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02/12/2021 | FRANCE | N°20BX00553

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 02 décembre 2021, 20BX00553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 1903903 du 14 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,

enregistrée le 14 février 2020, M. A..., représenté par Me Bréan, demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 1903903 du 14 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, M. A..., représenté par Me Bréan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 14 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'a pas examiné sa situation sur ce fondement ;

- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant que la procédure d'autorisation de travail était inapplicable au motif qu'il était en situation irrégulière ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., de nationalité ivoirienne, est entré en France le 20 janvier 1993, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa délivré par le consulat de France à Abidjan, en Côte d'Ivoire, et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant du 1er février 1994 au 31 janvier 1995, qu'il n'a pas renouvelée. Le 17 mai 2004, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qui a été refusée par arrêté du 15 novembre 2004, annulé par jugement n° 0404149 du tribunal administratif de Toulouse du 20 juin 2006. Il a ensuite bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité de commerçant du 8 août 2007 au 27 janvier 2008, dont il n'a pas demandé le renouvellement. Le 6 juin 2013, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, et, par arrêté du 7 janvier 2014, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le séjour et fait obligation de quitter le territoire français. Toutefois, par un arrêt n° 14BX02368 du 24 février 2015, la présente cour a annulé cet arrêté, au motif qu'alors que l'intéressé établissait résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le préfet n'avait pas saisi la commission du titre de séjour. Statuant à nouveau sur la demande de l'intéressé, le préfet de la Haute-Garonne, par arrêté du 2 juillet 2015, a pris une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Le 15 février 2018, l'intéressé a déposé une nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 5 de la convention franco-ivoirienne et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 27 mars 2019, la commission du titre de séjour a rendu un avis défavorable. Par arrêté du 28 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 14 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, de son insuffisante motivation, du défaut d'examen sérieux de sa situation, de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en n'examinant pas sa situation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de ce qu'il aurait droit à un titre de séjour sur ce fondement. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". L'article L. 5221-5 du code du travail dispose qu' " un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnées au 2° de l'article L. 5221-2 ", c'est-à-dire " un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". L'article L. 5221-6 du même code précise que la délivrance d'un titre de séjour ouvre droit, dans les conditions fixées aux chapitres III à VI du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exercice d'une activité professionnelle salariée.

4. Si le dispositif de régularisation institué à l'article L. 313-14 ne dispense pas l'étranger d'obtenir l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail avant que soit exercée l'activité professionnelle considérée, toutefois, la demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2.

5. Par suite, c'est à tort que le préfet de la Haute-Garonne, saisi de la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salariée de M. A..., qui se prévalait d'un contrat de travail avec la société Lucienne, et d'une demande d'autorisation de travail présentée par cette société, l'a rejetée au motif que l'intéressé se maintenait en toute illégalité sur le territoire national et que " la procédure d'autorisation de travail prévue par l'article R. 5221-11 du code du travail n'est applicable qu'aux ressortissants étrangers en situation régulière comme précisé à l'article R. 5221-14 du même code ".

6. Toutefois, l'arrêté litigieux est également fondé sur les circonstances que M. A..., qui se prévaut d'un contrat de travail au sein de la société Lucienne SARL, dont il détient des parts, ne justifie pas de la réalité de l'activité de cette société, ne démontre pas disposer de ressources et ne fait valoir aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ces motifs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... fait valoir qu'il vit en France de façon continue depuis 1993, a racheté les parts de la SARL Lucienne et a signé avec elle, en 2018, un contrat de travail à durée indéterminée. Toutefois, si, comme il a été rappelé au point 1 du présent arrêt, la cour, par un arrêt n° 14BX02368 du 24 février 2015, a jugé que l'intéressé établissait résider habituellement en France depuis plus de dix ans en 2014, en revanche, la continuité de sa présence en France depuis cette date n'est pas établie. En particulier, s'agissant de l'année 2017, l'intéressé, pour justifier sa présence sur le territoire français, se borne à produire des courriers de la Banque postale des 10 mai et 30 août 2017, et celui d'un opérateur téléphonique du 19 septembre 2017, ainsi qu'un avis de situation déclarative à l'impôt sur le revenu mentionnant un montant d'impôt de zéro. En outre, il ne justifie d'aucune intégration à la société française et n'établit pas percevoir des ressources stables, dès lors que, s'il se prévaut d'un contrat de travail du 6 février 2018, pour un salaire mensuel de 3 350 euros brut, sa déclaration d'impôt sur le revenu de l'année 2019 fait état d'un revenu bien moindre, le montant de son impôt étant nul, comme pour les années précédentes. Enfin, il est célibataire et sans famille en France et ne soutient pas être sans attache en Côte d'Ivoire où vivent, à tout le moins, deux de ses enfants majeurs. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré, par M. A..., de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté, de même que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision litigieuse.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère

Rendu public après dépôt au greffe le 2 décembre 2021.

La rapporteure,

Frédérique B...Le président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 20BX00553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00553
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : BREAN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-02;20bx00553 ?
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