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20/05/2020 | FRANCE | N°18BX01248

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 20 mai 2020, 18BX01248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1600511 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Pau a fait entièrement droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2018, et un mémoire, enregistré le 12 février 2020, le ministre de l'action

et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1600511 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Pau a fait entièrement droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2018, et un mémoire, enregistré le 12 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 23 novembre 2017.

2°) de remettre à la charge de M. B... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.

Il soutient que :

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente pour connaître du litige ;

- la proposition de rectification était suffisamment motivée ;

- la plus-value constatée à l'occasion du retrait des parts sociales de la SCP Mendiharat, Marot, Moyen, B..., Hau, Lalou-Collet a été correctement calculée par application des principes dégagés par la jurisprudence Quémener ;

- les pénalités de retard ont été régulièrement appliquées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2018, M. B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que la requête du ministre est tardive et reprend les moyens développés à l'appui de la demande qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Pau.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... C...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par acte du 31 décembre 2011, la société civile professionnelle Mendiharat, Marot, Moyen, B..., Hau, Lalou-Collet a cédé l'intégralité des droits corporels et incorporels de son cabinet médical. À la suite de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet de cette société et qui a porté sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, le service vérificateur a procédé au contrôle sur pièces du dossier personnel de M. B..., en sa qualité d'associé de cette société dont les membres sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux qui leur est attribuée. À l'issue de ce contrôle sur pièces, le service a assujetti M. B... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2011. Par un jugement du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Pau, après avoir considéré que l'administration avait refusé à M. B... l'exercice d'une garantie à laquelle il était en droit de prétendre en procédant à la radiation de la mention lui indiquant qu'il pouvait soumettre leur différend à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, a prononcé la décharge de ces cotisations supplémentaires. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, l'article 93 du code général des impôts dispose, dans sa version applicable au litige, que : " Le bénéfice [non commercial] à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. ". Et l'article 151 nonies du même code prévoit, dans sa version applicable au litige, que : " I Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux. Ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l'application des articles 38,72 et 93, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession. IV. Lorsque le contribuable mentionné au paragraphe 1 cesse d'exercer son activité professionnelle, l'imposition de la plus-value constatée sur les parts dont il conserve la propriété est reportée jusqu'à la date de cession, de rachat ou d'annulation de ces parts ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, dans une société d'exercice libéral dont les membres sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux qui leur est attribuée, leurs droits ou parts sont considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession et que les gains ou les pertes provenant de la réalisation de ces éléments d'actif sont des éléments du bénéfice non commercial à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu des membres de cette société.

4. Ainsi, tant le montant de la plus-value réalisée par M. B... lors de la cession des droits corporels et incorporels du cabinet médical exploité par la SCP dont il était membre que la plus-value qu'il a, concomitamment, réalisée lors du transfert des parts qu'il détenait dans cette société de son patrimoine professionnel vers son patrimoine privé qu'a entraîné la cessation de son activité, sont des éléments du bénéfice non commercial à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu auquel il est assujetti.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) ". L'article L. 59 A du même livre précise que : " La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit ".

6. Il résulte de l'instruction, en particulier des observations adressées par M. B... en réponse à la proposition de rectification qui lui a été adressée, que ces observations étaient relatives au régime d'imposition du bénéfice d'exploitation de l'année courante, à une " double déduction de son apport " à la société civile professionnelle et à la méthode de valorisation des parts sociales après leur réintégration dans son patrimoine personnel. L'ensemble de ces observations ne posant que des questions de droit, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que la commission départementale des impôts directs et des chiffres d'affaires n'était pas compétente pour en connaître et, par suite, que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'administration avait privé M. B... d'une garantie en lui indiquant qu'il ne pouvait soumettre à cette commission le différend les opposant et l'ont, pour ce motif, déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2011.

7. Il y a lieu, pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions et les moyens présentées par les parties devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur la procédure d'imposition :

8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations et que la précision de la réponse de l'administration aux observations du contribuable doit être proportionnelle à la précision de ces observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

9. En l'occurrence, la proposition de rectification du 19 décembre 2013 mentionne clairement le montant en base des redressements envisagés, l'année d'imposition, la nature des rectifications opérées ainsi que les motifs de fait et de droit de ces rectifications et leurs conséquences financières, notamment en ce qui concerne le prix de réintégration des parts sociales que M. B... a pu utilement contester dans ses observations. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que cette proposition serait insuffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts : " Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a. Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en méconnaissance des dispositions de l'article 39 B ; b. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B ; c. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession de titres de sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2 ".

11. Dans le cas où une société, une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle cède les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts ou, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'article 39 duodecies et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée, en premier lieu, d'une part, de la quote part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et, d'autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis, minorée en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé. Pour l'application de ces règles, ne peuvent pas être pris en compte les déficits reportables que l'associé n'a pas effectivement déduits pendant cette période.

12. D'une part, la cession, le 31 décembre 2011, de la totalité des droits incorporels de la société civile professionnelle dont s'agit pour un montant de 522 095 euros et de ses droits corporels pour un montant de 352 138 euros, soit un montant total de 874 233 euros, a dégagé une plus-value de long terme de 285 485 euros au titre de ces droits incorporels après déduction du montant des crédits baux et prêts repris par l'acquéreur pour une somme de 34 233 euros ainsi que des apports en nature réalisés par les associés pour la somme de 236 610 euros. Chacun des associés a perçu, à l'issue de cette cession, une somme d'un montant identique de 140 000 euros correspondant, pour chacun d'entre eux, à une plus-value à long-terme sur cession d'actif d'un montant de 47 581 euros.

13. D'autre part, si M. B... soutient que le transfert, de son patrimoine professionnel à son patrimoine privé, des parts sociales qu'il détient dans cette société civile professionnelle a entraîné une moins-value égale à la valeur d'acquisition de ces parts, il ne justifie aucunement de la réalité de cette moins-value en se bornant à soutenir qu'à l'issue de la cession des actifs de cette société, la valeur de ces parts serait nulle alors que celle-ci dispose toujours, au contraire, de son capital social et d'éventuelles réserves.

14. En troisième lieu, M. B... ne peut être regardé comme se prévalant de la garantie offerte aux contribuables par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales en se bornant à se référer à la doctrine publiée au Bulletin officiel des impôts sous la référence 4 F-3-03, laquelle a, au demeurant, été amendée par la réponse ministérielle Roux n° 28116 publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 10 février 2004.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont déchargé M. B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 à raison de la réalisation d'une plus-value de long terme d'un montant fixé par l'administration à la somme de 42 642 euros, après admission partielle de la réclamation de M. B.... Par suite, le ministre est également fondé à demander l'annulation de ce jugement. Enfin et pour les mêmes motifs, les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Pau et devant la cour doivent être rejetées, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 23 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M B... devant le tribunal administratif de Pau et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme F..., présidente-assesseure,

M. A... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°18BX01248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01248
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Rectification (ou redressement).


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : COSTEDOAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;18bx01248 ?
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