comme une omission de déclaration d'opérations imposables, réintégrée dans la base taxable.

13. Pour contester le rappel de taxe en résultant, M. D...soutient que la discordance pour 2007 a été spontanément régularisée par l'entreprise au cours des mois de juin à novembre 2008, à hauteur de 53 175 euros. Cependant, il n'en justifie pas par la seule production de tableaux récapitulatifs des chiffres d'affaires pour 2007 et 2008, d'un extrait du compte de résultat de ces mêmes exercices et de tableaux présentant le chiffre d'affaires mentionné sur les déclarations CA3, alors que l'administration fiscale fait valoir que le chiffre d'affaires imposable pour 2008 s'est établi à 300 926 euros pour un chiffre d'affaires déclaré quasiment identique, de 299 265 euros.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 297 A du code général des impôts : " I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ".

15. M. D...a cédé le 20 décembre 2008 un véhicule de type Camping Car Rapido pour un montant de 14 500 euros et la facture de vente correspondante a été émise le 17 mars 2009. Un autre véhicule, de type Peugeot 206, a été cédé au cours de l'année 2008 pour un montant de 3 100 euros et la facture a été également émise en 2009. En vertu des dispositions précitées de l'article 297 A du code général des impôts, le vérificateur a calculé la taxe sur la valeur ajoutée due sur la marge au titre de l'exercice clos en 2008, au cours duquel les deux véhicules ont été livrés. Le requérant soutient que ces ventes auraient fait l'objet d'une double imposition dès lors qu'elles ont été comptabilisées en 2009, mais les pièces justificatives qu'il produit faisant état de la comptabilisation de ces ventes au compte 70 ne permettent pas d'établir qu'il aurait effectivement déclaré la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au titre de l'année 2009. Par conséquent, la double imposition n'est pas démontrée, ainsi que l'a estimé le tribunal, et le moyen doit être écarté.

16. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : (...) a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ".

17. Le vérificateur a remis en cause une double récupération de taxe sur la valeur ajoutée par M.D..., pour des montants de 3 466 euros et 1 960 euros, une première fois au titre de 2008 sur la base de deux bons de commande d'achat de produits électroménagers émis par la société Ktorza en date des 23 septembre 2008 et 28 novembre 2008, et une seconde fois en 2009 sur la base de deux factures émises pour des montants identiques, le 30 avril 2009, par une entreprise roumaine Banania Market International. Le vérificateur a retenu que les bons de commande présentés au titre de 2008 ne s'apparentent pas à des factures en bonne et du forme et qu'ils ont été émis par une personne non habilitée à facturer cette taxe et, s'agissant de 2009, que les factures produites, outre qu'elles correspondent à la même opération que les bons de commande de 2008, émanent d'un fournisseur agissant dans le cadre d'une livraison intra-communautaire, non habilité à facturer la taxe sur la valeur ajoutée.

18. M. D...fait valoir qu'il est en possession, s'agissant de l'opération considérée, de factures régulières à l'en-tête de la société Banania Market International en date du 28 novembre 2008, et qu'il n'est pas démontré qu'elles correspondent à des livraisons intracommunautaires. Il ressort toutefois des mentions de la proposition de rectification du 31 mai 2010 que le contribuable a lui-même, dans le cadre du débat oral et contradictoire, précisé que l'opération correspondait à une livraison de matériel en provenance de Roumanie, arrivé à destination en très mauvais état. Ainsi, que ce soit au titre de 2008 ou de 2009, le requérant n'était en toute hypothèse pas en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée figurant à tort sur des factures d'acquisitions intracommunautaires.

Sur les pénalités :

19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indument obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

20. L'administration fiscale fait valoir que M. D...a déjà fait l'objet de quatre contrôles antérieurs, aux termes desquels des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés, qu'il ne pouvait ignorer ses obligations en matière de comptabilité, de tenue de stocks, d'encaissements de recettes, ainsi que ses obligations en matière de déduction et collecte de taxe sur la valeur ajoutée. Ce faisant, compte tenu du caractère réitéré de ces manquements, elle rapporte la preuve du caractère délibéré des manquements constatés en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée. C'est donc à bon droit qu'elle a assorti les rappels litigieux de la pénalité prévue par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme dont M. D...sollicite le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

M. David Katz, premier conseiller,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le premier conseiller,

David KATZLe président-rapporteur,

Laurent POUGETLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX03748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03748
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL ARNAUD - FORESTAS - ROBIN ROQUES SFP

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-20;16bx03748 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award