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23/10/2003 | FRANCE | N°03DA00402

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ere chambre, 23 octobre 2003, 03DA00402


Vu le recours, enregistré le 15 avril 2003 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; le ministre demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 02-0968 en date du 12 février 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite de rejet de la demande d'abrogation de l'arrêté, en date du 23 février 1998, prononçant l'expulsion du territoire de M. Ryski X et a enjoint au ministre de l'intérieur d'abroger ledit arrêté du 23 février 1998

dans un délai de quinze jours suivant notification du jugement ;

2') de ...

Vu le recours, enregistré le 15 avril 2003 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; le ministre demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 02-0968 en date du 12 février 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite de rejet de la demande d'abrogation de l'arrêté, en date du 23 février 1998, prononçant l'expulsion du territoire de M. Ryski X et a enjoint au ministre de l'intérieur d'abroger ledit arrêté du 23 février 1998 dans un délai de quinze jours suivant notification du jugement ;

2') de rejeter la demande d'abrogation de l'arrêté du 23 février 1998 présentée par

M. Ryski X devant le tribunal administratif de Lille ;

Code C Classement CNIJ : 335-02-06

Il soutient que la vie en concubinage de M. X avec une ressortissante française n°est pas établie ; que la circonstance que M. X soit père biologique d'un enfant de nationalité française n°est pas un élément déterminant de sa vie familiale dès lors que sa fille a fait l'objet d'une adoption plénière le 26 novembre 1992 et qu'en droit M. X n°en est plus le père ; que M. X s'est rendu coupable d'actes qui portent atteinte à l'ordre public, dont plusieurs d'une particulière gravité ; que le quantum des peines pour lesquelles M. X a été condamné entre 1984 et 1995 est de 8 ans et 10 mois d'emprisonnement dont 5 ans et 6 mois pour trafic de stupéfiants ; que compte tenu de la vie familiale ténue de M. X et des trafics de stupéfiants auxquels il s'est livré, la décision implicite de refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en application de l'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, les autres moyens invoqués par M. X sont inopérants dès lors qu'il est constant qu'il n°a jamais quitté le territoire français et, qu'à la date de sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion ;

Vu la décision et le jugement attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2003, présenté pour M. Ryski X, demeurant ..., par Me Berthe, avocat qui conclut au rejet du recours, à l'infirmation du jugement du tribunal administratif en ce qu'il n°a prononcé ni injonction sous astreinte ni injonction tendant à ce que l'administration lui délivre un titre de séjour, à ce que la Cour enjoigne au ministre de l'intérieur, d'une part, d'abroger l'arrêté ministériel d'expulsion dans un délai de 15 jours suivant notification de l'arrêt sous astreinte de 155 euros par jour de retard, d'autre part, de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de

155 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la réalité, la force et la stabilité de la relation entretenue par M. X et sa concubine, de nationalité française, est incontestable ; qu'il peut se prévaloir d'une vie familiale au quotidien avec sa fille malgré la décision d'adoption qui est intervenue ; qu'il est né en France et tous les membres de sa famille y sont installés ; que ses relations sociales sont en France et il n°a aucun lien avec le pays dont il a la nationalité ; qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et a donné des gages de réinsertion ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2003 où siégeaient

M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur, et M. Lequien, premier conseiller :

- le rapport de M. Lequien, premier conseiller,

- les observations de Me Berthe, avocat, pour M. X,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du ministre de l'intérieur est dirigé contre un jugement en date du 12 février 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite de rejet de la demande d'abrogation de l'arrêté, en date du 23 février 1998, prononçant l'expulsion du territoire de M. Ryski X ;

Considérant que M. X, de nationalité algérienne, est né en 1961 en France où sa famille est installée ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a noué en 1997 une liaison stable et sérieuse avec une ressortissante française avec laquelle il vit toujours et exerce vis à vis du fils de sa compagne un rôle de père ; qu'il est lui même père d'une fille de nationalité française qui a fait l'objet d'une adoption plénière en 1992 mais avec laquelle il a noué des relations étroites dès 1997 et qui, alors qu'elle est désormais majeure, vit actuellement chez M. X qui l'aide dans la mesure de ses possibilités ; qu'en outre M. X qui a été incarcéré à partir du mois d'octobre 1993 a eu un bon comportement en prison et a réussi à obtenir une qualification professionnelle comme 'mécanicien maintenance des systèmes industriels' ; que depuis sa sortie de prison, il trouve régulièrement de l'embauche comme intérimaire tout en étant félicité par ses employeurs ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance que M. X a été condamné à plusieurs reprises entre 1984 et 1995 à un quantum de peines de 8 ans et 10 mois d'emprisonnement dont 6 ans et 6 mois pour trafic de stupéfiants, et alors qu'aucun fait ne lui est reproché depuis sa sortie de prison en 1997, le refus d'abroger la mesure d'expulsion prise à son encontre a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, il a méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n°est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille annulé sa décision implicite de refus d'abrogation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que l'arrêté prononçant l'expulsion de M. X soit abrogé ; que le ministre de l'intérieur ne fait état d'aucun fait postérieur à la décision attaquée qui serait de nature à s'opposer à cette abrogation ; qu'ainsi,

M. X est fondé à demander au ministre de l'intérieur d'abroger l'arrêté d'expulsion dans un délai de 15 jours suivant notification du présent arrêt ; que, dans les circonstance de l'affaire, il y a lieu d'assortir l'injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Considérant que les conclusions de M. X tendant à ce que la Cour enjoigne au ministre de l'intérieur de lui délivrer un titre de séjour doivent être regardées comme présentées sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, compte tenu du motif d'annulation retenu et en l'absence de changement dans les circonstances de fait et de droit, d'enjoindre à l'administration de procéder à un réexamen de la situation de M. X au regard de son droit au séjour dans un délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 1 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales est rejeté.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales d'abroger l'arrêté, en date du 23 février 1998, prononçant l'arrêté d'expulsion du territoire de M. Ryski X dans un délai de quinze jours suivant notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jours de retard et de procéder à un examen de la demande de titre de séjour de M. Ryski X dans un délai de deux mois suivant notification du présent arrêt sous astreinte de

150 euros par jour de retard.

Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. Ryski X la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées devant la Cour par M. Ryski X est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Ryski X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 9 octobre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 23 octobre 2003 .

Le rapporteur

Signé : A. Lequien

Le président de chambre

Signé : G. Merloz

Le greffier

Signé : B. Robert

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte Robert

N°03DA00402 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 03DA00402
Date de la décision : 23/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Lequien
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-10-23;03da00402 ?
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