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24/02/2020 | FRANCE | N°18BX00412

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 24 février 2020, 18BX00412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 25 juin 2015 par laquelle le président de la région Midi-Pyrénées a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et sa demande indemnitaire du 28 avril 2015 et de condamner la région Midi-Pyrénées à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral causé.

Par un jugement n° 1503690 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février 2018 et le 14 fé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 25 juin 2015 par laquelle le président de la région Midi-Pyrénées a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et sa demande indemnitaire du 28 avril 2015 et de condamner la région Midi-Pyrénées à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral causé.

Par un jugement n° 1503690 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février 2018 et le 14 février 2019, M. A... F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 25 juin 2015 du président de la région Midi-Pyrénées ;

3°) d'enjoindre à la région Occitanie de réexaminer sa demande de protection fonctionnelle ;

4°) de condamner la région Occitanie à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral causé, assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification de sa réclamation indemnitaire préalable avec capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la région Occitanie la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé faute de préciser les motifs pour lesquels les faits dont il a fait état ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ;

- la situation de souffrance au travail dans laquelle il se trouvait justifiait l'octroi de la protection fonctionnelle en application des articles 6 et 11 de la loi n° 83-634. S'agissant de la charge de la preuve, il incombe à l'administration de démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Les agissements en cause consistent en des pressions et menaces de sanction disciplinaire à la suite de ses interventions en qualité de représentant du personnel lors des conseils d'administration d'avril 2013 puis lors de son évaluation et par sa " mise au placard " lors de la rentrée scolaire 2014 ;

- son état de santé s'est dégradé. Il présente un état anxio-dépressif, alors qu'il ne présentait aucun antécédent psychopathologique, reconnu comme imputable au service par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 novembre 2018. Ce préjudice moral doit être évalué à la somme de 15 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 12 avril 2018 et le 18 juillet 2019, la région Occitanie, représentée par Me G... conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de M. F... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. F... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 juillet 2019 à midi.

Un mémoire présenté pour M. F... a été enregistré le 26 août 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment ses articles 6 quinquiès et 11 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. I... B...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. F..., et de Me H..., représentant la région Occitanie.

Une note en délibéré pour M. F... a été enregistrée le 29 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., alors adjoint technique territorial de deuxième classe des établissements d'enseignement, a, par un arrêté du 5 février 2008, été détaché à compter du 1er janvier 2008 au sein de la fonction publique territoriale et a été affecté au lycée professionnel Eugène Montel à Colomiers. Par un courrier du 28 avril 2015 adressé au président de la région Midi-Pyrénées, M. F..., s'estimant victime d'un harcèlement moral de sa hiérarchie, a sollicité, d'une part, le bénéfice de la protection fonctionnelle en faisant procéder à une enquête administrative et en prenant toute mesure nécessaire à sa protection et, d'autre part, le versement d'une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral causé. Après avoir réalisé une enquête administrative, le président de la région Midi-Pyrénées a, par une décision du 25 juin 2015, rejeté l'ensemble des demandes de M. F.... Ce dernière relève appel du jugement du 1er décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2015 et à la condamnation de la région Midi-Pyrénées à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral causé.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. F... soutient que le tribunal administratif de Toulouse a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'existence d'un harcèlement moral en ne précisant pas les motifs pour lesquels les agissements en cause ne pouvaient être regardés comme étant constitutifs de harcèlement moral. Cependant, après avoir rappelé les agissements invoqués par M. F... aux points 3 et 4 du jugement attaqué, les premiers juges précisent, dans les points 3 et 7, que " ces éléments ne permettent pas de présumer que M. F... ait été personnellement visé " et que " M. F... ne démontre pas que les relations qu'il a entretenues avec " son supérieur hiérarchique direct et avec " la proviseure de l'établissement auraient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique " et que dans ces conditions si les faits révèlent " une situation conflictuelle ", ils " ne sont pas constitutifs d'agissements caractérisés de harcèlement moral imputables à ses supérieurs hiérarchiques ". Le tribunal, qui a ainsi énoncé les motifs pour lesquels il estimait que les agissements invoqués n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral, a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen.

Sur la légalité de la décision du 25 juin 2015 :

3. D'une part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée: " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements en cause doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. Aux termes de l'article 11 de cette loi dans sa rédaction alors en vigueur : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

4. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. M. F... soutient avoir été victime, à partir de l'année 2013, de pressions, de dénigrements et d'une menace de sanction disciplinaire de la part de son supérieur hiérarchique direct et de la proviseure du lycée. M. F... soutient qu'après avoir participé, en sa qualité de représentant du personnel, au conseil d'administration du 15 avril 2013 au cours duquel il est intervenu sur deux questions, il a été convoqué par la proviseure qui lui aurait alors reproché d'avoir tenu des propos diffamatoires et qu'en cas de récidive elle établirait un rapport disciplinaire. Toutefois, il ressort du procès-verbal de ce conseil d'administration qu'eu égard aux propos tenus par M. F..., notamment lors de l'examen de la question concernant les contrats CUI, le rappel à l'ordre de la proviseure n'excédait pas l'exercice de son pouvoir hiérarchique. M. F... soutient également que son évaluation concernant l'année 2013, réalisée par son supérieur hiérarchique direct, comporte des appréciations mettant en cause sa manière de servir révélant une volonté de lui nuire. Il ressort toutefois du compte-rendu de cette évaluation qu'elle comporte des aspects positifs, notamment sur les qualités techniques de l'intéressé, et que si cette évaluation met en exergue des difficultés relationnelles avec sa hiérarchie, ces difficultés, au demeurant reconnues par M. F... mais qui les estime imputables à la seule attitude de sa hiérarchie, sont établies par les pièces versées au dossier. Enfin, M. F... soutient que le travail qui lui a été confié à compter de la rentrée scolaire 2014 a été sensiblement réduit, il ressort des pièces du dossier que M. F... a été placé en congé de maladie ordinaire du 12 au 25 janvier 2015 puis du 9 au 23 février 2015 avant d'être victime d'un accident de service le 25 février 2015 et d'être placé en congé pour accident de service du 26 février au 26 avril 2015 puis a été placé en arrêt de travail en raison d'un syndrome anxio-dépressif du 26 mai au 10 juillet 2015. Dans ces conditions, il est difficile d'apprécier l'activité de M. F... au cours de l'année scolaire 2014-2015. En outre, M. F... ne produit aucun courrier contemporain de cette période où il ferait part à sa hiérarchie d'une réduction de ses activités. Dès lors, la production d'un carnet rédigé par ses soins couvrant la période du 8 septembre 2014 au 10 octobre 2014, puis du 9 au 19 décembre 2014 puis du 6 et 7 janvier 2015 puis de mois de février 2015, où il aurait recensé l'ensemble des taches que lui aurait confié son supérieur hiérarchique et la production d'attestations peu circonstanciées sur la nature des tâches qui lui auraient été retirées et alors qu'eu égard à son état de santé certaines taches ne pouvaient plus lui être confiées, la fiche de poste modifiée en 2015 rappelant la nécessité d'une aide pour toutes les tâches de manutention, ces pièces ne permettent pas, dans les circonstances susénoncées, d'établir l'existence d'une diminution significative de ses attributions au cours de l'année scolaire 2014-2015. Par suite, si les pièces versées au dossier permettent d'établir l'existence d'un climat conflictuel au sein de l'établissement, ces mêmes pièces ne permettent en revanche pas d'établir, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, l'existence d'agissements excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Enfin, la circonstance que le syndrome anxio-dépressif dont souffre M. F... depuis 2015 ait été regardé comme étant imputable au service ne permets pas, ainsi que le reconnaît d'ailleurs le requérant, par elle-même d'établir l'existence d'un harcèlement moral. En l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 6 quinquies et 11 de la loi du 11 juillet 1983 doit donc être écarté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction tendant au réexamen de la demande de protection fonctionnelle ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 juin 2015.

Sur la responsabilité :

7. Pour engager la responsabilité de la région Occitanie, M. F... se fonde uniquement sur l'illégalité fautive de la décision du 25 juin 2015. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité, la responsabilité de la région Occitanie ne peut être engagée sur ce fondement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2015 du président de la région Midi-Pyrénées et à la condamnation de cette région à lui verser une indemnité de 15 000 euros.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Occitanie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. F... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F..., la somme demandée par la région Occitanie au même titre.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Occitanie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et à la région Occitanie.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E... C..., présidente-assesseure,

M. I... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 février 2020.

Le rapporteur,

Paul-André B...

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00412
Date de la décision : 24/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : GEORGE JULIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-24;18bx00412 ?
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