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09/01/2020 | FRANCE | N°19BX02299

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 09 janvier 2020, 19BX02299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, l'arrêté du 22 janvier 2019 par lequel ledit préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1900262 du 24 janvier 2019 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, l'arrêté du 22 janvier 2019 par lequel ledit préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1900262 du 24 janvier 2019 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil une somme de 2 000 euros le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 16 octobre 2018 ne sont pas tardives ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé, est intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L.121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle :

- l'avis du collège de médecins n'a pas été rendu de façon collégiale, comporte une signature illisible et ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour lui refuser un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

- l'arrêté litigieux a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que celle de l'article L. 313-14 du même code et les stipulations des article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle est fondée à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2019, le préfet de Tarn-et-Garonne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles

R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante de la République démocratique du Congo, est née le 5 octobre 1982. Par deux arrêtés des 16 octobre 2018 et 22 janvier 2019, le préfet de Tarn-et-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a assignée à résidence. Elle demande à la cour d'annuler le jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, il est suffisamment motivé au regard de dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, il résulte de cette motivation que le préfet a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressée.

3. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français selon le délai qui lui est prescrit. Dès lors, Mme E... ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce code, à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination.

4. En troisième lieu, il ne résulte d'aucune disposition, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.

5. En quatrième lieu, il résulte des mentions figurant sur l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII du 20 juin 2018, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que cet avis a été rendu à l'issue une délibération collégiale. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis dont s'agit n'aurait pas été rendu à l'issue d'un délibéré collégial, en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, doit être écarté.

6. En cinquième lieu, l'avis de ce collège comporte le nom, le prénom et la signature des trois médecins qui le composaient. Par suite, l'appelante ne peut pas utilement faire valoir que l'une de ces signatures serait illisible.

7. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de l'arrêté litigieux, que le préfet de Tarn-et-Garonne se serait considéré, à tort, en situation de compétence liée pour refuser de délivrer à Mme E... un titre de séjour en raison de l'état de santé de sa fille Thérèse. En outre, l'appelante ne produit aucun élément permettant de considérer que sa fille est, comme elle le soutient, gravement malade et ne pourra accéder à un traitement adapté à son état de santé en République démocratique du Congo.

8. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. L'appelante soutient qu'elle réside habituellement en France depuis le 11 décembre 2014, qu'elle y dispose d'attaches stables, intenses et anciennes et qu'elle est bien insérée dans la société française. Toutefois, elle ne produit, à l'appui de ces diverses allégations, qu'une attestation faisant état de son activité bénévole au sein du Secours populaire. En outre, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident toujours ses parents ainsi qu'une de ses soeurs. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est protégé par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, et pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que cet arrêté aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou celles de l'article L. 313-14 du même code ou qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

10. En huitième lieu, pour les mêmes motifs, et dès lors que rien ne s'oppose à ce que les enfants de l'appelante l'accompagnent dans son pays d'origine et qu'il n'est ni établi ni même soutenu qu'ils ne pourraient y poursuivre leur scolarité, Mme E... n'est pas non plus fondée à soutenir que cet arrêté a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. En neuvième lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelante ne peut se prévaloir de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour pour demander l'annulation des décisions subséquentes.

12. En dixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté litigieux, que le préfet de Tarn-et-Garonne se serait considéré, à tort, en situation de compétence liée pour fixer à trente jours le délai de départ volontaire.

13. En onzième et dernier lieu, si l'appelante soutient qu'elle risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo, elle ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation alors, au demeurant, que tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile ont refusé de lui accorder l'asile.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du 16 octobre 2018. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme F..., présidente-assesseure,

M. A... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 janvier 2020.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°19BX02299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX02299
Date de la décision : 09/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL SYLVAIN LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-09;19bx02299 ?
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