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08/07/2010 | FRANCE | N°10DA00069

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 08 juillet 2010, 10DA00069


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 13 janvier 2010 et régularisée par la production de l'original le 18 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903152 du 30 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande M. José Antonio A, annulé l'arrêté du 10 novembre 2009 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

2°) de rejeter la demande de M. A ;

Il soutient que le premier juge a commis une erreur de droi

t, dès lors qu'un ressortissant communautaire peut, si sa présence constitue une men...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 13 janvier 2010 et régularisée par la production de l'original le 18 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903152 du 30 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande M. José Antonio A, annulé l'arrêté du 10 novembre 2009 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

2°) de rejeter la demande de M. A ;

Il soutient que le premier juge a commis une erreur de droit, dès lors qu'un ressortissant communautaire peut, si sa présence constitue une menace à l'ordre public, faire l'objet d'une mesure d'éloignement et donc d'une reconduite à la frontière ; que la Cour administrative d'appel de Douai a déjà confirmé plusieurs reconduites décidées à l'encontre de ressortissants communautaires ; que M. A, qui est portugais, séjourne en France depuis plus de dix ans ; que son comportement continue de constituer une menace à l'ordre public, justifiant sa reconduite à la frontière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'examen des pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été régulièrement communiquée à M. A qui n'a pas produit d'observation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière du 10 novembre 2009 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, notamment l'assurance maladie et l'aide sociale, les ressortissants mentionnés au premier alinéa de l'article L. 121-1 ainsi que les membres de leur famille mentionnés à l'article L. 121-3 ont le droit de séjourner en France pour une durée inférieure ou égale à trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues à l'article R. 121-1 pour l'entrée sur le territoire français ; qu'aux termes de l'article L. 121-1 du même code : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-4 du même code : Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peut justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V ; qu'aux termes de l'article L. 122-1 dudit code : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français (...) ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) La même autorité peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1. / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration ; (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) 8° Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, pendant la période définie au 2° ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ; que, d'après l'article L. 521-2 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : (...) 6° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui séjourne régulièrement en France depuis dix ans. / Par dérogation au présent article, l'étranger peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ; qu'aux termes de l'article R. 512-1-1 dudit code : La notification des arrêtés de reconduite à la frontière pris à l'encontre des ressortissants mentionnés à l'article L. 121-4 comporte le délai imparti pour quitter le territoire français. Sauf urgence, ce délai ne peut être inférieur à un mois ;

Considérant qu'il résulte des diverses dispositions précitées qu'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne séjournant en France peut, à certaines conditions, faire l'objet d'une mesure d'expulsion et ce, quelle que soit la durée de son séjour sur le territoire français ; qu'en outre, un tel ressortissant séjournant en France depuis au plus trois mois, c'est-à-dire la durée de la période mentionnée au 2° du II de l'article L. 511-1 précité et à laquelle se réfère le 8° du même II et qui est également celle visée par l'article R. 121-3 précité, peut faire l'objet, sur le fondement de ce 8°, d'une mesure de reconduite à la frontière si, pendant cette période, son comportement a constitué une menace pour l'ordre public ; qu'en revanche, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permet au préfet de prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne séjournant en France depuis plus de trois mois au motif que sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ; que, lorsqu'un tel ressortissant ne justifie plus, à l'expiration d'une période de trois mois à compter de son arrivée en France, d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 de ce code, ainsi si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, il appartient au préfet, le cas échéant, de prendre une décision motivée l'obligeant à quitter le territoire français dans les conditions prévues par le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le deuxième alinéa de ce I ; que, selon qu'il séjourne en France depuis au plus trois mois ou plus de trois mois, la mesure de reconduite à la frontière ou d'obligation de quitter le territoire français décidée à l'encontre d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne au motif tiré de la menace pour l'ordre public que sa présence constitue ne saurait être prise sur le fondement de la loi nationale que dans le respect des objectifs définis par les articles 27, 28 et 30 de la directive susvisée du 29 avril 2004 ; qu'elle ne peut également être prise que dans le respect des dispositions précitées de l'article R. 512-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il est constant que M. A, qui, né en 1969, est ressortissant portugais, séjourne en France depuis 1997 et ainsi, depuis plus de trois mois à la date de l'arrêté en litige du 10 novembre 2009 ; qu'il en résulte qu'en prenant cet arrêté de reconduite à la frontière au motif que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a méconnu le champ d'application des dispositions du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, ainsi, commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 10 novembre 2009 décidant la reconduite de M. A à la frontière ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. José Antonio A.

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 10DA00069
Date de la décision : 08/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: M. de Pontonx

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-07-08;10da00069 ?
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