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04/02/2020 | FRANCE | N°18BX00339

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 février 2020, 18BX00339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... et I... K... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler le permis de construire délivré le 8 juin 2016 par le maire de la commune du Gosier à Mme J....

Par un jugement n° 1601121 du 26 octobre 2017, le tribunal a rejeté leur demande comme irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 janvier 2018, le 14 juin 2019, le 10 septembre 2019 et le 10 octobre 2019, M. E... F... et

Mme I... K..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 16...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... et I... K... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler le permis de construire délivré le 8 juin 2016 par le maire de la commune du Gosier à Mme J....

Par un jugement n° 1601121 du 26 octobre 2017, le tribunal a rejeté leur demande comme irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 janvier 2018, le 14 juin 2019, le 10 septembre 2019 et le 10 octobre 2019, M. E... F... et Mme I... K..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1601121 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) d'annuler le permis de construire du 8 juin 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Gosier la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas le mémoire en défense de la commune du Gosier qui opposait une fin de non-recevoir tirée de leur défaut d'intérêt à agir.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande de première instance, que :

- en leur qualité de voisins immédiats du terrain d'assiette du projet, leur intérêt à agir est présumé en vertu de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; aucun élément ne permet de renverser cette présomption, d'autant que les travaux de construction nécessitent le défrichement d'un espace boisé et qu'ils auront une vue directe sur la future habitation.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité du permis de construire, que :

- le dossier de permis de construire n'est pas composé conformément à l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme car il ne précise pas la végétation existante sur le terrain d'assiette du projet ni les éléments paysagers présents ;

- le permis de construire a été délivré au vu d'informations erronées du dossier de demande ; contrairement à ce qu'il est indiqué dans le dossier de demande, le terrain d'assiette est en forte déclivité et est dépourvu de clôtures ;

- le permis de construire ne pouvait être délivré sans une autorisation de défrichement prise préalablement en vertu de l'article L. 341-3 du code forestier et de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme ;

- le plan local d'urbanisme communal a été annulé par la cour d'administrative d'appel de Bordeaux par un arrêt du 29 mai 2019 ; cette annulation doit entraîner l'annulation par voie de conséquence du permis de construire en litige ; en application de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, dans sa version antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, cette annulation fait revivre le document d'urbanisme immédiatement antérieur ; il s'avère que le permis en litige, qui porte sur une maison d'habitation, ne pouvait être délivré sur un terrain situé en zone classée NC sous l'empire du plan d'occupation des sols ; à supposer que les dispositions de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, issues de la loi du 23 novembre 2018, s'appliquent, il y a lieu de relever que l'annulation du plan local d'urbanisme a été prononcée pour un motif qui n'est pas étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet ; dans ces conditions, le permis de construire doit être annulé par voie de conséquence ;

- le permis de construire méconnait l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme communal car la construction autorisée ne respecte pas le caractère et l'intérêt des lieux avoisinants ;

- le permis de construire méconnait l'article 11 du plan local d'urbanisme car il ne conserve pas les plantations existantes sur le terrain d'assiette du projet et, à tout le moins, ne prévoit pas de les remplacer ;

- les travaux autorisés par le permis de construire auraient dû être précédés d'une déclaration au titre de la loi sur l'eau.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2018, Mme J..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la requête pour absence d'intérêt à agir ; la construction projetée n'aura aucune incidence sur les conditions d'habitation des requérants ; le terrain d'assiette du projet n'est pas non plus immédiatement voisin de leur propriété ; la construction projetée est de taille modeste.

Elle soutient, au fond, que :

- les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 juin 2019, le 10 septembre 2019 et le 10 octobre 2019, la commune du Gosier, représentée par Me B..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que la cour prononce un sursis à statuer dans l'attente du dépôt d'un permis de construire de régularisation ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le moyen soulevé n'est pas assorti des éléments de fait permettant de le conforter.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- le terrain d'assiette du projet est séparé de la propriété des requérants, laquelle est entourée de constructions ; l'atteinte à la biodiversité et à l'environnement alléguée par les requérants n'est pas de nature à leur conférer un intérêt à agir.

Elle soutient, au fond, que :

- les moyens soulevés doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 10 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée le 10 octobre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L... C...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. F... et Mme K..., et de Me B..., représentant la commune de Le Gosier.

Des notes en délibéré présentées pour M. F... et Mme K... ont été enregistrées les 8 et 22 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 juin 2016, le maire du Gosier a délivré à Mme J... un permis de construire une maison d'habitation d'une surface de plancher de 84 m2 sur la parcelle cadastrée section BP n° 1247 située à Bellevue. M. F... et Mme K... ont demandé au tribunal administratif de La Guadeloupe d'annuler ce permis de construire. Ils relèvent appel du jugement rendu le 26 octobre 2017 par lequel le tribunal a rejeté leur demande comme irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'unique mémoire en défense de la commune du Gosier, enregistré au greffe du tribunal le 27 juin 2017, n'a pas été communiqué à M. F... et Mme K.... Ce mémoire opposait pourtant une fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des requérants à l'encontre du permis de construire, laquelle n'avait pas été soulevée dans les écritures de l'autre défendeur, Mme J.... Ainsi, le contenu du mémoire de la commune appelait une discussion de la part des requérants de première instance et il appartenait au tribunal de le communiquer dès lors que son jugement a accueilli la fin de non-recevoir opposée. Il s'ensuit que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et que les appelants sont fondés à en demander l'annulation.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par M. F... et Mme K... devant le tribunal administratif.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

6. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Enfin, eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

8. Il ressort des pièces du dossier que la propriété de M. F... et de Mme K..., située sur la parcelle cadastrée section BP n° 964, est séparée du terrain d'assiette du projet par une voie de circulation. Il existe également un décalage entre la propriété des requérants et le terrain d'assiette du projet, situé un peu plus au sud, de sorte que les deux propriétés ne se trouvent pas en face l'une de l'autre.

9. Pour justifier leur intérêt à contester le permis de construire, M. F... et Mme K... font valoir que la réalisation du projet porte atteinte au caractère boisé des lieux avoisinants et engendrera un surcroît de circulation automobile. Toutefois, le permis en litige porte sur un projet de dimensions modestes, soit une maison d'une surface de plancher de 84 m2, qui occupe moins de 10 % de la superficie du terrain d'assiette. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, par lui-même, le permis délivré serait susceptible de porter atteinte au caractère naturel du boisement situé en face de la demeure des requérants, laquelle est pour sa part entourée partiellement de constructions formant le lotissement " les Deux Sources ". Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la circulation engendrée par le nouveau projet entraînerait des nuisances particulières, notamment sonores, pour M. F... et Mme K..., ni que la future construction, dont seule une partie présente une hauteur maximale de 5,25 mètres, serait visible depuis la propriété de ces derniers dans des conditions susceptibles de porter atteinte aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien. Enfin, M. F... et Mme K... ne font état d'aucune autre considération précise susceptible de justifier leur intérêt à contester le permis en litige au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 précité du code de l'urbanisme.

10. Il résulte de ce qui précède que M. F... et Mme K... ne sont pas recevables à contester le permis de construire du 8 juin 2016 délivré par le maire du Gosier à Mme J....

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de M. F... et Mme K... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune du Gosier et non compris dans les dépens. M. F... et Mme K... verseront également une somme de 1 500 euros à Mme J... au titre des frais exposés par elle. En revanche, les conclusions présentées par les requérants sur ce fondement doivent être rejetées dès lors qu'ils sont la partie perdante à l'instance d'appel.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601121 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 26 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance présentée par M. F... et Mme K... et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : M. F... et Mme K... verseront tant à la commune du Gosier qu'à Mme J... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., à Mme I... K..., à Mme G... J... et à la commune du Gosier. Copie pour information en sera délivrée au ministre des outre-mer et au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. L... C..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2020.

Le rapporteur,

Frédéric C...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00339
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Exception d'illégalité - Irrecevabilité.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : HOUDA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-04;18bx00339 ?
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