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24/03/2022 | FRANCE | N°21BX04607

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 24 mars 2022, 21BX04607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2106418 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif

de Toulouse a annulé l'arrêté du 4 novembre 2021, a enjoint au préfet de la Haute-Garo

nne

de réexaminer la situation de M. C... et a mis à la charge de l'Etat la somme

de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2106418 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif

de Toulouse a annulé l'arrêté du 4 novembre 2021, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne

de réexaminer la situation de M. C... et a mis à la charge de l'Etat la somme

de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 21BX04607 enregistrée le 17 décembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 novembre 2021.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : l'intéressé est célibataire et s'est rendu coupable à plusieurs reprises de violences à l'encontre de la mère de son enfant, certaines violences ayant été commises devant l'enfant ; son comportement menace l'ordre public ; il est sous le coup d'une interdiction judiciaire d'entrer en relation avec la mère de son enfant français ; il a été condamné le 2 juin 2020 par le tribunal correctionnel de Toulouse sur reconnaissance préalable de culpabilité pour des faits commis le 27 mars 2020 de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, rébellion, outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, violence par personne en état d'ivresse manifeste ; il ne vit pas avec son fils et ne démontre pas avoir vécu avec lui ; il ne justifie pas participer effectivement à son entretien et à son éducation ; il y a lieu de prendre en compte l'intérêt supérieur du fils aîné de l'intéressé résidant en Angleterre.

II. Par une requête n° 21BX04608 enregistrée le 17 décembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution du jugement n° 2106418 du 9 novembre 2021.

Il reprend les mêmes moyens que dans sa requête au fond.

Par une ordonnance du 20 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée

au 21 février 2022 à 12 heures.

Un mémoire a été présenté pour M. C... le 21 février à 18h33.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant britannique, est entré en France en 2015 et s'est engagé dans la Légion étrangère, dont il a été radié au 16 juin 2020 pour inaptitude physique. Il a été condamné à plusieurs reprises pour des faits de violence, notamment sur son ex-concubine de nationalité française. Il a été libéré de prison le 29 octobre 2021. Par un arrêté

du 4 novembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai au regard de la menace que son comportement occasionne pour l'ordre public, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. C... a demandé l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2106418 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 4 novembre 2021, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la

situation de M. C... et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement et en demande le sursis à exécution. Il y a lieu de joindre ses deux requêtes pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 21BX04607 :

2. Aux termes de l'article L.251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif aux ressortissants de l'Union européenne, qui restait applicable aux ressortissants britanniques jusqu'à la fin de la période de transition suivant le retrait de la Grande-Bretagne de l'Union européenne, intervenue le 31 décembre 2021 : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les

situations suivantes :1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les

articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ;2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...).L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. " Selon l'article 20 de l'accord de retrait

du 24 janvier 2020 : " 1. Le comportement des citoyens de l'Union ou des ressortissants

du Royaume-Uni, des membres de leur famille et des autres personnes qui exercent des droits en vertu du présent titre, lorsque ce comportement s'est produit avant la fin de la période de transition, est examiné conformément au chapitre VI de la directive 2004/38/CE ".

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. Pour annuler la décision attaquée, le magistrat désigné a retenu qu' " il ressort des pièces du dossier, corroborées par les propos précis et circonstanciés du requérant lors de l'audience, que l'intéressé s'est impliqué durant la grossesse de son ancienne compagne en l'accompagnant aux rendez-vous médicaux, qu'il a reconnu son fils avant sa naissance et qu'il a partagé la vie de son enfant durant les premiers mois de son existence. Il ressort notamment des attestations produites par la mère et la grand-mère maternelle du jeune A... que, malgré la séparation intervenue entre les parents de l'enfant, le requérant a continué à voir régulièrement son fils en assurant sa garde les mardis soirs et les week-ends et qu'il a participé à l'entretien de ce dernier en s'acquittant d'une pension alimentaire de 300 euros mensuels entre janvier et mai 2020. S'il est vrai que le requérant n'a pas vu son enfant pendant les huit mois de son incarcération à partir de février 2021, il apparaît que l'intéressé avait sollicité un droit de visite, avec l'accord de la mère, lequel avait été accepté par le juge aux affaires familiales par un jugement du 26 avril 2021, mais s'est heurté à un refus de l'administration pénitentiaire. La même décision judiciaire maintient d'ailleurs l'exercice en commun de l'autorité parentale et prévoit que le requérant pourra exercer un droit de visite médiatisé à sa sortie de prison, tout en le dispensant d'une participation financière au vu de son état d'impécuniosité. Eu égard à l'ensemble de ces indications et contrairement à ce qu'a retenu l'autorité préfectorale, M. C... doit être regardé comme établissant contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils de nationalité française. Si le préfet oppose en défense la menace que l'intéressé représenterait pour l'ordre public compte tenu de ses trois condamnations pénales récentes et de la gravité particulière des faits ayant justifié sa détention, il ressort cependant des pièces du dossier et notamment de la décision rendue par le juge d'application des peines le 21 octobre 2021 que le requérant s'est engagé dans un processus de soins pour lutter contre son addiction et qu'il n'est pas considéré comme une personne " ancrée dans la délinquance ". Il a également fait preuve d'un bon comportement en prison où il a été autorisé à travailler comme auxiliaire de nettoyage. Dans les circonstances particulières de l'espèce et pour l'ensemble de ces motifs, M. C... est fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, l'autorité préfectorale a porté atteinte à l'intérêt supérieur du jeune A... et a méconnu, ce faisant, les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. "

5. Le préfet souligne devant la cour la gravité des faits à l'origine des condamnations de M. C.... Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné le 2 juin 2020 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de dégradation d'un bien appartenant à autrui, rébellion, outrage à personne dépositaire de l'autorité publique et violence en état d'ivresse manifeste suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis

le 27 mars 2020. Il a ensuite été condamné le 8 décembre 2020 à 5 mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant 2 ans pour des faits de violence en état d'ivresse suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis le 7 juillet 2020 à l'encontre de la mère de son enfant français né le 8 novembre 2019, dont il est séparé. Il a, à nouveau, été condamné

le 15 février 2021 à un an et six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans pour violences suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours à l'encontre de la mère de son enfant, faits commis devant ce dernier le 11 février 2021, et il lui a été interdit d'entrer en contact avec la mère de son enfant.

6. Toutefois, il ressort du jugement du 26 avril 2021 que le juge aux affaires familiales a accordé à M. C... un droit de visite médiatisée de son enfant pendant six mois à compter du premier entretien suivant sa sortie de prison à raison de deux demi-journées par mois. Contrairement à ce que soutient le préfet, la circonstance que l'intéressé n'ait pas vécu avec son fils ne l'a pas empêché de créer avec l'enfant des liens affectifs, comme les nombreuses photographies produites devant le premier juge en attestent. Dans ces conditions, au regard du parcours de soin de son addiction entamé par l'intéressé et alors que la mère de l'enfant a elle-même sollicité devant les juridictions pénales que soit maintenu le lien entre l'enfant et son père, le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu une méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour annuler la décision d'éloignement en cause.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :

7. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 novembre 2021, les conclusions de la requête n° 21BX04608 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement deviennent sans objet.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 21BX04607 du préfet de la Haute Garonne est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 21BX04608 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... C.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

La présidente-assesseure,

Anne Meyer

La présidente, rapporteure,

Catherine B...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX04607, 21BX04608 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04607
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité interne. - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. - Parents d'enfants français résidant en france.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : DUPOUX MORGANE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-24;21bx04607 ?
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