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04/10/2007 | FRANCE | N°06DA00460

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 04 octobre 2007, 06DA00460


Vu le recours sommaire, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
31 mars 2006 par télécopie et son original enregistré le 6 avril 2006, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE ; il demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0302360, en date du 19 janvier 2006, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de la
SCEA Domaine de Bernoville, annulé la décision du 10 octobre 2003 par laquelle le préfet de l'Aisne a autorisé M. Pierre X à exploiter 69 hectares 88 ares 8 centiares de terres sises sur les communes d'Ais

onville-Bernoville et de Montigny-en-Arrouaise ;


Il sou...

Vu le recours sommaire, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
31 mars 2006 par télécopie et son original enregistré le 6 avril 2006, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE ; il demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0302360, en date du 19 janvier 2006, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de la
SCEA Domaine de Bernoville, annulé la décision du 10 octobre 2003 par laquelle le préfet de l'Aisne a autorisé M. Pierre X à exploiter 69 hectares 88 ares 8 centiares de terres sises sur les communes d'Aisonville-Bernoville et de Montigny-en-Arrouaise ;


Il soutient que le jugement encourt l'annulation pour défaut de motivation dès lors que, d'une part, les premiers juges ont visé le code rural sans renvoyer expressément aux articles ayant fondé leur décision et que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que le tribunal administratif ait procédé à l'analyse des moyens et des conclusions présentées par les parties, et tout particulièrement, l'argumentation du préfet ; que le tribunal administratif a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur de fait en jugeant que la SCEA Domaine de Bernoville ne pouvait être regardée comme constituant avec la SA de Bertaignemont une même exploitation, ce qui aurait pour effet de porter la reprise de 9,2 % à plus de 35 % de la surface exploitée par le cédant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure, en date du 24 avril 2006, de produire dans un délai d'un mois, le mémoire ampliatif annoncé et l'accusé de réception postale du 25 avril 2006 ;
Vu le mémoire ampliatif, enregistré le 26 mai 2006 par télécopie et son original enregistré le 7 juin 2006, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ; le ministre soutient, en outre, que contrairement à ce qui est relevé par les premiers juges, le préfet a, conformément aux dispositions de l'article
L. 331-1 du code rural, apprécié la reprise envisagée par M. X au regard de la totalité des parcelles, soit 742 hectares, exploitées par la SA de Bertaignemont et la SCEA Domaine de Bernoville, personnes morales dont Mmes Sylviane et Michèle Y sont associées, et non seulement au regard de 192 hectares 19 ares exploités dans le cadre de la seule SCEA ; qu'une telle reprise est également conforme aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles qui préconise d'éviter les démembrements successifs des exploitations ; que, contrairement à ce que soutenait la SCEA Domaine de Bernoville en première instance, l'arrêté du 10 octobre 2003 a été signé par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt qui a reçu délégation du préfet par arrêté du 13 décembre 2002 régulièrement publié au recueil des actes administratifs ; qu'il est, par ailleurs, indifférent que l'ampliation de l'arrêté n'ait pas été signée par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ; qu'en ce qui concerne l'éloignement des parcelles du siège de l'exploitation de M. X, l'autorisation a pris en compte la nature des cultures pratiquées, l'importance de la surface sollicitée ainsi que la proximité d'un bâtiment d'exploitation ; que la qualité de pluriactif de M. X ne constitue pas un obstacle à l'octroi d'une autorisation d'exploiter, tout au plus, elle constitue un motif de soumission de l'opération projetée à autorisation préalable d'exploiter au titre de l'article L. 331-2 du code rural en cas de dépassement d'un plafond de revenu du foyer fiscal ;

Vu l'ordonnance en date du 8 juin 2006 portant clôture de l'instruction au 15 septembre 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 juillet 2006, présenté pour la SCEA Domaine de Bernoville, dont le siège est situé Ferme de Bertaignemont à Landyfay-en-Bertaignemont (02120), par
Me Mandeville, avocat, qui conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le jugement qui est suffisamment motivé vérifie les exigences de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; qu'il fait référence aux articles L. 331-1 et L. 331-2 du code rural ; que le fait que le jugement du tribunal administratif ne vise pas expressément le mémoire présenté par le préfet est sans incidence sur la régularité du jugement dès lors que ce mémoire ne comporte aucun élément nouveau par rapport au mémoire présenté par M. X, qui est régulièrement visé ; qu'en l'espèce, c'est elle le preneur en place et non Mmes Y comme le ministre semble le considérer ; que, dès lors, ainsi qu'en a jugé le tribunal administratif, le préfet devait seulement prendre en compte la superficie des terres exploitées par ses soins et n'avait pas à prendre en compte la superficie des terres exploitées, par ailleurs, par ses associées ; que la distance séparant les biens en litige du siège d'exploitation du demandeur est de nature à empêcher l'exploitation rationnelle des terres dont la reprise est sollicitée ; qu'étant pluriactif et occupant un poste à responsabilité et à temps plein, M. X ne dispose que de peu de temps pour mettre en valeur ses deux exploitations agricoles dont l'une est située à plus de 100 km de son domicile ; que les seuls bâtiments que le demandeur possèderait sur place, et qui ne sont pas déjà occupés par des tiers, sont une maison de jardinier, inhabitée depuis plus de trente ans, et un château en mauvais état, dont l'un et l'autre sont impropres à abriter du matériel agricole ; que le fait que M. X cumule l'activité d'exploitant agricole avec une activité salariée à responsabilité doit être pris en compte par le préfet lors de l'examen de la demande d'autorisation ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2006 par télécopie et son original enregistré le
15 septembre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ; le ministre soutient, en outre, qu'il résulte des statuts de la SA de Bertaignemont, des demandes d'aides au titre des campagnes 2004 et 2005 et de la base Pacage que Mmes Sylviane et Michèle Y figurent bien parmi les associées exploitantes de ladite société ;

Vu l'ordonnance, en date du 18 septembre 2006, portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2006, présenté pour la SCEA Domaine de Bernoville, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire pour les mêmes motifs ; elle fait valoir, en outre, que Mmes Y ne sont qu'actionnaires non exploitantes au sein de la SA de Bertaignemont tel qu'il résulte des attestations délivrées par la mutualité sociale agricole ; que les formulaires de demandes d'aides sont pré-remplis par l'administration et servent à compléter la base Pacage et ne sauraient lui être opposés ; que, selon les statuts de la société anonyme, leur participation dans la SA de Bertaignemont se limite à une simple participation financière au capital à hauteur de 0,5 % chacune et qu'il n'est pas fait mention de leur qualité d'exploitant ; que c'est, en conséquence, à bon droit que le tribunal administratif a estimé que la SCEA Domaine de Bernoville ne pouvait être regardée comme constituant, avec la SA de Bertaignemont, la même personne morale ou une même exploitation agricole au sens de l'article L. 331-1 du code rural ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 décembre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens, il fait valoir, en outre, qu'il appartenait aux demandeurs de rectifier les formulaires de demandes d'aides ; que le préfet a statué sur la demande dont il était saisie à la lumière des renseignements fournis par Mmes Y ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2007 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué du Tribunal administratif d'Amiens, qu'il fait référence au code rural et cite précisément les articles L. 331-1 et
L. 331-3 dudit code ; qu'il vise et analyse les moyens ainsi que les conclusions présentées par les parties, y compris d'ailleurs les arguments présentés, en défense, par le préfet de l'Aisne ; qu'ainsi, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et méconnaîtrait l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

Sur la légalité de la décision préfectorale du 10 octobre 2003 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural : « (…) Est qualifiée d'exploitation agricole (…), l'ensemble des unités de production mises en valeur directement ou indirectement par la même personne, quels qu'en soient les statuts, la forme ou le mode d'organisation juridique, (…) » ; et qu'aux termes de l'article L. 331-3 du même code : « (…) L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique. L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire » ;

Considérant que lorsque les terres reprises sont exploitées au sein d'une société ou d'un groupement agricoles, il convient de considérer l'exploitation qui fait l'objet du groupement ou de la société pour apprécier les incidences d'une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles ; qu'aucune disposition du code précité ne fait obligation de prendre également en compte les superficies mises en valeur par les associés dudit groupement ou de ladite société, dès lors qu'il n'est pas établi que l'ensemble constitue une seule et même unité de production ;

Considérant que la décision du préfet de l'Aisne du 10 octobre 2003 autorisant
M. X à exploiter 69 hectares 88 ares 8 centiares de terres mises en valeur auparavant par la SCEA Domaine de Bernoville, avait pour effet de ramener l'exploitation de la cédante de 192 hectares 19 ares à 123 hectares 39 ares 8 centiares ; que la société susmentionnée était composée de deux associées exploitantes, Mme Sylviane Y et Mme Michèle Y, détenant chacune 33 % des parts et de la SA de Bertaignemont, apporteur des capitaux restants, mettant en valeur, par ailleurs, 549 hectares 81 ares et dont Mmes Y étaient associées à hauteur de 0,5 % des parts ; qu'il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que les terres mises en valeur par la SA de Bertaignemont étaient exploitées en commun avec celles de la SCEA Domaine de Bernoville ; que, dans ces circonstances, et contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE, cette dernière ne saurait être regardée comme constituant avec la SA de Bertaignemont, -que Mmes Y soient associées exploitantes ou non au sein de cette société juridiquement distincte de la SCEA Domaine de Bernoville-, la même personne et une même exploitation agricole au sens des dispositions sus-rappelées de l'article L. 331-1 du code rural ; que, dans ces conditions, la reprise autorisée entraînait un démantèlement de plus de 35 % de la surface exploitée par le cédant ; qu'elle méconnaissait, dès lors, une des orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Aisne qui prévoit d'éviter les démembrements successifs d'exploitations agricoles, y compris les exploitations regroupées, vérifiant le critère suivant « démembrement au-delà de 20 % pour les exploitations supérieures à trois unités de référence », comme c'est le cas en espèce ; que, par suite, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du préfet de l'Aisne du 10 octobre 2003 pour ce seul motif ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de condamner l'Etat à verser à la SCEA Domaine de Bernoville une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SCEA Domaine de Bernoville une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE, à la SCEA Domaine de Bernoville et à M. Pierre X.

Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.

N°06DA00460 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 06DA00460
Date de la décision : 04/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Olivier (AC) Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LACHAUD LEPANY ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-10-04;06da00460 ?
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