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30/07/2019 | FRANCE | N°17BX04148

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 30 juillet 2019, 17BX04148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a implicitement refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1505257 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2017, Mme A...C..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen

t du tribunal administratif de Bordeaux du 7 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a implicitement refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1505257 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2017, Mme A...C..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a implicitement refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle du 6 août 2015 ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme globale de 33 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de ce refus ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime d'actes répétés, constitutifs de harcèlement moral et de voie de fait, de la part du chef de l'établissement scolaire dans lequel elle exerçait ;

- ces faits de harcèlement moral ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et l'ont conduite à être placée à plusieurs reprises depuis 2010 en congé de maladie ;

- l'administration aurait dû mettre en oeuvre des mesures de protection fonctionnelle pour mettre fin au harcèlement moral et aux voies de fait qu'elle subissait, de sorte que le refus implicite litigieux est illégal ;

- l'abstention de l'administration est fautive et si, compte tenu de son départ en retraite au 1er janvier 2018, une mesure de protection fonctionnelle n'a plus d'utilité, elle doit être indemnisée des préjudices, notamment moral, qu'elle a subis pendant les cinq dernières années d'exercice de ses fonctions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2018, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi nº 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi nº 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., en fonctions en qualité d'adjointe d'enseignement au collège

Saint-Louis-Sainte-Thérèse de Bordeaux, établissement d'enseignement privé sous contrat d'association avec l'État, a saisi le 10 août 2015 le recteur de l'académie de Bordeaux d'une demande de protection fonctionnelle au motif qu'elle s'estimait victime de faits de harcèlement moral de la part de son chef d'établissement. Cette demande a été implicitement rejetée par le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative. Mme C...relève appel du jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite ainsi que ses conclusions tendant à être indemnisée des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ce harcèlement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi nº 83-634 du 13 juillet 1983: " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. Mme C...soutient avoir été victime d'actes répétés, constitutifs de harcèlement moral et de voie de fait, de la part du chef de l'établissement scolaire dans lequel elle exerçait, en premier lieu, par les reproches et critiques que ce dernier lui adressait pour la discréditer, notamment en septembre 2009 dans la mise en oeuvre du projet " poids plume ", en juillet 2012 au regard d'absences pourtant justifiées, en février 2014 et juin 2015 dans l'exercice de ses fonctions de trésorière du comité d'entreprise, en deuxième lieu, par l'évolution négative de l'appréciation générale portée à sa notation administrative pour l'année scolaire 2013/2014 pour un prétendu manque d'investissement dans le projet pédagogique numérique alors qu'elle ne disposait ni du matériel informatique nécessaire, ni de la formation requise, en troisième lieu, par une attitude cherchant à susciter des reproches de parents d'élèves à son égard, et, en dernier lieu, par une différence de traitement avec les autres enseignants alors qu'elle a notamment été la seule concernée par la prévision d'une diminution, non compensée, de son volume de travail de quatre heures hebdomadaire pour la rentrée de septembre 2011.

5. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que les critiques et reproches dont Mme C...a fait l'objet auraient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir dévolu à un chef d'établissement scolaire, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre du projet " poids plume ", qui avait été adopté en juillet 2008, lorsqu'elle a demandé la constitution d'un classeur propre à sa matière, contraire à ce projet consistant pour l'élève à ne transporter dans son cartable qu'un seul classeur avec des intercalaires comprenant, pour chaque discipline, les cours du moment ou indispensables durant toute l'année scolaire, ou encore en ce qui concerne les absences de l'intéressée lors de journées " portes ouvertes ".

6. Si l'appelante se prévaut également de ce que, lors de sa notation administrative au titre de l'année scolaire 2013-2014, le chef d'établissement a mentionné qu'un " manque d'adhésion et d'investissement à notre projet numérique, partie intégrante de notre projet d'établissement, est cependant fort regrettable ", cette appréciation littérale, qui n'est au demeurant pas contredite par les pièces du dossier, s'accompagnait de la note chiffrée maximale de 40 sur 40, identique d'ailleurs à la note maximale proposée pour Mme C...par le même chef d'établissement chaque année depuis l'année scolaire 2009/2010 avec une appréciation littérale très favorable.

7. Par ailleurs, la double circonstance que le chef d'établissement ait, lors d'un conseil d'établissement réuni le 6 janvier 2015, sollicité un représentant des parents d'élèves pour connaître si les problèmes évoqués tenant à l'absence d'information sur l'espace numérique de travail qui affectaient la discipline du français se rencontraient également dans la discipline de l'anglais enseignée par l'intéressée et ait invité ce représentant à se rapprocher de cette dernière pour lui faire part d'un éventuel mécontentement ne peut être constitutive de faits de harcèlement moral, comme ne peut pas l'être davantage la circonstance que le chef d'établissement ait prévu de mentionner le service non fait par l'enseignante lors d'une journée de grève à laquelle elle avait participé.

8. Enfin, si Mme C...invoque la circonstance que, lors de la fermeture de classes à la rentrée scolaire 2011-2012, le chef d'établissement a refusé de compenser sa perte d'heures de travail consécutive par un enseignement complémentaire en histoire-géographie, il n'est pas contesté que l'intéressée a finalement obtenu cette compensation horaire, avant de disposer l'année scolaire suivante d'un service de 18 heures en enseignement de l'anglais.

9. Dans ces conditions, les faits allégués par Mme C...ne peuvent être regardés comme caractérisant un harcèlement moral. La circonstance qu'elle ait été placée en congé de maladie à la fin du mois de novembre 2014 en raison d'un " épuisement professionnel " n'est pas de nature à infirmer cette analyse. En refusant de faire droit à la demande de Mme C...d'une mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, le recteur n'a, dès lors, pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus litigieuse et, par voie de conséquence de l'absence d'illégalité fautive, sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande Mme C...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et au collège Saint Louis Sainte Thérèse.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juillet 2019.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX04148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX04148
Date de la décision : 30/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL HONTAS et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-30;17bx04148 ?
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