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08/02/2007 | FRANCE | N°05DA00970

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 08 février 2007, 05DA00970


Vu la requête, enregistrée le 1er août 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Charles Y, demeurant ..., par la SCP Duranton, Lecuyer, Mitton, Spagnol, Campanaro ; M. Y demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0300900, en date du 12 mai 2005, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du

25 mars 2003 par laquelle le préfet de l'Eure a indiqué à Mme Z que son projet d'exploitation de terres agricoles d'une surface de 16 hectares 29 ares 25 centiares situ

es à Damville n'était pas soumis à autorisation ;

2°) d'annuler ladite ...

Vu la requête, enregistrée le 1er août 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Charles Y, demeurant ..., par la SCP Duranton, Lecuyer, Mitton, Spagnol, Campanaro ; M. Y demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0300900, en date du 12 mai 2005, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du

25 mars 2003 par laquelle le préfet de l'Eure a indiqué à Mme Z que son projet d'exploitation de terres agricoles d'une surface de 16 hectares 29 ares 25 centiares situées à Damville n'était pas soumis à autorisation ;

2°) d'annuler ladite décision en date du 25 mars 2003 ;

3°) de condamner conjointement l'Etat et Mme Caroline Z à lui verser une somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'il est recevable à contester la décision du 25 mars 2003 qui ne comporte aucune motivation et est ainsi entachée d'un vice de nature à justifier son annulation ; que la situation réelle de Mme Z n'a pas été exactement appréciée ; que si l'EARL de Vaux, dont Mme Z est la gérante, exploite environ 150 hectares sur les communes de Roncenay-Authenay, Buis-sur-Damville, Manthelon, Coudres et Les Essarts, il convient d'y ajouter les superficies exploitées par l'intermédiaire de la SCA A, constituée de la mère et de la tante de l'intéressée, ce qui correspond à une superficie de 285 hectares effectivement exploitée avec le même matériel ; que Mme Z a voulu contourner les dispositions applicables en matière de contrôle des structures puisque la seule reprise des 16 hectares en litige en système céréalier n'est absolument pas viable, l'opération visant en fait à intégrer cette superficie supplémentaire dans un ensemble de terres déjà très conséquent ; que la décision du 25 mars 2003 ne prend pas en considération sa situation ; que les parcelles en litige sont essentielles à son exploitation compte tenu de leur localisation et des aménagements réalisés et fait partie d'un ensemble de 28 hectares, qui ne peut être divisé ; qu'il existe sur les terres en litige un système d'irrigation nécessaire pour l'exploitation de ses autres parcelles ; que la décision attaquée est ainsi de nature à porter une grave atteinte à l'équilibre économique de son exploitation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 5 août 2005 portant clôture de l'instruction au

16 décembre 2005 à 16 h 30 ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 août 2005, présenté pour Mme Caroline Z, demeurant ..., par Me Geay, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Y à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ; Mme Z fait valoir que la lettre du 25 mars 2003 ne constitue pas un acte devant être motivé en application de l'article R. 331-6 du code rural puisqu'il ne s'agit pas d'un arrêté d'autorisation ou de refus ; que le moyen tiré de l'absence de motivation doit ainsi être écarté ; que la lettre en date du 25 mars 2003 ne peut pas faire l'objet d'un recours de tout tiers intéressé même si la loi est susceptible de lui faire grief puisqu'elle s'impose à lui ; que

M. Y ne justifie pas que l'opération projetée par Mme Z est soumise à autorisation et aux dispositions de l'article L. 331-2 1° et qu'elle exploiterait à titre individuel après reprise une surface totale supérieure au seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures de l'Eure ; que les surfaces exploitées par l'EARL de Vaux et la SCEA A ne sont pas à prendre en compte pour déterminer si l'exploitation est soumise ou non à autorisation ; que l'étude en date du

12 décembre 2001 produite par M. Y ne justifie pas d'une grave atteinte à l'équilibre économique de l'exploitation de ce dossier ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 novembre 2005, présenté pour M. Y qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; M. Y soutient, en outre, que, contrairement à ce que fait valoir Mme Z, il peut exercer un recours à l'encontre de la lettre du 25 mars 2003, étant preneur en place et ayant été destinataire de ce courrier ; que

Mme Z a présenté une demande d'autorisation à titre individuel pour échapper aux dispositions applicables en matière de contrôle des structures agricoles ; qu'il était nécessaire que Mme Z obtienne une autorisation d'exploitation dès lors qu'elle en avait précisément antérieurement sollicité et obtenu une par arrêté préfectoral du 26 mars 2002, annulé par jugement définitif du Tribunal administratif de Rouen en date du 18 novembre 2004 ;

Vu le mémoire enregistré le 15 décembre 2005 par télécopie et son original enregistré le

20 décembre 2005, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Y à lui verser une somme de 639 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le ministre fait valoir que l'obligation de motivation prévue par les dispositions de l'article R. 331-6 du code rural ne sont pas applicables à un courrier dans lequel le préfet informe un exploitant que sa demande n'est pas soumise à autorisation ; qu'il n'est même pas certain que le courrier en litige comporte un caractère de décision puisqu'il se borne en réalité à prendre note d'une situation préexistante et pourrait s'analyser en conséquence comme un simple acte déclaratif ni susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'en l'absence des dispositions de l'article R. 331-6 du code rural, la loi du 11 juillet 1979 ne serait pas plus applicable dès lors qu'elle ne concerne que les décisions individuelles défavorables ; que la circonstance que Mme Z soit gérante d'une EARL, qui exploite des terres agricoles mais également que sa mère et sa tante disposent de parcelles, ne saurait avoir d'incidence sur sa demande d'exploitation à titre individuel de 16 hectares 29 ares dès l'instant où l'ensemble de ces exploitations sont juridiquement distinctes mais surtout exploitées séparément ; que, contrairement à ce que soutient M. Y, Mme Z n'a jamais entendu contourner la réglementation puisqu'elle n'a pas omis de signaler, dans son dossier de demande d'autorisation, qu'elle était, par ailleurs, gérante d'une EARL exploitant 156 hectare 24 ares ; que sa demande est inférieure au seuil déclenchant la procédure d'autorisation telle que prévue à l'article L. 331-2 du code rural et à l'article 4 du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Eure ; que sa décision ne mentionnait pas les dispositions de l'article L. 331-2 2° du code rural dès lors que M. Y reconnaît que l'exploitation envisagée ne réduit pas la superficie de son exploitation en deçà du seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et que la prétendue perte d'un système d'irrigation, de même que l'hypothétique disparition de ressources équivalent annuellement à

83 893 francs, n'entrent pas dans les prévisions dudit article concernant la perte d'un bâtiment essentiel au fonctionnement de l'exploitation agricole ; que si M. Y estime que, dans le cadre de l'instruction d'une demande d'autorisation, le préfet aurait été tenu de rejeter le dossier de Mme Z au regard des critères prévus à l'article L. 331-3 du code rural, le moyen est inopérant dès lors que la demande de Mme Z n'était pas soumise à autorisation ;

Vu l'ordonnance en date du 24 janvier 2006 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2006, présenté pour M. Y, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes productions par les mêmes moyens ; M. Y soutient, en outre, que contrairement à ce qui est soutenu par l'autorité administrative, la perte d'un système d'irrigation rentre dans les prévisions de l'article L. 331-3 du code rural qui vise en particulier la nécessité d'une autorisation préalable lorsque l'opération projetée a pour conséquences de priver une exploitation agricole d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé ; que l'article L. 331-3 du code rural prévoit la prise en considération des situations personnelles respectives du demandeur et du preneur ; que l'incidence de la reprise pour son exploitation est à privilégier par rapport à l'opération de Mme Z compte tenu des superficies exploitées dans le cadre de l'EARL de Vaux et la SCA A à laquelle elle participe également ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- les observations de Me Mitton, pour M. Y ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que, par une demande en date du 28 février 2003, réceptionnée par les services de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Eure le 3 mars 2003, Mme Z a sollicité l'autorisation d'exploiter, à titre individuel, des parcelles d'une contenance de 16 hectares 29 ares situées sur le territoire de Damville ; que, par une lettre en date du 25 mars 2003, le préfet de l'Eure a considéré que l'opération de reprise des terres envisagée par Mme Z n'était pas soumise à autorisation préalable au titre du contrôle des structures ; que M. Y relève appel du jugement du12 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande dirigée contre la lettre du 25 mars 2003 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural, dans sa rédaction alors applicable issue de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 : « (…) / Est qualifiée d'exploitation agricole, au sens du présent chapitre, l'ensemble des unités de production mises en valeur directement ou indirectement par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1 (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 331-2 du même code : « Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles. Ce seuil est compris entre 0,5 et 1,5 fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 (…) / Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte des superficies exploitées par le demandeur sous quelque forme que ce soit (…) » ; et qu'aux termes de l'article 4 du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Eure : « En application de l'article L. 331-2 du code rural, sont soumis à autorisation préalable les installations, agrandissements ou réunions d'exploitations agricoles lorsque la surface cumulée de l'ensemble excède 78 hectares pour l'ensemble du département (soit1,2 unités de référence) (…) » ;

Considérant que si Mme Z a sollicité l'autorisation de s'installer à titre individuel sur des parcelles d'une superficie de 16 hectares 29 ares, exploitée précédemment par M. Y, il est constant qu'elle exploitait déjà, dans le cadre de l'EARL de Vaux, depuis plusieurs années,

156 hectares 24 ares dans le même secteur ; que, pour la mise en oeuvre du 1° de l'article L. 331-2 du code rural, dans sa rédaction alors en vigueur, il doit être tenu compte, le cas échéant, afin de déterminer la superficie totale mise en valeur par le demandeur, des superficies exploitées par ce dernier sous quelque forme que ce soit ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'ensemble ainsi formé par les surfaces que Mme Z envisageait d'exploiter à titre individuel et celles qu'elle exploitait déjà sous forme de société était destiné à former une même exploitation au sens de l'article L. 331-1 du code rural ; que la demande présentée par Mme Z a donc pour effet de procéder à l'agrandissement d'une exploitation agricole existante au sens du 1° de l'article L. 331-2 du même code ; que la surface totale dont la mise en valeur était envisagée, excédant le seuil fixé par la schéma directeur départemental des structures agricoles, une telle opération se trouvait soumise à autorisation préfectorale préalable ; qu'en estimant, par sa lettre du 25 mars 2003, que la demande présentée par Mme Z n'était pas soumise à autorisation préalable, le préfet de l'Eure a pris une décision illégale ; que, dès lors, M. Y, qui était recevable à demander l'annulation d'une telle décision qui lui faisait grief, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du

25 mars 2003 ; qu'il n'y a pas lieu, par voie de conséquence, de condamner M. Y à verser à Mme Z et au ministre de l'agriculture et de la pêche les sommes qu'ils demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner conjointement

Mme Z et le ministre de l'agriculture et de la pêche à verser à M. Y une somme de

1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0300900 en date du 12 mai 2005 du Tribunal administratif de Rouen et la décision du préfet de l'Eure du 25 mars 2003 sont annulés.

Article 2 : Mme Z et le ministre de l'agriculture et de la pêche sont condamnés conjointement à verser à M. Y une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme Z et le ministre de l'agriculture et de la pêche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Charles Y, à Mme Caroline Z et au ministre de l'agriculture et de la pêche.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

N°05DA00970 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 05DA00970
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier (AC) Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP DURANTON LECUYER MITTON SPAGNOL CAMPANARO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-02-08;05da00970 ?
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