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20/04/2021 | FRANCE | N°20BX04184

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 20 avril 2021, 20BX04184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 mai 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2001464 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'a

nnuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 mai 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2001464 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 28 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation individuelle ;

- le préfet a entaché l'arrêté du 28 mai 2020 d'un vice de procédure en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour ;

- il pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il est marié depuis le 21 juillet 2018 avec une ressortissante française et que ce mariage n'a pas de caractère frauduleux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 12 juin 1983, entré sur le territoire français en décembre 2011 selon ses allégations, a sollicité un certificat de résidence en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un arrêté du 28 mai 2020, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé et l'a obligé à quitter le territoire français. M. B... relève appel du jugement du 10 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2020.

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté du 28 mai 2020 que le préfet a notamment relevé que M. B... avait déjà présenté trois demandes de titre de séjour, sous des identités différentes, et usurpé l'identité d'un ressortissant français, que si l'intéressé avait contracté, le 21 juillet 2018, un mariage avec une ressortissante française, ses déclarations et celles de son épouse étaient contradictoires et que la communauté de vie n'était pas établie, qu'aucun élément relatif à sa situation " familiale, sociale, médicale ou autre " n'était de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. En revanche, le préfet n'a pas fondé ses décisions sur l'absence d'entrée régulière en France de M. B..., contrairement à ce que soutient ce dernier, qui admet d'ailleurs ne pas être en mesure de justifier du visa de court séjour sous le couvert duquel il serait entré sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation de M. B... doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Et aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...) ".

4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ces compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui n'a pas entendu écarter l'application de ces principes. Par conséquent, si le mariage d'un étranger avec un ressortissant français est opposable aux tiers, dès lors qu'il a été célébré et publié dans les conditions prévues aux articles 165 et suivants du code civil et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'il n'a pas été dissous ou déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi de façon certaine lors de l'examen d'une demande présentée sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 que le mariage a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser à l'intéressé, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la carte de résident sollicitée.

5. En l'espèce, M. B... est marié depuis le 21 juillet 2018 à une ressortissante française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que lors de l'entretien administratif du 8 janvier 2019 conduit à la préfecture des Deux-Sèvres, les déclarations des époux, entendus séparément, présentaient de nombreuses incohérences relatives aux circonstances de leur rencontre, à la date à laquelle a débuté leur cohabitation, à la composition de leurs familles respectives, M. B... n'étant notamment pas en mesure de donner de détails sur les enfants de son épouse dont pourtant il déclare s'occuper, au déroulement de leur fête de mariage ou encore sur les moments marquants de leur relation, pour lesquels les réponses sont contradictoires. Par ailleurs, l'épouse de M. B... a déclaré auprès des organismes sociaux être isolée jusqu'en mai 2018, alors que le requérant soutient qu'ils vivent ensemble depuis au moins le mois de mars 2018. En outre, l'intéressé et son épouse ont chacun déclaré deux adresses différentes à Niort lors de l'instruction de la demande de titre de séjour de M. B.... Dans ces conditions, et alors que l'intéressé se borne à produire une attestation émanant de son épouse selon laquelle " il est le responsable de notre famille ", le préfet, qui a d'ailleurs signalé le requérant et son épouse au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Niort pour suspicion de mariage blanc, a pu regarder le mariage contracté par M. B... le 21 juillet 2018 comme ayant un caractère frauduleux. Par suite, le préfet des Deux-Sèvres a pu légalement refuser de délivrer un certificat de résident à M. B... sur le fondement des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 2018.

6. Enfin, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans les cas prévus à l'article L. 431-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions de procédure et de fond prévues aux articles 6 et 7 bis de l'accord franco-algérien, équivalentes à celles des articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces dispositions. En l'espèce, M. B..., qui admet lui-même qu'il n'est pas en mesure de présenter le visa de court séjour sous le couvert duquel il serait entré en France en 2011, ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour dès lors qu'il ne pouvait justifier de son entrée régulière sur le territoire français, ainsi que l'exige le 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le préfet n'était, par suite, pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de refuser de délivrer un titre de séjour au requérant. Ce moyen doit donc être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D... A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.

La présidente,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX04184 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04184
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LASBEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-20;20bx04184 ?
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