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06/08/2010 | FRANCE | N°09DA01702

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 06 août 2010, 09DA01702


Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jacques A, demeurant ..., par Me Denecker, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806832 du 13 novembre 2009 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Lille a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales retirant deux, deux, trois et deux points du capital dont est affecté son permis de conduire consécutivement

aux infractions commises respectivement les 2 juillet 2004, 16 juin 2...

Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jacques A, demeurant ..., par Me Denecker, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806832 du 13 novembre 2009 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Lille a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales retirant deux, deux, trois et deux points du capital dont est affecté son permis de conduire consécutivement aux infractions commises respectivement les 2 juillet 2004, 16 juin 2005, 10 janvier 2008 et 24 mars 2008 et, d'autre part, l'a condamné à payer une amende de 400 euros en application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer les points illégalement retirés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la réalité des infractions ayant entraîné les décisions de retrait de points querellées n'est pas établie ; que les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ont été méconnues ; qu'en effet, le procès-verbal de l'infraction du 16 juin 2005 visait l'article R. 412-6 du code de la route ; qu'en outre, pour l'ensemble des infractions, il n'a été informé ni des conditions d'accès au système de traitement automatisé des retraits de points du permis de conduire, ni de ce que ledit système portait également sur les reconstitutions de points ; qu'enfin, il a été fait état, dans les avis de contravention qui lui ont été remis, d'une information erronée relative à son droit d'obtenir copie des informations concernant son permis de conduire ; qu'en se livrant à une interprétation des textes pour rejeter sa demande, le magistrat désigné ne pouvait pas la qualifier d'abusive ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2010, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que la requête de M. A ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau dont les premiers juges n'auraient pas eu à connaître ; que la procédure administrative de retrait de points dépend uniquement de la réalité de l'infraction telle qu'elle résulte de la procédure judiciaire ; qu'il se trouve en situation de compétence liée lorsqu'il procède aux retraits de points consécutifs à la constatation d'une infraction ; que l'article R. 223-3 du code de la route, dans sa rédaction en vigueur, n'oblige pas l'administration à délivrer au requérant une information spécifique sur les possibilités de reconstituer son capital de points ; que la mention erronée concernant le droit à copie n'a pas privé le contrevenant d'une garantie essentielle et est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité des décisions de retrait de points ; que le requérant a bien été informé du retrait de point consécutif à son infraction en date du 16 juin 2005 ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Xavier Larue, conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. Jacques A relève appel du jugement n° 0806832 du 13 novembre 2009 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Lille a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales retirant deux, deux, trois et deux points du capital dont est affecté son permis de conduire consécutivement aux infractions commises respectivement les 2 juillet 2004, 16 juin 2005, 10 janvier 2008 et 24 mars 2008 et, d'autre part, l'a condamné à payer une amende de 400 euros en application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que la requête présentée par M. A comporte des moyens d'appel ; que, par suite, la fin de non-recevoir qu'évoque le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ne peut être accueillie ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 223-1 du code de la route : Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) / La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive ; qu'il résulte des dispositions combinées de cet article, de l'article L. 225-1 du même code et des articles 529, 529-1, 529-2 et des deux premiers alinéas de l'article 530 du code de procédure pénale, dans ses rédactions applicables au litige, que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à considérer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 du code de la route dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention du paiement de l'amende forfaitaire ou de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, sauf si l'intéressé justifie avoir présenté une requête en exonération dans les quarante-cinq jours de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention ou formé, dans le délai prévu à l'article 530 du code de procédure pénale, une réclamation ayant entraîné l'annulation du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ;

Considérant qu'en l'espèce, le relevé intégral d'information relatif à la situation de M. A, extrait du système national du permis de conduire, mentionne, d'une part, le paiement des amendes forfaitaires relatives aux infractions commises les 2 juillet 2004, 16 juin 2005 et 24 mars 2008 et, d'autre part, la condamnation prononcée par la juridiction de proximité d'Avalon à l'encontre de M. A pour l'infraction du 10 janvier 2008, qui lui a été notifiée et a été exécutée le 26 juin 2008 ; que, par suite, M. A, qui se borne à soutenir que la charge de la preuve de la réalité des infractions qu'il a commises incombe à l'administration, sans justifier avoir présenté une requête en exonération ou ne pas avoir été condamné par la juridiction de proximité, n'est pas fondé à soutenir que la réalité des infractions ayant donné lieu à l'édiction des décisions de retrait de points querellées n'est pas établie ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions des articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, lesquelles constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; que si les articles L. 223-3 et R. 223-3 dudit code prévoient que le droit d'accès aux informations concernant le permis de conduire s'exerce conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9 du même code, cette mention n'a pas par elle-même un caractère substantiel au regard des garanties essentielles à donner à l'auteur de l'infraction pour lui permettre d'en contester la réalité et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis de conduire, dès lors que les informations utiles auxquelles font référence les articles en cause ont été portées à sa connaissance ; que ces informations utiles portent sur l'existence d'un traitement automatisé des retraits de points et le droit d'accès et de rectification aux informations concernant le permis de conduire dont dispose le contrevenant auprès d'autorités identifiées ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tout moyen, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information ;

Considérant, d'une part, que les procès-verbaux des infractions relevées à l'encontre de M. A comportent la mention cette contravention entraîne un retrait de point(s) du permis de conduire ou l'apposition de la mention oui dans la case retrait de point ; qu'il suit de là que le fait que le procès-verbal afférent à l'infraction du 16 juin 2005 vise par erreur, ainsi que l'établissent les mentions manuscrites apposées par l'agent verbalisateur, l'article R. 412-6 du code de la route et non l'article R. 412-6-1 du même code, n'a pas empêché le contrevenant d'être informé du retrait de point consécutif à son infraction ;

Considérant, d'autre part, que les procès-verbaux des infractions relevées à l'encontre de M. A les 2 juillet 2004, 16 juin 2005 et 24 mars 2008, sont revêtus de la signature de l'intéressé sous la mention : le conducteur reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention ; que ces avis de contravention comportent les informations exigées par les articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route en ce qui concerne les modalités de retrait de points, l'existence d'un traitement automatisé de ces points et la possibilité pour l'auteur de l'infraction d'y accéder ; que les informations utiles dont l'auteur de l'infraction doit avoir connaissance pour lui permettre de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis de conduire, auxquelles font référence les articles L. 225-1 à L. 225-9 du code de la route, ont ainsi été portées à la connaissance de l'intéressé, quand bien même les avis de contravention ne citent pas ces articles ; que la circonstance que les mentions sur les avis de contravention aient indiqué que le contrevenant peut exercer, auprès du service préfectoral de son domicile, un droit d'accès au traitement automatisé, sans pouvoir en obtenir une copie, n'a pas privé l'intéressé d'une information constituant par elle-même une garantie substantielle ; qu'il en va de même du fait que ces avis de contravention ne précisent pas que le traitement automatisé porte également sur la reconstitution de points ; qu'en effet, les modalités concrètes d'exercice du droit d'accès aux informations concernant le permis de conduire sont par elles-mêmes sans influence sur la légalité des décisions de retraits de points ; que, nonobstant le refus de M. A de signer le procès-verbal afférent à l'infraction du 10 janvier 2008, l'intéressé doit être regardé comme ayant été le destinataire des documents, lesquels comportent les informations exigées par les articles précédemment cités ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas pu bénéficier de garanties substantielles de procédure dont la privation justifierait que soit prononcée l'annulation des décisions de retraits de points intervenues consécutivement aux infractions commises ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales retirant deux, deux, trois et deux points du capital dont est affecté son permis de conduire consécutivement aux infractions commises respectivement les 2 juillet 2004, 16 juin 2005, 10 janvier 2008 et 24 mars 2008 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction du requérant ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'amende pour recours abusif :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ;

Considérant qu'eu égard à l'objet de la requête de M. A et aux moyens qui y étaient développés, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Lille l'a inexactement qualifiée d'abusive ; que son jugement doit, par suite, être annulé en tant qu'il a condamné M. A à une amende pour recours abusif ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 0806832 du magistrat désigné du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Copie sera transmise au préfet du Nord et à la directrice régionale des finances publiques de la région Nord/Pas-de-Calais et du département du Nord.

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N°09DA01702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 09DA01702
Date de la décision : 06/08/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: M. Xavier Larue
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS COCHET DENECKER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-08-06;09da01702 ?
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