La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2022 | FRANCE | N°19BX04535

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 07 avril 2022, 19BX04535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire et de condamner l'établissement public Voies navigables de France (VNF) à lui verser une indemnité d'un montant total de 244 994 euros

en réparation des préjudices qu'il attribue à des lâchers d'eau du trop-plein du canal du Midi.

Par un jugement n° 1800258 du 3 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te enregistrée le 26 novembre 2019 et des mémoires enregistrés

les 24 août et 14 octobre 2020 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire et de condamner l'établissement public Voies navigables de France (VNF) à lui verser une indemnité d'un montant total de 244 994 euros

en réparation des préjudices qu'il attribue à des lâchers d'eau du trop-plein du canal du Midi.

Par un jugement n° 1800258 du 3 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2019 et des mémoires enregistrés

les 24 août et 14 octobre 2020 et le 3 mars 2021, M. A..., représenté par Me Dupey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire ;

3°) de condamner l'établissement public VNF à lui verser les sommes de 224 994 euros au titre de son préjudice matériel et de 20 000 euros au titre de son préjudice moral, avec intérêts et capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de VNF les frais d'expertise de 11 437,67 euros ainsi

qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- si l'érosion a commencé en 2005, le préjudice ne s'est révélé qu'en 2015 avec l'effondrement du talus et il a présenté une réclamation préalable le 4 novembre 2017, de sorte que sa créance n'est pas prescrite ; au demeurant de nouveaux lâchers ont été réalisés en décembre 2020 et février 2021, et le préjudice, évolutif, n'est pas encore entièrement révélé ;

- le ruisseau du Lascardos n'est plus un cours d'eau naturel dès lors qu'il est utilisé pour des lâchers d'eau destinés à réguler le canal du Midi ; il est nécessaire à l'exécution des missions de service public de VNF, et la vanne utilisée par VNF pour les lâchers d'eau est un aménagement du domaine public fluvial du canal du Midi indispensable à l'exécution du service public de la navigation ; le ruisseau constitue ainsi une dépendance du domaine public, et il appartient à VNF de l'entretenir en vertu de l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques, ou de l'article L. 2124-21 de ce code dans la mesure où il constitue un épanchoir du canal du Midi ou devait être aménagé pour recevoir l'eau d'un épanchoir ;

- à titre subsidiaire, en relevant qu'il aurait dû envisager le retrait des arbres ayant poussé sur le talus qui commençait à être déstabilisé, l'expert n'a pas caractérisé un manquement aux dispositions de l'article L. 1215-14 du code de l'environnement ; il n'avait aucune obligation d'enlever les arbres du talus, et ni le maire, ni le préfet n'ont fait usage de leurs pouvoirs de police pour le mettre en demeure de le faire ; il n'était pas en mesure d'anticiper les lâchers d'eau en l'absence d'information de VNF sur la fréquence, le volume, la durée et l'intensité des rejets ; il justifie de l'entretien de sa parcelle ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il ne peut être déduit du rapport d'expertise que l'absence d'entretien du talus serait la cause déterminante de son effondrement, puisque l'expert a estimé que les délestages mal contrôlés de VNF constituaient le facteur anthropique prépondérant de la rupture de l'équilibre ;

- son préjudice matériel s'élève à 224 994 euros TTC en appliquant une TVA de 20 % au coût HT de 187 495 euros retenu par l'expert ;

- il est également fondé, comme il l'a fait en première instance, à demander la réparation de son préjudice d'angoisse à hauteur de 20 000 euros car le caractère évolutif du désordre met en péril la berge entière et à terme son habitation, et l'établissement public VNF n'est pas intervenu alors qu'il a été alerté sur la dangerosité de la situation ;

- les frais d'expertise de 11 743,67 euros doivent être mis à la charge de VNF.

Par des mémoires en défense enregistrés les 7 juillet, 21 septembre et 17 décembre 2020, l'établissement public Voies Navigables de France (VNF), représenté par la SELARL Axone Droit Public, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- dès lors que les désordres constatés en 2005 consistaient en des glissements de parties du talus et en des " éboulements des arbres déracinés ", M. A... avait connaissance du préjudice dans sa pleine étendue en 2005, de sorte que sa créance était atteinte par la prescription quadriennale lorsqu'il a présenté sa demande indemnitaire le 4 novembre 2017, et même lorsqu'il a saisi le juge des référés en 2015 ; cette prescription a été opposée devant le tribunal ;

- il est en droit de se prévaloir de la prescription trentenaire, acquise en 1993, permettant d'imposer aux propriétaires des fonds inférieurs une modification au régime de l'écoulement des eaux du Lascardos ;

A titre subsidiaire :

- le ruisseau du Lascardos, qui n'est pas un épanchoir, ne relève d'aucune des catégories définies à l'article L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques comme relevant du domaine public fluvial du canal du Midi, de sorte que l'entretien de ce ruisseau ne lui incombe pas ;

- le délestage effectué trois ou quatre fois par an, durant quatre jours en moyenne

depuis 1963, n'est pas à l'origine des désordres dès lors que ceux-ci ne seraient pas apparus sans la crue de 2000 et le développement des arbres sur la berge ; c'est à tort que l'expert a estimé que les délestages avaient eu un rôle dans la survenance du désordre au motif que VNF n'a pas été en mesure d'indiquer les consignes d'usage de la vanne, alors qu'il a écarté les causes anthropiques tenant à la modification du lit naturel du ruisseau par Vinci-ASF et à l'imperméabilisation des sols du bassin versant, au motif qu'il n'était pas en mesure de les quantifier ;

- l'absence d'entretien adapté du talus par M. A..., propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial, constitue une faute de la victime de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité éventuelle ;

A titre infiniment subsidiaire :

- l'effondrement d'un talus n'excède pas les sujétions incombant normalement aux riverains d'un cours d'eau ;

- la pose de micropieux proposée par M. A... a un coût très élevé, sa réalisation reporterait la problématique érosive sur la rive droite du ruisseau, et l'autorisation de travaux au titre de la loi sur l'eau nécessaire risquerait d'être refusée en raison des incidences sur le milieu naturel ; l'étude qu'il a fait réaliser propose trois solutions d'un coût inférieur, dont la plus coûteuse est de 107 763 euros HT, de sorte que le préjudice de M. A... ne saurait excéder ce montant ;

- la demande relative à un préjudice moral d'angoisse est nouvelle en appel, donc irrecevable, et l'existence d'un tel préjudice n'est démontrée par aucun justificatif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique.

Une note en délibéré présentée pour VNF a été enregistrée le 28 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a acquis en 1980 à Castanet-Tolosan (Haute-Garonne) une maison d'habitation sur un terrain cadastré BE n° 4, bordé au Sud-Est par le ruisseau du Lascardos, lequel reçoit les rejets d'une station d'épuration gérée par la communauté d'agglomération Sicoval, ainsi que des délestages d'eau en provenance du canal du Midi réalisés par l'établissement public Voies navigables de France (VNF), ces derniers transitant par une conduite d'un mètre de diamètre qui débouche dans le ruisseau au niveau de la parcelle BE n° 4. Le 22 juin 2015, M. A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'expertise, à laquelle il a été fait droit par une ordonnance n° 1502882 du 23 septembre 2015 au contradictoire du Sicoval, de VNF et de l'Etat, afin de rechercher les causes d'un effondrement du talus en rive gauche du ruisseau. Cette expertise a été étendue à la commune de Castanet-Tolosan par une ordonnance n° 1600436 du 24 février 2016. Dans son rapport déposé le 19 avril 2017, l'expert a conclu que les décharges en provenance du canal du Midi par VNF et l'absence d'entretien adapté du talus de la berge par M. A... pouvaient être considérées comme les deux causes principales des désordres, en proportion sensiblement égale. M. A... a présenté à VNF une réclamation préalable par lettre du 4 novembre 2017, et en l'absence de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande de condamnation de cet établissement à lui verser une indemnité d'un montant total

de 244 994 euros. Il relève appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande au motif que la cause déterminante de l'effondrement était l'absence d'entretien adapté du talus, et a mis à sa charge les frais d'expertise de 11 473,67 euros.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. La décision implicite née du silence de VNF sur la réclamation préalable de M. A... n'a eu pour effet que de lier le contentieux. Par suite, les conclusions tendant à son annulation ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur l'exception de prescription quadriennale :

3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ".

4. Si M. A... a indiqué lors de l'expertise que l'érosion du talus de sa propriété en rive gauche du ruisseau était apparue à partir de 2005, il résulte de l'instruction, contrairement à ce qu'affirme VNF, que l'effondrement du talus l'ayant conduit à saisir le juge des référés est survenu en 2015. Par suite, la prescription quadriennale n'était pas acquise lorsque M. A... a saisi VNF d'une réclamation préalable en novembre 2017.

Sur la responsabilité :

5. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

6. Il résulte de l'instruction qu'une érosion au pied du talus constituant la rive gauche du Lascardos sur la propriété de M. A... a provoqué un effondrement de ce talus par glissement, ainsi que le déracinement de plusieurs arbres. L'expert a exclu toute influence du déversement à très faible débit des eaux traitées par la station d'épuration sur cette érosion. Il a identifié trois actions anthropiques ayant pu avoir un lien avec la rupture de l'équilibre du talus, soit les délestages mal contrôlés réalisés trois à quatre fois par an par VNF, la modification du lit du ruisseau par la société Vinci-ASF lors de la construction de l'autoroute A 61 à la fin des années 1970, et la modification des débits par la commune de Castanet-Tolosan du fait de la progression de l'urbanisation à partir des années 1970. Si l'absence de données historiques ne lui a pas permis de calculer les importances relatives de ces trois facteurs, il a constaté que les érosions les plus importantes se trouvaient à proximité immédiate de l'ouvrage de délestage de VNF alimentant le ruisseau sur la propriété de M. A..., risquant même à terme de déchausser cet ouvrage, et en a déduit que les délestages mal contrôlés de VNF constituaient le facteur anthropique prépondérant de la rupture de l'équilibre du talus. Il résulte des explications développées par l'expert dans une note technique diffusée aux parties le 28 septembre 2016 que la constatation pour la première fois en 2005 d'une érosion, probablement due à une déstabilisation du pied de talus à partir de l'année 2000 qui a connu un épisode pluvieux important, n'est pas de nature à mettre en cause le lien entre l'érosion et le fonctionnement de l'ouvrage de délestage construit en 1963, les délestages ayant créé les conditions d'instabilité du talus, et l'augmentation des débits de crue ayant aggravé le phénomène d'érosion. VNF ne conteste pas utilement sa responsabilité en se bornant à faire valoir que les délestages, qu'il admet réaliser trois à quatre fois par an durant quatre jours en moyenne depuis 1963, ne seraient pas apparus sans la crue de 2000, alors que celle-ci a nécessité un délestage important et a dû générer, comme l'a relevé l'expert dans une autre note technique diffusée le 23 janvier 2017, un débit de l'ordre de 8 à 9 m3 par seconde, susceptible de créer " un début de rupture d'un équilibre instable qui va créer petit à petit des érosions arrivant au déséquilibre observé en 2005. " La responsabilité de VNF dans la survenue du dommage accidentel à la propriété de M. A... est ainsi engagée.

7. Il résulte de la note technique diffusée le 23 janvier 2017 qu'un talus est en équilibre lorsque les charges qui lui sont appliquées génèrent des efforts compatibles avec la cohésion des matériaux qui le constituent, et qu'en l'espèce, la perte d'équilibre a été causée par deux types d'efforts, d'une part le sous-cavage par l'eau sur les matériaux de pied de talus ainsi qu'il est exposé au point précédent, et d'autre part la pression sur la pente du talus en raison de la présence d'arbres qui ont grandi. L'expert a précisé que si la présence d'arbres à proximité d'un talus peut être un atout de stabilité à condition de bien choisir leur essence et de les positionner à environ 3 mètres en retrait de la crête de talus, il est toujours recommandé de ne pas laisser des arbres dans la pente. Il a relevé que M. A... aurait dû envisager le retrait des arbres en constatant en 2005 que le talus commençait à être déstabilisé. La présence d'arbres, dont certains d'une hauteur de l'ordre de 10 mètres qui ont été déracinés lors de l'effondrement du talus, est établie par les pièces du dossier, et les attestations relatives à un entretien régulier par élagage produites par M. A... ne mettent pas en cause la contribution du poids des arbres à la déstabilisation du talus ayant contribué à la survenue du dommage.

8. Aux termes de l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques : " L'entretien, tel que défini aux articles L. 215-14 et L. 215-15 du code de l'environnement, des cours d'eau domaniaux et de leurs dépendances est à la charge de la personne publique propriétaire du domaine public fluvial. / (...). " Aux termes de l'article L. 2124-21 du même code : " L'entretien des épanchoirs du canal du Midi, à l'exception des vingt et un épanchoirs à fleur d'eau du bief du bassin rond est à la charge de la personne publique propriétaire du canal, y compris les rigoles ou fossés d'évacuation des eaux de ces épanchoirs dans les ruisseaux ou rivières voisins. / Les rigoles ou fossés d'évacuation seront entretenus aux dimensions nécessaires pour assurer l'écoulement des eaux des épanchoirs sans dommages aux propriétés voisines. / Les ruisseaux qui n'auraient pas les dimensions suffisantes pour recevoir le débit amené par ces rigoles ou fossés seront creusés et entretenus pour moitié par la personne publique propriétaire du canal et pour moitié par les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent. (...). / Aucun épanchoir ne pourra être fermé et aucun épanchoir nouveau ne pourra être établi ou le débit d'un épanchoir augmenté par la personne publique propriétaire du canal sans consultation des intéressés et des municipalités et sans établissement dans les deux derniers cas des rigoles ou fossés d'évacuation nécessaires à l'écoulement des eaux provenant de ces épanchoirs. " Le déversement d'eau par VNF dans le ruisseau du Lascardos n'est pas de nature à faire regarder ce dernier comme une dépendance d'un cours d'eau domanial, alors que les dépendances du domaine public du canal du Midi, dont le Lascardos ne fait pas partie, sont définies à l'article L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 2124-21 que seul l'entretien des ouvrages que constituent les épanchoirs incombe à VNF, et non celui des ruisseaux ou rivières dans lesquels se déversent les eaux, le Lascardos n'étant ni une rigole, ni un fossé d'évacuation. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que VNF aurait dû assurer l'entretien de la berge du ruisseau dont il est propriétaire.

9. Aux termes de l'article L. 215-7 du code de l'environnement : " L'autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux. / (...). " Aux termes de l'article L. 215-12 du même code : " Les maires peuvent, sous l'autorité des préfets, prendre toutes les mesures nécessaires pour la police des cours d'eau. " M. A..., auquel incombe l'entretien du talus situé sur sa propriété, ne peut utilement faire valoir qu'il n'aurait pas été mis en demeure de le faire par les autorités chargées de la police de l'eau, alors au demeurant qu'aucun obstacle au libre cours du Lascardos ne résulte de l'instruction.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 que le fait d'avoir laissé des arbres sur le talus qui montrait des signes de déstabilisation constitue une faute de la victime de nature à exonérer partiellement VNF de sa responsabilité. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'expert a conclu que les décharges en provenance du canal du Midi par VNF et l'absence d'entretien adapté du talus de la berge par M. A... pouvaient être considérées comme les deux causes principales des désordres, en proportion sensiblement égale. Dans ces circonstances, il y a lieu de fixer à 50 % la part de responsabilité de VNF.

Sur les préjudices :

11. L'expert a estimé que le devis de 187 495 euros HT produit par M. A... pour des travaux de stabilisation du talus en utilisant la technique de la paroi cloutée était de nature à permettre de réparer les désordres de la rive gauche du ruisseau. VNF, qui fait valoir que la réalisation de ces travaux d'un coût très élevé reporterait la problématique érosive sur la rive droite du ruisseau et que l'autorisation de travaux nécessaire au titre de la loi sur l'eau risquerait d'être refusée en raison des incidences sur le milieu naturel, a produit pour la première fois en appel une étude présentant trois solutions alternatives pour stabiliser le talus, dont deux ont sur l'environnement un impact lourd ou très lourd, et la troisième un impact moyen mais une mise en œuvre compliquée. Cependant, VNF n'a pas proposé de mettre en œuvre ces moyens moins coûteux de remédier aux désordres, lesquels nécessitent également une autorisation au titre de la loi sur l'eau. Quant à la problématique érosive sur la rive droite du ruisseau, dont il n'est pas démontré qu'elle serait sensiblement modifiée par la réalisation des travaux proposés par M. A..., elle existe déjà, comme l'a signalé l'expert qui a alerté les parties sur des désordres potentiels à venir compte tenu d'une fissuration de l'ouvrage de délestage de VNF et de l'apparition de sous-cavages en rive droite, pouvant être une amorce de déstabilisation du talus en rive droite appartenant à l'Etat. L'expert a d'ailleurs évoqué la possibilité d'une médiation qui n'a pas retenu l'attention des parties, et par une lettre enregistrée le 11 janvier 2022, VNF a refusé la médiation proposée par la cour. Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir un coût des travaux de 187 495 euros HT correspondant à 224 994 euros TTC que VNF doit supporter à hauteur de 50 %, soit 112 497 euros.

12. Toutefois, la condamnation de VNF à verser une indemnité de 112 497 euros à M. A... ne permettra pas de mettre fin aux désordres causés par l'ouvrage de délestage du canal du Midi, dont l'extension à la rive droite du ruisseau du Lascardos appartenant à l'Etat apparaît inéluctable. Dans ces circonstances, il y a lieu de laisser le choix à l'établissement public VNF entre le versement de cette indemnité et la réalisation des travaux de busage du ruisseau du Lascardos avec des dalots préconisés par l'étude hydraulique Eaucéa qu'il a produite, dès lors que selon le tableau comparatif des trois propositions, celle-ci est simple, avec une courte durée des travaux, et présente les meilleures garanties en termes de défense des berges et de pérennité de l'aménagement. Par suite, VNF doit être condamné à verser une indemnité de 112 497 euros à M. A..., si mieux n'aime réaliser les travaux de busage du ruisseau du Lascardos avec des dalots préconisés par l'étude Eaucéa, dans le respect de la loi sur l'eau, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

13. L'existence d'un risque de nouvel effondrement susceptible d'avoir des conséquences graves sur la propriété de M. A... ne résulte pas de l'instruction, dès lors qu'il serait remédié à l'effondrement du talus dans un délai raisonnable. Par suite, la demande relative à l'indemnisation d'un préjudice d'angoisse ne peut être accueillie en l'état.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 octobre 2019 doit être annulé et que VNF doit être condamné à verser une indemnité de 112 497 euros à M. A..., si mieux n'aime réaliser dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, dans le respect de la loi sur l'eau, les travaux de busage du ruisseau du Lascardos avec des dalots préconisés par l'étude hydraulique Eaucéa.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

15. D'une part, lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. De même, la capitalisation s'accomplit à nouveau, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

16. Il résulte de l'instruction que la réclamation préalable a été adressée à VNF le 6 novembre 2017. Par suite, dans l'hypothèse où VNF n'exécuterait pas les travaux de busage du ruisseau, M. A... a droit aux intérêts sur la somme de 112 497 euros à compter de cette date, et à leur capitalisation à compter du 6 novembre 2018 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

17. Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme

de 11 473,67 euros par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse nos 1502882, 1600436 du 16 mai 2017, doivent être mis à la charge de VNF.

18. VNF, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1800258 du 3 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : VNF est condamné à verser une indemnité de 112 497 euros à M. A..., avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2017 et capitalisation à compter 6 novembre 2018 et à chaque échéance annuelle ultérieure, si mieux n'aime réaliser les travaux de busage du ruisseau du Lascardos avec des dalots préconisés par l'étude Eaucéa, dans le respect de la loi sur l'eau, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 11 473,67 euros, sont mis à la charge de VNF.

Article 4 : VNF versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à Voies navigables de France. Des copies en seront adressées pour information au préfet de la Haute-Garonne, à la ministre de la transition écologique, à la commune de Castanet-Tolosan et à l'expert.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04535
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-02-02-03 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Régime de la responsabilité. - Qualité de tiers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : DUPEY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-07;19bx04535 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award