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16/11/2023 | FRANCE | N°23BX01526

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 16 novembre 2023, 23BX01526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, et, d'autre part, l'arrêté en date du même jour par lequel le préfet de la Corrèze a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement nos 2300

755, 2300756 du 4 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, et, d'autre part, l'arrêté en date du même jour par lequel le préfet de la Corrèze a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement nos 2300755, 2300756 du 4 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a, après avoir joint les deux affaires, rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023, M. B..., représenté par Me Mercier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mai 2023 ;

2°) d'annuler les deux arrêtés préfectoraux du 27 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze, d'une part, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et d'autre part, de procéder au retrait de son inscription dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas visé les mémoires communiqués dans chaque instance le 30 avril 2023 et n'a pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions combinées du 4° de l'article L. 611-1 et de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 731-1 et R. 733-1 de ce code, et de l'erreur de fait à l'avoir assigné dans un périmètre duquel est exclu son lieu de résidence ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier, dès lors qu'elle ne tient pas compte de son état de santé ou de la présence sur le territoire en situation régulière de sa sœur ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été entendu préalablement à son édiction ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la présence en France de sa compagne et de sa sœur ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 et celles de l'article L. 542-2 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas reçu notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sur sa demande de réexamen ;

- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code, dès lors qu'il dispose de garanties de représentation suffisantes, propres à prévenir tout risque de fuite, et qu'il ne représente pas un risque pour l'ordre public ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation faute de faire apparaître les quatre critères énoncés par l'article L. 612-6 et en l'absence de précisions s'agissant de sa durée ; le tribunal n'a pas répondu à ce dernier moyen ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code précité faute de préciser sa durée ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas un risque pour l'ordre public et qu'il dispose d'attaches sur le territoire ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ;

- la décision d'assignation à résidence est entachée d'un défaut de motivation en ce que, d'une part, elle ne fait état d'aucune démonstration du caractère raisonnable de la perspective de mise à exécution de la décision d'éloignement et, d'autre part, elle retient un périmètre qui exclut son lieu de résidence ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ;

- elle méconnaît l'article L. 731-1 du code faute de démonstration sur le caractère raisonnable de la perspective de mise à exécution de la décision d'éloignement, ainsi que l'article R. 733-1 en fixant un périmètre n'incluant pas son lieu de résidence à Toulouse, comme le préfet a pu s'en rendre compte avec la consultation de TelemOfpra ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- elle est également entachée d'une erreur de fait s'agissant de la détermination de ce périmètre.

La requête a été communiquée au préfet de la Corrèze qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né en janvier 1984, est entré en France le 30 septembre 2020. Il a fait l'objet, le 29 décembre 2021, d'un arrêté du préfet de la

Haute-Vienne portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un arrêté du 19 juillet 2022, le préfet de la Haute-Vienne a prolongé cette interdiction de retour pour deux ans. M. B... a déposé le 22 septembre 2022 auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), une demande d'asile qui a été rejetée par décision du 6 décembre 2022, puis une demande de réexamen qui a été déclarée irrecevable par décision du 5 avril 2023. A la suite de son interpellation, le 26 avril 2023, pour vol en réunion, le préfet de la Corrèze a pris à son encontre, le 27 avril 2023, deux arrêtés, l'un portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour d'une durée de trois ans, l'autre l'assignant à résidence dans le département de la Corrèze. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 4 mai 2023, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces des deux dossiers de première instance que M. B... a produit, dans chacun d'eux, un mémoire enregistré le 30 avril 2023 que le premier juge n'a pas visé. Dans ses écritures, M. B... soutenait notamment que, d'une part, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les dispositions combinées du 4° de l'article L. 611-1 et de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, d'autre part, l'arrêté portant assignation à résidence méconnaissait les dispositions combinées des articles L. 731-1 et R. 733-1 de ce code et était entaché d'une erreur de fait quant au périmètre de l'assignation. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Par suite, son jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Limoges.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour :

4. M. Jean-Luc Tarrega, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation du préfet de la Corrèze, par arrêté du 8 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 19-2022-084 du même jour, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

5. L'arrêté vise notamment l'article L. 611-1, ainsi que les articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs aux conditions dans lesquelles prend fin le droit, pour les demandeurs d'asile, de se maintenir sur le territoire français. Il rappelle le parcours de M. B... depuis son entrée en France, le rejet de sa demande de réexamen par l'OFPRA et les trois condamnations pénales dont il a fait l'objet. Il précise que la mesure d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La circonstance que cet arrêté ne mentionne ni la présence de la sœur de M. B... sur le territoire, ni la pathologie oculaire pour laquelle le requérant allègue bénéficier d'un suivi médical, est sans incidence sur la régularité de la motivation de la décision, laquelle énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde.

6. Au vu de ces éléments, et contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de la Corrèze a procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision, et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

8. M. B... n'apporte aucune précision sur les éléments qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter au préfet de la Corrèze et qui auraient pu influer sur le sens de la décision, ni ne produit, dans le cadre de la présente instance, de pièces pouvant démontrer que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu ne peut qu'être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ".

10. Après le rejet de sa demande d'asile par une décision de l'OFPRA du 6 décembre 2022, M. B... a déposé une demande de réexamen qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité du 5 avril 2023, ainsi qu'il a été dit au point 1. En application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français a pris fin à compter de cette dernière date, et la circonstance, à la supposer établie, qu'il n'aurait pas reçu notification de la décision de l'OFPRA à la date de l'arrêté préfectoral en litige, est sans incidence sur la légalité de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 et de l'article L. 542-2 doit être écarté.

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était, à la date de l'arrêté en litige, présent sur le territoire français depuis moins de trois ans. S'il soutient avoir une relation amoureuse avec une compatriote en situation régulière et fait état de la présence de sa sœur également en situation régulière sur le territoire, il n'apporte aucune pièce au soutien de ses allégations, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où vivent ses frères et sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Il ne conteste pas avoir fait l'objet de trois condamnations pénales, le 27 avril 2021 à un an et trois mois d'emprisonnement pour transport, détention, acquisition et importation non autorisés de stupéfiants, le 10 mars 2022 à six mois d'emprisonnement pour récidive d'escroquerie, et le 24 octobre 2022 à cinq mois d'emprisonnement pour dégradation ou détérioration du bien d'autrui commise en réunion. La circonstance que sa dernière interpellation, le 26 avril 2023, pour des faits de vol en réunion, n'aurait donné lieu à aucune condamnation pénale, est sans incidence sur la menace pour l'ordre public que son comportement représente. Dans ces conditions, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Corrèze n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Au vu des éléments factuels énoncés au point précédent, le préfet de la Corrèze n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire :

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper d'une illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

15. L'arrêté vise les dispositions des 1° et 3° de l'article L. 612-2 et des 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il énonce, après avoir rappelé les trois condamnations pénales dont M. B... a fait l'objet, que son comportement constitue un risque de trouble pour l'ordre public, et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement dès lors qu'il s'est déjà soustrait à une telle mesure en décembre 2021 et qu'il ne justifie ni de documents d'identité et de voyage, ni de domicile pérenne. La décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, et elle est suffisamment motivée.

16. Il ressort des énonciations de la décision en litige que le préfet de la Corrèze a procédé à un examen particulier de la situation de M. B.... L'erreur de plume du préfet selon laquelle il agissait en dérogation aux dispositions visées, et non en application de

celles-ci, est sans incidence sur la légalité de la décision.

17. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "

18. D'une part, eu égard aux trois condamnations pénales dont M. B... a fait l'objet sur une période relativement courte, son comportement représente une menace pour l'ordre public, sans qu'il puisse utilement faire valoir que sa dernière interpellation, le

26 avril 2023, pour vol en réunion, n'aurait donné lieu à aucune condamnation. D'autre part, M. B... ne conteste pas ne pas être en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. S'il produit une attestation de domiciliation dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile, il n'est pas établi que cette structure serait sa résidence effective et permanente depuis le rejet pour irrecevabilité, le 5 avril 2023, de sa demande de réexamen. Par suite et alors même que M. B... a fait l'objet, par arrêté préfectoral du même jour, d'une assignation à résidence, le préfet de la Corrèze n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

20. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

21. L'arrêté vise les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il rappelle l'entrée irrégulière et récente de M. B..., l'absence de régularisation de sa situation administrative, l'absence de liens personnels et familiaux en France, la soustraction à une précédente mesure d'éloignement et la gravité et le caractère récurrent des faits délictuels commis, avant de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. La décision portant interdiction de retour est ainsi suffisamment motivée.

22. Si le dispositif de l'arrêté est entaché d'une ambiguïté s'agissant de la durée de l'interdiction de retour, dès lors qu'il mentionne " pendant une durée d'un trois à compter de l'exécution " de la mesure d'éloignement, celle-ci est levée par les motifs de la décision qui précisent expressément que la durée de l'interdiction prononcée à l'encontre de M. B... est de trois ans.

23. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que M. B... n'établit pas avoir des attaches personnelles et familiales sur le territoire. Il a été reconnu coupable de plusieurs infractions pénales, dont l'une d'entre elles en état de récidive et s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet de la Corrèze n'a pas méconnu les dispositions précitées en assortissant la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

24. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper d'une illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

25. L'arrêté vise les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle que M. B... est de nationalité algérienne, et énonce qu'il n'est pas établi qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision est ainsi suffisamment motivée, et il en ressort que le préfet de la Corrèze a procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2023 portant assignation à résidence :

26. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article R. 733-1 de ce code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; (...) ".

27. Il ressort des énonciations de l'arrêté en litige que M. B... a indiqué " résider habituellement à Toulouse sans en justifier " et qu'il " présentait ainsi des garanties propres à prévenir le risque " qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français. Alors que M. B... soutient, dans le cadre de la présente instance, résider à Toulouse et produit une attestation de domiciliation dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile située dans cette ville, le préfet de la Corrèze qui n'a produit ni en première instance ni en appel, n'apporte aucun élément pour établir que M. B... aurait sa résidence dans ce département. Dans ces conditions, en fixant comme périmètre de l'assignation à résidence le département de la Corrèze, le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, à demander l'annulation de cet arrêté.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 avril 2023 l'assignant à résidence dans le département de la Corrèze.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

29. L'annulation par le présent arrêt de l'arrêté préfectoral assignant M. B... à résidence n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

30. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... et son conseil demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mai 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté préfectoral du 27 avril 2023 assignant M. B... à résidence dans le département de la Corrèze est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. B... et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente,

Mme D... E..., première assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Anne Meyer

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01526
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : MERCIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-16;23bx01526 ?
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