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31/01/2022 | FRANCE | N°20BX04291

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 31 janvier 2022, 20BX04291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 15 janvier 2015 du délégué régional de l'Agence de services et de paiement fixant à 1,05 la modulation du taux de sa prime spéciale au titre de l'année 2014 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et de condamner l'Agence de services et de paiement à lui payer la somme de 12 490 euros correspondant au montant de la prime qu'il aurait dû percevoir.

Par un jugement n° 1502533 du 15 déce

mbre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. B....

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 15 janvier 2015 du délégué régional de l'Agence de services et de paiement fixant à 1,05 la modulation du taux de sa prime spéciale au titre de l'année 2014 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et de condamner l'Agence de services et de paiement à lui payer la somme de 12 490 euros correspondant au montant de la prime qu'il aurait dû percevoir.

Par un jugement n° 1502533 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. B....

Par un arrêt n° 17BX00600 du 27 mai 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par une décision n° 432949 du 30 décembre 2020, le Conseil d'État a annulé cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur la demande d'annulation de la décision du 15 janvier 2015 relative à la modulation du taux de la prime spéciale de M. B... et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 17 février 2017, 29 août 2018, 29 mars 2021 et 27 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Laclau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 décembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 15 janvier 2015 relative à la modulation du taux de la prime spéciale de M. B... et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°), d'enjoindre à l'Agence de services et de paiement de réexaminer la modulation du taux de sa prime spéciale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Agence de services et de paiement la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure d'attribution de la prime a méconnu les dispositions impératives de la circulaire du ministère de l'agriculture n°2014-631 qui constituent une garantie ;

- s'agissant d'une décision prise en considération de la personne, il a été privé d'une garantie puisqu'il n'a pas pu consulter préalablement son dossier administratif ;

- le signataire de la décision était incompétent dès lors que la gestion des personnels de l'Agence ne lui a pas été déléguée, comme le prévoit l'article R. 313-25 du code rural ;

- il n'est pas établi que la délégation de signature dont se prévaut l'administration a été publiée ;

- la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 8 juin 2021, l'Agence de services et de paiement, représentée par Me Gillet, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la demande présentée devant le tribunal administratif est tardive, que l'auteur du mémoire qu'elle a présenté devant le tribunal administratif était compétent pour le signer et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;

- le décret n° 2000-239 du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Laclau, représentant M. B... , et de Me Pecaud, représentant l'Agence de services et de paiement.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B..., membre du corps des ingénieurs divisionnaires de l'agriculture, occupait les fonctions de chef du service des contrôles de la délégation régionale de l'Agence de services et de paiement (ASP), établissement public administratif de l'Etat, placé sous la double tutelle des ministres en charge de l'agriculture et du travail. Par une lettre datée du 15 janvier 2015, il a été informé que le montant de sa prime spéciale au titre de l'année 2014, calculée sur la base d'un taux de modulation de 1,05, s'élevait à 9 489,87 euros. Il a demandé au tribunal administratif, d'une part, d'annuler cette décision du 15 janvier 2015 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, de condamner l'ASP à lui verser la somme de 12 490 euros correspondant au montant de la prime qu'il s'estime en droit de percevoir. Par un jugement du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes et l'appel formé par M. B... contre ce jugement a été rejeté par un arrêt de la cour du 27 mai 2019. Toutefois, par une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d'État a annulé cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur les demandes d'annulation de la décision du 15 janvier 2015 relative à la modulation du taux de la prime spéciale de M. B... et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, si les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse du 15 janvier 2015 en se fondant sur la délégation de signature n°2014/143/PDG du 28 août 2014 sans préciser que cette délégation avait été régulièrement publiée, cette omission a trait au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité.

3. D'autre part, cette délégation de signature constitue un document public qui a été régulièrement publié au bulletin officiel du ministère de l'agriculture le 4 septembre 2014 et qu'il appartenait au tribunal de consulter afin d'examiner le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse. Par suite, l'appelant ne peut pas utilement soutenir que les premiers juges se seraient fondés sur la délégation de signature jointe à un mémoire qu'ils ont considéré irrecevable pour écarter ce moyen.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'Agence de services et de paiement est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle de l'Etat ". L'article R. 313-25 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " Le président-directeur général dirige et représente l'Agence de services et de paiement. Il met en œuvre la politique générale et l'organisation territoriale définies par le conseil d'administration et assure la coordination des missions de l'agence. Il prépare les délibérations du conseil d'administration et en assure l'exécution (...) / Il recrute, nomme et gère les agents de l'agence.../ Il peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité. Les actes de délégation font l'objet d'une publication au Bulletin officiel du ministère de rattachement du commissaire du Gouvernement. " Par une décision n°2014/143/PDG du 28 août 2014 publiée au bulletin officiel du ministère de l'agriculture le 4 septembre 2014, le président-directeur général de l'ASP a donné délégation de signature à M. D... A..., délégué régional de l'ASP pour la région Midi-Pyrénées à l'effet de signer les " décisions, documents, correspondances, engagements ou liquidations des crédits de fonctionnement et d'investissement de la délégation régionale dans la limite des autorisations de dépenses qui lui sont accordées ". Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le signataire de la décision litigieuse n'était pas compétent pour la signer sans pouvoir utilement faire valoir que celui-ci ne disposait pas d'une délégation de compétence de gestion des personnels de l'agence.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 2000-239 du 13 mars 2000 : " Une prime spéciale, non soumise à retenue pour pension civile, peut être attribuée aux fonctionnaires de certains corps ou emplois du ministère chargé de l'agriculture, dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la fonction publique et du budget, lorsqu'ils sont en position normale d'activité dans les services de l'administration centrale et les services déconcentrés, dans les services à compétence nationale et dans certains établissements publics, ou lorsqu'ils sont mis à disposition... " L'article 2 de ce décret prévoit que : " La prime spéciale est servie sur la base d'un montant individuel théorique déterminé à partir du grade ou de l'emploi, de l'échelon, de l'affectation et des fonctions exercées par chaque agent ". Enfin, de l'article 3 du même décret précise que : " Le montant individuel de la prime spéciale prévue à l'article 1er du présent décret peut être modulé, notamment en fonction du niveau de responsabilité, de la manière de servir, des sujétions individuelles et des avantages en nature de l'agent. Lorsque ce montant est modulé à la hausse, il ne peut excéder le double du montant individuel théorique. "

6. D'une part, il ne résulte d'aucun des textes cités ci-dessus, ni d'aucun principe général du droit, que l'agent susceptible de bénéficier d'une prime qui tient compte de sa manière de servir, comme c'est le cas pour la prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture, doive être mis à même de présenter ses observations préalablement à la décision de l'administration d'en fixer le taux ou d'en refuser l'attribution. L'agent n'ayant aucun droit à bénéficier de l'attribution ou d'un certain taux d'une telle prime, cette décision, alors même qu'elle est prise en considération de la personne de l'intéressé, n'est pas au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que celui-ci ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier.

7. D'autre part, si l'annexe II à la note de service SG/SRH/SDMEC/2014-631 du 29 juillet 2014 relative au recueil des propositions de modulation de primes pour 2014 prévoit que la notification de la modulation individuelle de la prime spéciale doit été précédée de sa validation définitive par le bureau du pilote national de la paie et que " toute notification faite à l'agent avant cette validation ne sera ni recevable ni opposable ", cette note de service ne concerne que les ministères de l'agriculture, de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ainsi que les établissements d'enseignement agricole, l'ISTEA, l'IFN, l'IFSCE et les agences nationales de sécurité sanitaire mais pas les établissements publics de l'Etat placés sous tutelle des ministres de l'agriculture et du travail alors, au demeurant, qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 313-25 du code rural et de la pêche maritime, le pouvoir d'organisation des services de l'ASP relève de son seul président-directeur général, en tant que chef de service, sans qu'il puisse, à ce titre, recevoir d'instructions de la part des ministres de tutelle.

8. En troisième lieu, M. B... soutient que le taux de prime de 1,05 qui lui a été attribué au titre de l'année 2014 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et entend se prévaloir à cet égard des évaluations dont il a fait l'objet au titre des années 2012 et 2013, de ce que le poste de délégué régional est resté vacant durant plus de trois mois pendant lesquels l'activité de l'agence aurait été particulièrement importante, de ce qu'il n'a pas fait l'objet d'une évaluation au titre de l'année 2014 ainsi que de deux témoignages de collaboratrices faisant état d'une dégradation de l'ambiance de travail pour l'une à compter de son placement en congé maladie et pour l'autre de la nomination d'un nouveau directeur général. Toutefois, l'appelant ayant été placé en congé pour longue maladie du 26 novembre 2014 jusqu'au 25 novembre 2015, il ne pouvait fait l'objet d'une évaluation au titre de l'année 2014 au cours de cette période. En outre, s'il ressort de son évaluation au titre de l'année 2013 qu'il a été classé au niveau maîtrise ou expertise pour l'ensemble des compétences et que son absence de six mois pour maladie explique à elle seule pour quels motifs les objectifs qui lui ont été assignés n'ont été que partiellement atteints, cette évaluation ne contient aucune appréciation permettant de considérer que ses responsabilités, sa manière de servir ou les sujétions qui lui ont été imposées présentaient des caractères particuliers justifiant le bénéfice d'un taux de prime exceptionnellement élevé dès lors, en particulier, que le soutien apporté par sa hiérarchie à la reconnaissance du statut de chef de mission n'est pas lié à ses qualités personnelles mais uniquement à celles demandées par le poste qu'il occupe.

9. Au vu de ces seuls éléments, M. B..., qui ne produit aucun élément attestant qu'il aurait été confronté à une charge de travail exceptionnelle au cours de l'année considérée et ne conteste pas la réalité des appréciations formulées par l'ASP sur sa manière de servir, n'est pas fondé à soutenir que le président-directeur général de l'ASP aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui attribuant un taux de prime spéciale de 1, 05.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée à sa demande par l'Agence de services et de paiement, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision litigieuse du 15 janvier 2015 relative à la modulation du taux de la prime spéciale. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et à l'Agence de services et de paiement.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 janvier 2022.

Le rapporteur,

Manuel E...

La présidente,

Brigitte Phémolant

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne aux ministres chargés de l'agriculture et du travail en ce qui les concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°20BX04291 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04291
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : GILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-31;20bx04291 ?
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