La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2010 | FRANCE | N°10DA00483

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 14 octobre 2010, 10DA00483


Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la production de l'original le 28 avril 2010, présentée pour Mme Silvart A, demeurant à ..., par la Selarl Eden Avocats ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903483 du 18 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2009 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français

dans un délai d'un mois et décidant, qu'à l'expiration de ce délai, elle ...

Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la production de l'original le 28 avril 2010, présentée pour Mme Silvart A, demeurant à ..., par la Selarl Eden Avocats ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903483 du 18 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2009 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et décidant, qu'à l'expiration de ce délai, elle pourrait être reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays dans lequel elle établit être légalement admissible ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 au bénéfice de la Selarl Eden Avocats, celle-ci renonçant à percevoir l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que le refus de titre de séjour porte atteinte à sa vie privée et familiale compte tenu, en particulier, de la présence de l'ensemble de sa cellule familiale en France et de sa très bonne intégration, à elle et sa famille, attestée notamment par les soutiens dont ils bénéficient ; qu'il méconnaît de ce fait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est contraire aux stipulations du 1er paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que sa fille mineure mène une scolarité réussie qui serait interrompue alors qu'elle dispose d'une chance de passer le baccalauréat ; que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; qu'elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu que sa fille était en cours d'année d'études ; que la décision fixant son pays de renvoi est contraire aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 eu égard aux risques encourus en Arménie attestés, en particulier, par les témoignages concordants des voisins de sa famille qui constituent des éléments nouveaux que la Cour nationale du droit d'asile n'a pas examinés et par le fait que les persécutions subies correspondent à la situation générale prévalant dans son pays d'origine ; qu'ils ne peuvent trouver refuge en Russie ; que l'annulation de l'arrêté implique nécessairement la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2010, présenté par le préfet de la

Seine-Maritime, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que les moyens soulevés ainsi que les arguments invoqués étant identiques à ceux présentés en première instance, il s'en rapporte à son mémoire déposé à cette occasion ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 septembre 2010 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 29 septembre 2010, présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 novembre 2009 classant l'Arménie dans la liste des pays sûrs a été annulée par le Conseil d'Etat, ce qui n'est pas sans incidence sur l'appréciation des risques encourus ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Rouly, pour Mme A ;

Considérant que Mme A, ressortissante arménienne, née en 1963, est entrée en France le 17 décembre 2007 avec son époux et leurs trois filles, nées en 1986, 1988 et 1992 ; que sa demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 29 avril 2008, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 mai 2009 ; qu'elle a alors sollicité la délivrance d'une carte de séjour vie privée et familiale sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 23 novembre 2009, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant son pays de renvoi d'office, passé ce délai ; que Mme A relève appel du jugement du 18 mars 2010 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et stipulations, Mme A se prévaut de sa durée de présence en France et de la circonstance que s'y trouve sa cellule familiale sans possibilité de retourner en Arménie compte tenu des risques encourus ; qu'elle se prévaut également de sa bonne intégration à la société française, ainsi que celle de sa famille, attestée en particulier par l'apprentissage de la langue, par la pétition de soutien comme de l'intervention d'élus en leur faveur ainsi que de leur parrainage républicain, par leur investissement bénévole dans le secteur associatif, par la scolarisation réussie de sa fille mineure et par la capacité d'insertion socioprofessionnelle de son époux ; que, néanmoins, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de la brève durée de présence des intéressés en France, de l'irrégularité du séjour en France de l'ensemble de sa famille et de la possibilité que les époux et leurs enfants ont de mener leur vie familiale en Arménie ainsi qu'il sera précisé plus avant, que le refus de titre de séjour ait porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ait méconnu, par suite, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, néanmoins, la seule circonstance que la plus jeune des filles de la requérante risque de voir sa scolarité interrompue alors qu'elle dispose de la possibilité d'obtenir son baccalauréat en France ne suffit pas à faire regarder le refus de titre de séjour attaqué, qui n'a pas pour effet de la séparer de ses parents, comme ayant méconnu ces stipulations ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, d'une part, que compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à Mme A ne peut qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient Mme A, la mesure d'éloignement litigieuse, en date du 23 novembre 2009, est intervenue alors que l'année scolaire de sa fille mineure n'avait débuté que depuis quelques semaines ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de la requérante ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; qu'aux termes de ces stipulations : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que Mme A, dont la demande d'asile a, d'ailleurs, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, fait état des risques encourus en Arménie liés à l'assassinat en 2001 de son beau-frère, secrétaire du Mouvement national arménien, à l'occasion d'une manifestation et aux violences et persécutions dont son époux a fait l'objet à la suite de ses tentatives pour obtenir la condamnation de l'auteur qui est un policier et qu'il a agressé ; qu'elle indique, notamment, que son époux a été enlevé et brutalisé, que leur maison a été incendiée et qu'ils ont été contraints de fuir leur pays pour la Géorgie, où son fils a disparu, puis pour la Russie, où ils n'ont pu obtenir l'asile ; que si elle soutient ainsi devant la Cour qu'elle-même et sa famille seraient exposés à des risques en cas de retour dans leur pays d'origine et si elle se prévaut, notamment, au soutien de ces affirmations, des témoignages concordants de voisins, non examinés par la Cour nationale du droit d'asile, et de ce que les persécutions subies correspondent à la situation générale existant en Arménie sans possibilité de trouver refuge en Russie, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir la réalité de ses allégations qui ne ressort pas des pièces du dossier et, en particulier, ni de l'attestation de l'inspection nationale d'incendie du 1er mai 2009 qui ne comporte, en toute hypothèse, aucune précision quant à l'origine du sinistre allégué, ni de la requête du centre d'information de la police de la République d'Arménie du 15 octobre 2008 faisant état d'un procès pénal intenté contre M. B et mentionnant un avis de recherche le concernant, laquelle est dépourvue de garantie d'authenticité ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Silvart A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

''

''

''

''

N°10DA00483 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 10DA00483
Date de la décision : 14/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-10-14;10da00483 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award