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26/01/2006 | FRANCE | N°05DA01349

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 26 janvier 2006, 05DA01349


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

27 octobre 2005 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 31 octobre 2005, présentée pour M. Mohamed X, demeurant ..., par

Me Paperman ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-5544, en date du 19 septembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 septembre 2005 par lequel le préfet du Nord a décidé sa rec

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

27 octobre 2005 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 31 octobre 2005, présentée pour M. Mohamed X, demeurant ..., par

Me Paperman ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-5544, en date du 19 septembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 septembre 2005 par lequel le préfet du Nord a décidé sa reconduite à la frontière et l'arrêté du même jour fixant le Maroc comme pays de destination ;

2°) d'annuler ces arrêtés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

Il soutient que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, motivé par l'article L. 511-1-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été pris sur un fondement erroné, son entrée en France ayant été, contrairement à ce qu'a retenu le préfet du Nord, régulière ; que le juge administratif ne pouvait pas opérer de substitution de base légale ; que le jugement attaqué est irrégulier comme n'ayant pas répondu au moyen, présenté dans sa requête de première instance, tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle ; que les décisions attaquées sont entachées d'une erreur de fait ; qu'elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 2 novembre 2005 fixant la clôture de l'instruction au

23 décembre 2005 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2005, présenté par le préfet du Nord qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il appartiendra au juge d'opérer au cas d'espèce une substitution de base légale ; que les décisions attaquées sont parfaitement motivées tant en fait qu'en droit ; qu'il a bien procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé ; que les décisions attaquées n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 25 octobre 2005, accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 20 décembre 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2006 :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président délégué ;

- les observations de Me Paperman, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que l'un des moyens présentés par M. X devant le Tribunal administratif de Lille, à l'appui de ses conclusions d'annulation, était tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle ; qu'il ressort des termes du jugement rendu le 19 septembre 2005 que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que ce défaut de réponse au moyen entache d'irrégularité le jugement critiqué ; que, dès lors, M. X est fondé à en demander l'annulation en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière et contre la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour administrative d'appel de Douai d'évoquer dans la même mesure et de statuer immédiatement sur la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Lille en tant qu'elle est dirigée contre l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, par un arrêté du 1er mars 2005, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné à M. Michel Y, directeur de la réglementation et des libertés publiques, délégation pour signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Y n'avait pas compétence pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant que l'arrêté du 15 septembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de

M. X énonce les considérations de fait et de droit sur lesquels il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ( … ) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son titre de séjour ; qu'ainsi, il se trouvait dans le cadre des dispositions du 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorisaient l'autorité préfectorale à décider, le cas échéant, sa reconduite à la frontière ; que la circonstance que le préfet du Nord a fondé à tort son arrêté du 15 septembre 2005, non sur cette disposition, mais sur le 1° de l'article L. 511-1 dudit code, n'est pas de nature à entacher cet arrêté d'illégalité dès lors que les deux dispositions permettent au préfet de prendre la même mesure et que, les conditions fixées pour la mise en oeuvre des dispositions du 2° étant, en l'espèce, réunies, la substitution de la première à la seconde comme base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'a pas procédé à l'examen particulier et complet de la situation personnelle de M. X avant d'ordonner sa reconduite à la frontière ou qu'il se serait fondé sur des faits matériellement inexacts ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il a résidé et a été scolarisé en France de 1980 à 1985 ; qu'après le divorce de ses parents prononcé au Maroc en 1986, il est resté dans son pays d'origine en compagnie de sa mère et de son frère, et que son père est retourné vivre en France où il a refait sa vie ; qu'il est sans nouvelles de sa mère depuis de nombreuses années et que, depuis le décès de ses grands-parents à la garde desquels il avait été confié au Maroc, le centre de ses attaches familiales se trouve en France ; qu'il y serait revenu en 2004 afin de reprendre contact avec son père et son frère qui y vivent régulièrement ; que, toutefois, l'intéressé, entré sur le territoire national à l'âge de 30 ans, est célibataire et sans enfant ; qu'il n'apporte aucun élément pour démontrer, comme il le soutient, qu'il n'a plus aucun contact avec sa mère restée au Maroc et n'aurait donc plus d'attaches dans son pays d'origine ; qu'au demeurant, il a également déclaré n'avoir pas de relations avec son père et les membres de sa fratrie en France ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la courte durée et des conditions du séjour de M. X en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé, qui ne peut se prévaloir d'aucune vie familiale sur le territoire national, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le Maroc comme pays de destination :

Considérant, d'une part, que, par un arrêté du 1er mars 2005, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné à M. Michel Y, directeur de la réglementation et des libertés publiques, délégation pour signer, notamment, les décisions fixant les pays à destination desquels doivent être reconduites les personnes visées par des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que

M. Y n'avait pas compétence pour signer la décision attaquée manque en fait ;

Considérant, d'autre part, que si M. X soutient que le préfet du Nord a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il y a lieu, pour les mêmes raisons que celles développées précédemment, d'écarter ledit moyen ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre par le préfet du Nord, le 15 septembre 2005, et celle de l'arrêté du même jour fixant le Maroc comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. X qui tendent à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille, en date du 19 septembre 2005, est annulé en tant qu'il rejette, d'une part, les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du préfet du Nord du 15 septembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et, d'autre part, les conclusions d'annulation dirigées contre la décision du même jour fixant le pays de destination.

Article 2 : Les conclusions d'annulation présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Lille contre les deux décisions préfectorales mentionnées à l'article 1er sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05DA01349
Date de la décision : 26/01/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : PAPERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-01-26;05da01349 ?
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