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04/12/2008 | FRANCE | N°08DA00743

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 5 (bis), 04 décembre 2008, 08DA00743


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Idrissa X, demeurant ..., par Me Debeauche, avocat ; il demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0703106, en date du 20 mars 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de l'admettre au séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et à ce q

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Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Idrissa X, demeurant ..., par Me Debeauche, avocat ; il demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0703106, en date du 20 mars 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de l'admettre au séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Eure, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision lui refusant le bénéfice d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée d'un vice de procédure du fait de l'insuffisante motivation de l'avis émis par le médecin inspecteur de la santé publique ; que la jurisprudence citée par le préfet en matière de motivation ne pourra qu'être écartée des débats du fait de l'impossibilité dans laquelle il se trouve, à raison d'une erreur de référencement, de se procurer cette décision ; que le préfet de l'Eure a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code précité en estimant qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Guinée ; qu'en outre, le refus de séjour dont il a fait l'objet méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français, qui viole également les stipulations de l'article précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est, de surcroit, insuffisamment motivée ; qu'enfin, compte tenu de son état de santé, la décision fixant la Guinée comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré le 3 juillet 2008, présenté par le préfet de l'Eure, qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il fait valoir que l'avis du médecin inspecteur de la santé publique est suffisamment motivé ; que le défaut de prise en charge médicale de la maladie de l'intéressé ne devrait pas entraîner pour celui-ci des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ; que l'obligation de quitter le territoire français, qui est suffisamment motivée, est donc fondée ; que M. X n'établit pas, en l'absence de tout suivi de traitement, que la décision fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention susmentionnée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. André Schilte, président de la Cour, M. Gérard Gayet, président de chambre,

Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur, Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller et M. Xavier Larue, conseiller :

- le rapport de M. Xavier Larue, conseiller ;

- et les conclusions de M. Alain de Pontonx, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X relève appel du jugement n° 0703106, en date du 20 mars 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de l'admettre au séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Eure, sous astreinte de

150 euros par jour de retard, de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que le secret médical interdit aux médecins inspecteurs de la santé publique de révéler des informations sur la pathologie des patients examinés et la nature de leurs traitements médicaux, fut-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans leur pays d'origine ; que les avis émis sont donc suffisamment motivés s'ils se prononcent sur la nécessité d'une prise en charge médicale de l'intéressé, sur la gravité des conséquences que pourrait entraîner un défaut de prise en charge et sur la possibilité pour l'intéressé de bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié ; qu'il suit de là que l'avis émis par le médecin inspecteur de la santé publique à l'égard de M. X le 27 septembre 2007, qui comporte l'ensemble de ses mentions, est, nonobstant l'appréciation de leur bien-fondé, suffisamment motivé ; que, par suite, le moyen tiré du vice de procédure allégué doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. (...) » ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence des autorités publiques dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à l'appréhension des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant, en premier lieu, que M. X n'établit pas, par la seule production du certificat médical ayant servi de fondement à sa demande de titre de séjour, que la maladie dont il souffre nécessiterait, contrairement à l'avis émis par le médecin inspecteur de la santé publique, une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il suit de là que M. X ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant guinéen, est entré irrégulièrement en France le 15 décembre 2004 à l'âge de 36 ans ; qu'après le rejet définitif de sa demande d'asile, M. X a fait l'objet, le 26 avril 2006, d'un arrêté de reconduite à la frontière ; qu'il s'est néanmoins maintenu irrégulièrement sur le sol français depuis cette date en changeant fréquemment de domicile ; que si M. X se prévaut d'attaches personnelles et familiales en France où il résidait depuis à peine trois ans à la date de la décision attaquée, il ne dispose, pour toute attache, sur le territoire national que d'un cousin chez lequel il a été brièvement hébergé ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier, que l'intéressé est célibataire et sans enfant et que sa mère vit en Guinée ; qu'il suit de là que, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. X ainsi que de l'intensité comparée de ses attaches familiales dans son pays d'origine au regard de celles dont il dispose en France, le préfet de l'Eure n'a ni porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision querellée a été adoptée, ni commis d'erreur d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 31 octobre 2007 par laquelle le préfet de l'Eure a refusé de l'admettre au séjour ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'obligation à quitter le territoire français :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, en tout état de cause, la décision attaquée mentionne les éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté comme manquant en fait ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, que la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, ce moyen ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision du 31 octobre 2007 par laquelle le préfet l'a obligé à quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité :

Considérant que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que M. X ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à sa maladie dans son pays d'origine ; qu'au demeurant il ne suivait, à la date d'adoption de la décision querellée, aucun traitement ; qu'ainsi, il n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que, compte tenu de son état de santé, la décision fixant la Guinée comme pays à destination duquel il sera renvoyé méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. X à fin que soit ordonnée une injonction doivent être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions tendant au prononcé d'une astreinte ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de l'admettre au séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Eure, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Idrissa X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

N°08DA00743 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 5 (bis)
Numéro d'arrêt : 08DA00743
Date de la décision : 04/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: M. Xavier Larue
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : DEBEAUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-04;08da00743 ?
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