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06/07/2020 | FRANCE | N°19BX04864

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 19BX04864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a abrogé son récépissé de demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 1905414 du 13 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 décembre 2019, 27 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a abrogé son récépissé de demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 1905414 du 13 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 décembre 2019, 27 décembre 2019, 14 janvier 2020, 26 mai 2020 et 29 mai 2020, M. F... G..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 6 septembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de titre de séjour;

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce qu'en vertu des stipulations du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive 2003/109/UE, il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il dispose d'un titre de séjour espagnol valable cinq ans ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale dès lors qu'il a considéré que ses filles pouvaient continuer leurs études en Espagne alors qu'elles sont scolarisées depuis 7 ans en France et qu'il a estimé que sa compagne était de nationalité ukrainienne alors qu'elle possède également la nationalité espagnole.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration faute notamment de prendre en compte le fait qu'il dispose d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 6 mars 2021 et qu'il a sa vie familiale en France ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 7 b de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- sa compagne travaille en France et a le centre de ses intérêts économiques, familiaux et professionnels en France, de sorte qu'elle remplit les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 121-1 1° et 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard des stipulations l'article 12 de la directive 2003/109/UE dès lors qu'il dispose d'un titre de séjour espagnol valable cinq ans ; le préfet aurait dû prendre à son encontre une décision de transfert vers l'Espagne ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il dispose, comme ses deux filles, d'un titre de séjour espagnol et ne peut à cet égard faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par les stipulations de l'article 3-1 et de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que la décision d'éloignement intervient en pleine année scolaire, que ses filles ont tous leurs amis à Toulouse et qu'elle sont très attachées à leur père qui subvient à leurs besoins.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le délai accordé méconnaît la réalité de sa situation et son ancienneté sur le territoire ; il vit en France depuis quatre ans, ses deux filles sont scolarisées à Toulouse depuis sept ans, il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée et gagne convenablement sa vie pour subvenir aux besoins de ses filles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. G... n'est fondé.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant algérien, né le 27 avril 1972, est entré en France le 2 septembre 2016, selon ses déclarations. En conséquence du mariage qu'il a contracté le 3 septembre 2016 à Colomiers avec Madame C... A..., ressortissante de nationalité française, il a bénéficié d'un certificat de résident algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " valable du 20 janvier 2017 au 19 janvier 2018. Le 6 février 2018, M. G... a sollicité le renouvellement de ce titre sur le fondement des dispositions des articles 6, 7 et 7 bis de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 6 septembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de procéder au renouvellement demandé, a obligé M. G... à quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a abrogé son récépissé de demande de titre de séjour. Par un jugement 13 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté. M. G... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements doivent être motivés. ". Contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, en mentionnant que l'arrêté attaqué comportait les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté.

3. En deuxième lieu, si M. G... soutient que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce qu'en vertu des stipulations du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive 2003/109/UE, il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il dispose d'un titre de séjour espagnol valable cinq ans et ne représente pas une menace à l'ordre public, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément répondu à ce moyen au point 13 de leur jugement.

4. En troisième et dernier lieu, si M. G... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale en ce qu'il a considéré que ses filles pouvaient continuer leurs études en Espagne alors qu'elles sont scolarisées depuis 7 ans en France et qu'il a estimé que sa compagne était de nationalité ukrainienne alors qu'elle possède également la nationalité espagnole, la critique du bien-fondé d'un jugement est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

5. En premier lieu, la décision contestée vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que si M. G... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement des article 6 2° et dernier alinéa et 7 bis (a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, il ne fournit aucun élément de preuve rapportant l'existence d'une vie de couple alors, d'une part, qu'une requête en divorce a été introduite le 4 juillet 2018 et que, d'autre part, par une lettre du 16 octobre 2018, son épouse a déclaré être sans nouvelle de lui et avoir engagé une avocat pour une demande de divorce et que, compte tenu de ces éléments, il ne saurait être admis au séjour, que ce soit de droit ou de manière discrétionnaire, en qualité de conjoint d'une ressortissante française au titre de ces articles. La décision litigieuse ajoute que si M. G... se prévaut d'une insertion professionnelle et demande son admission au séjour en qualité de "salarié", sur le fondement de l'article 7 b de l'accord franco-algérien, il ne présente pas de contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi. Par ailleurs, le préfet indique qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que M. G..., arrivé récemment en France, à l'âge de 44 ans, n'a été admis à y séjourner qu'à titre temporaire, pour y entretenir et y développer auprès de son épouse française une vie familiale normale, qu'il n'est pas sans attaches familiales ni liens personnels importants en Algérie, pays dont il est originaire où il a vécu la majeure partie de sa vie, et que rien ne l'empêche de quitter le territoire national. Dans ces conditions, la décision en litige est suffisamment motivée au regard des dispositions des article L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le caractère suffisant de cette motivation, laquelle ne se confond pas avec le bien-fondé des motifs de la décision, révèle, en outre, que le préfet, qui n'avait pas à reprendre dans sa décision l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, s'est livré, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, à un examen de la situation personnelle de M. G....

6. En deuxième lieu, aux termes du b) de l'article 7 l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat visé par les services du ministère chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. G... a sollicité le 6 février 2018, outre le renouvellement de son titre de séjour en qualité de " conjoint de Français ", la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions précitées. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et il n'est d'ailleurs nullement allégué qu'il aurait joint à sa demande un contrat visé par les autorités compétentes conformément aux stipulations citées au point 6. Il suit de là que les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu lesdites stipulations ou aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. M. G... fait valoir qu'il vit en France depuis le 2 septembre 2016, qu'il y réside avec sa compagne de nationalité espagnole qui travaille en Espagne et fait des aller-retours entre les deux pays, qu'il s'occupe seul de ses deux filles de 8 ans et 15 ans qui sont scolarisées sur le territoire national depuis sept ans, que ses amis, son frère et sa soeur résident également en France, qu'il loue un logement depuis plusieurs années, qu'il est bien intégré dans la société française et qu'il travaille en contrat à durée indéterminée depuis plus de trois ans dans le bâtiment, secteur en tension et en recherche de main d'oeuvre qualifiée. Toutefois, alors qu'il est en instance de divorce avec la ressortissante française qu'il avait épousée le 3 septembre 2016, M. G... ne justifie d'aucune autre attache en France que ses deux filles et sa compagne, qui réside, selon ses dires, depuis moins d'un an en France. S'il fait valoir que sa compagne travaille en France depuis le 3 mars 2020, cette circonstance, postérieure à la décision contestée, est sans incidence sur sa légalité. S'il se prévaut d'une attestation de dispense de formation linguistique et de la signature d'un contrat d'intégration républicaine, ces circonstances ne suffisent pas à caractériser une insertion sociale particulière en France. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 44 ans et où, selon ses déclarations lors du dépôt de sa demande de renouvellement de titre de séjour, réside l'ensemble de sa famille. S'il soutient qu'un retour dans son pays d'origine aurait pour effet de le séparer de ses enfants, dès lors que leur mère ressortissante espagnole est venue le rejoindre à Toulouse, il n'établit nullement que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans son pays d'origine, dont il possède, tout comme ses filles, la nationalité, ou en Espagne, pays dont sa compagne possède la nationalité et dans lequel il est lui-même admis au séjour jusqu'au 6 mars 2021, ni même que ses filles seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité hors de France. Dans ces conditions, en dépit de l'insertion professionnelle dont M. G... se prévaut, la décision contestée n'a pas porté pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas, dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois./ S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle ".

12. A supposer que M. G... ait entendu invoquer la méconnaissance des dispositions précitées, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait sollicité un titre sur ce fondement, sur lequel le préfet ne s'est pas prononcé. A le supposer même, sa compagne avec laquelle il ne justifie d'aucun lien matrimonial, n'exerçait aucune activité professionnelle à la date de l'arrêté contesté. Par suite, M. G... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, en particulier, lorsqu'il se trouve dans l'un des cinq cas de séjour irrégulier qu'elles énumèrent. Aux termes du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 : " L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible (...). ". Aux termes de l'article L. 531-1 du même code : " L'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire (...) ". Aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " L'article L. 531-1 est applicable à (...) / (...) l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. (...) ".

14. Il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre. Ces dispositions doivent toutefois être interprétées à la lumière des orientations de la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, dans la mesure où elles s'appliquent aux étrangers qui, bénéficiaires de ce statut dans un autre Etat membre de l'Union européenne, entrent également dans le champ d'application de la directive. En vertu du paragraphe 1 de l'article 12 et du paragraphe 3 de l'article 22 de cette directive, un Etat membre ne peut prendre une décision d'éloignement du territoire de l'Union européenne à l'encontre d'un étranger résident de longue durée dans un autre Etat membre que lorsque l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique.

15. Il s'ensuit que, lorsqu'un étranger est résident de longue durée dans un Etat membre de l'Union européenne, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de le reconduire en priorité vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat. Dans le cas où le préfet décide, comme il lui est loisible, d'obliger un tel étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut désigner comme pays de destination un ou des pays n'appartenant pas à l'Union européenne qu'à la condition que l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique, à moins que l'intéressé renonce expressément sur ce point au bénéfice du statut de résident de longue durée en demandant son renvoi vers le pays dont il a la nationalité ou vers un autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

16. Il ressort de ce qui précède que les stipulations du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive du 25 novembre 2003 relatives au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. G... dispose d'une carte de séjour délivrée par les autorités espagnoles sous l'intitulé " residencia larga duracion ". Une telle carte ne correspond pas à celle délivrée par les mêmes autorités à un étranger à qui a été reconnu le statut de résident de longue durée-CE (carte " residente larga duracion-CE "). Il n'est donc pas titulaire d'un titre de résident de longue durée-CE. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que, M. G... étant titulaire d'un titre de séjour de longue durée délivré par les autorités espagnoles, le préfet aurait dû prioritairement engager une procédure de réadmission et ne pouvait prendre à son encontre une mesure d'éloignement doit être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 ".

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. G... était, à la date de la décision contestée, membre de la famille d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. Dès lors, il y a lieu d'écarter comme inopérant le moyen tiré de ce que les dispositions du 11° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à son éloignement.

19. En troisième lieu, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les motifs énoncés au point 10.

20. En dernier lieu, l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, selon lequel les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, crée seulement des obligations entre Etats, sans ouvrir de droits aux intéressés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

21. En premier lieu, en vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 destinée à transposer la directive du 16 décembre 2008 susvisée en droit interne : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ".

22. A supposer que M. G... ait entendu invoquer l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée, il ne saurait se prévaloir directement de la méconnaissance de ces stipulations, qui ont été transposées en droit interne par les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

23. En second lieu, l'appelant ne démontre pas que sa situation justifiait une prolongation du délai de départ volontaire, qu'il n'a d'ailleurs jamais sollicitée.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 6 septembre 2019. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E... D..., présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX04864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04864
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT DG GUEYE DORO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;19bx04864 ?
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