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17/11/2020 | FRANCE | N°18BX03316

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 17 novembre 2020, 18BX03316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes

et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C et d'ordonner avant-dire droit une expertise afin d'évaluer

ces derniers, ou à titre subsidiaire de faire également porter l'expertise sur l'imputabilité

de sa contamination par le virus de l'hépatite C

à une transfusion de produits sanguins.

Par un jugement n° 1701865 du 3 juillet 2018, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes

et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C et d'ordonner avant-dire droit une expertise afin d'évaluer

ces derniers, ou à titre subsidiaire de faire également porter l'expertise sur l'imputabilité

de sa contamination par le virus de l'hépatite C à une transfusion de produits sanguins.

Par un jugement n° 1701865 du 3 juillet 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2018 et des mémoires enregistrés

le 27 décembre 2018 et le 16 mars 2020, Mme E..., représentée par Me I...,

demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'ONIAM à l'indemniser de ses préjudices en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

3°) d'ordonner avant-dire droit une expertise pour l'évaluation de ses préjudices, ou à titre subsidiaire de faire également porter l'expertise sur l'imputabilité de sa contamination par le virus de l'hépatite C à une transfusion de produits sanguins ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'absence de visa du mémoire qu'elle a produit le 14 mai 2018 à 9 h 28, avant la clôture de l'instruction fixée le même jour à 12 heures, entache le jugement d'irrégularité ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions subsidiaires présentées dans ce dernier mémoire tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit organisée afin de déterminer l'imputabilité de sa contamination par le virus de l'hépatite C à une transfusion de produits sanguins ; l'expert désigné par l'ONIAM ne présentait pas des garanties suffisantes d'objectivité ;

- en l'absence d'archives médicales de l'hôpital, il y a lieu de retenir des indices concordants : le bilan sanguin du 3 mai 1984 révélait une anémie nécessitant une transfusion ; elle se souvient de la transfusion de deux culots globulaires, et la circonstance que les attestations de sa mère et de sa soeur ont été rédigées 33 ans après les faits n'est pas de nature à leur ôter toute valeur probante ; comme l'a admis l'expert, l'augmentation des taux d'hémoglobine les 6 et 8 mai 1984 conforte l'hypothèse d'une transfusion ; elle n'aurait eu aucun intérêt, lors de son hospitalisation en 1993, à faire état d'une transfusion en 1984

si celle-ci n'avait pas eu lieu ; son fils aurait été probablement contaminé si sa contamination avait été antérieure à son accouchement ; contrairement à ce qu'indique l'expert, elle n'a jamais subi d'endoscopie ; le fait qu'elle a vécu en Algérie n'est pas en sa défaveur dès lors qu'elle n'a été exposée avant 1984 à aucun risque de contamination ; elle n'a jamais eu de comportement à risque ; ainsi, il existe un faisceau d'indices concordants démontrant qu'elle a reçu une transfusion sanguine le 3 mai 1984 ; à titre subsidiaire, elle sollicite une expertise afin de déterminer l'imputabilité de sa contamination par le virus de l'hépatite C à une transfusion de produits sanguins ;

- elle réserve le chiffrage de sa demande indemnitaire dans l'attente de l'expertise sollicitée.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2018, l'ONIAM, représenté

par la SELARL Birot, F... et Associés, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la simple omission de mentionner le dernier mémoire déposé ne constitue

pas une cause de nullité du jugement ; dès lors que le jugement indique que les éléments versés au dossier ne constituent pas des indices concordants en faveur de l'existence d'une transfusion sanguine, il a également répondu, par la mention " sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale sollicitée ", à la demande subsidiaire d'une expertise portant sur le droit

à indemnisation ;

- les premiers juges ont estimé à juste titre qu'il n'existait pas d'indices concordants en faveur d'une contamination transfusionnelle, et Mme E... n'apporte aucun élément nouveau en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me K..., représentant Mme E... et de Me F..., représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., née en 1959, a subi en février 1993, à l'occasion d'une hospitalisation pour le bilan d'une polyarthrite d'apparition récente, des examens biologiques ayant révélé une sérologie de l'hépatite C positive, également retrouvée en mai et novembre 2000, puis en août 2015 lors d'examens préalables à la contraction d'un emprunt immobilier. En avril 2016,

une hépatite C sans signe clinique et ne nécessitant pas de traitement a été diagnostiquée. Attribuant sa contamination par le virus de l'hépatite C à une transfusion sanguine réalisée

dans les suites de son accouchement le 1er mai 1984 au centre hospitalier d'Arpajon,

Mme E... a saisi l'ONIAM. Ce dernier, après avoir organisé une expertise dont le rapport

a été déposé le 29 décembre 2016, a rejeté la demande d'indemnisation par une décision

du 27 février 2017 aux motifs, d'une part, que la preuve de la réalisation de transfusions n'était pas apportée, et d'autre part, que l'hypothèse d'une contamination transfusionnelle ne présentait pas un degré suffisamment élevé de vraisemblance. Mme E... relève appel du jugement

du 3 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes d'expertise et de condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

2. Par un mémoire enregistré le 14 mai 2018 à 9 h 28, avant la clôture de l'instruction fixée à 12 h le même jour, Mme E..., qui avait auparavant demandé la réalisation d'une expertise pour l'évaluation de ses préjudices, a présenté des conclusions subsidiaires tendant à ce que le tribunal, s'il ne s'estimait pas suffisamment informé, ordonne une expertise sur l'imputabilité de la contamination à une transfusion de produits sanguins. Dès lors qu'après avoir précisément analysé les éléments du dossier, les premiers juges ont conclu que la requérante n'apportait pas la preuve de la matérialité de la transfusion alléguée, ils se sont implicitement mais nécessairement estimés suffisamment informés pour rejeter la requête, de sorte que la mention " sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale sollicitée " doit être regardée comme répondant aux demandes d'expertise présentées à titre principal et subsidiaire. Par suite, la circonstance que ce dernier mémoire n'a pas été visé n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité.

3. Aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. (...) ". La présomption légale instituée par cette disposition s'applique à la relation de cause à effet entre une transfusion sanguine et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée mais ne concerne pas l'existence même de la transfusion. Il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il affirme avoir subie conformément aux règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif. Cette preuve peut être apportée par tout moyen et est susceptible de résulter, notamment dans l'hypothèse où les archives de l'hôpital ou du centre de transfusion sanguine ont disparu, de témoignages et d'indices concordants dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur.

4. Il résulte de l'instruction que le dossier médical de l'hospitalisation de Mme E... pour son accouchement en mai 1984 n'a pas pu être retrouvé en raison de son ancienneté supérieure au délai réglementaire de conservation, et que l'Etablissement français

du sang ne disposait pas d'archives exploitables pour une éventuelle enquête transfusionnelle. Mme E... fait valoir qu'elle a beaucoup saigné lors de son accouchement, qu'elle a fait un malaise le 3 mai 1984 alors qu'elle accompagnait le pédiatre auprès de son fils, que le bilan sanguin a révélé une anémie, et qu'elle se souvient de la transfusion de deux culots globulaires. Toutefois, le bilan sanguin du 3 mai 1984 qu'elle produit ne fait mention ni de l'existence, ni même de la nécessité d'une transfusion sanguine. Si l'expert a indiqué croire Mme E... dans la mesure où l'hémoglobine est passée de 6,8 à 10,4 grammes entre le 3 et le 6 mai 1984, ce qui ne peut que conforter l'hypothèse d'une transfusion, il a néanmoins relevé l'absence de preuve de la matérialité de celle-ci. Les attestations de la mère et de la soeur de Mme E...

du 10 août 2017 selon lesquelles elles auraient vu une poche de sang le 3 mai 1984, puis celle

du 11 mai 2019 précisant que le médecin aurait indiqué avoir procédé à une transfusion, ne sont corroborées par aucun témoignage du personnel soignant présent au moment des faits.

Enfin, l'indication d'une transfusion en 1984 dans les antécédents médicaux,

lors de l'hospitalisation de février 1993 mentionnée au point 1, repose sur les déclarations de la patiente, et le certificat médical d'un entéro-hépatologue du 24 avril 2017 indiquant que l'hépatite C pourrait avoir pour origine une transfusion post-partum en 1984 se borne à émettre une hypothèse. Ainsi les éléments versés au dossier ne suffisent pas à constituer des indices concordants permettant de faire regarder comme établie, plus de trente ans après les faits, la matérialité des transfusions que Mme E... aurait reçues le 3 mai 1984.

5. Il résulte de ce qui précède que l'expertise demandée par Mme E..., qui ne serait pas susceptible de réunir d'autres éléments que ceux déjà évoqués par le premier expert désigné par l'ONIAM pour établir l'existence d'une transfusion, n'apparaît pas utile, et qu'en l'absence d'indices concordants permettant de reconnaître la matérialité d'une transfusion, l'ONIAM ne peut être condamné à réparer les préjudices liés à la contamination de Mme E... par le virus de l'hépatite C. Mme E... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Dans ces circonstances, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Copie en sera adressée à la CPAM de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme J... H..., présidente,

Mme A... D..., présidente-assesseure,

Mme C... G..., conseillère.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

La rapporteure,

Anne D...

La présidente,

Catherine H...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX03316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03316
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : QUEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-17;18bx03316 ?
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