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06/10/2011 | FRANCE | N°11DA00412

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 06 octobre 2011, 11DA00412


Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Yoro A, demeurant ..., par Me Mbella, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002767 du 3 février 2011 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2010 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renv

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Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Yoro A, demeurant ..., par Me Mbella, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002767 du 3 février 2011 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2010 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification du jugement ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois suivant la même notification ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aisne du 2 septembre 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai à fixer ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à rendre ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, relative à l'intégration et à l'immigration, et la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Mbella, avocat, pour M. A ;

Sur les conclusions en annulation de l'arrêté du préfet de l'Aisne du 2 septembre 2010 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - (...) constituent une mesure de police ; (...) - refusent une autorisation (...) ; que, d'après l'article 3 de cette loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; qu'aux termes de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'aux termes de l'article R. 312-8, relatif à la commission du titre de séjour, du même code : Devant la commission, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ;

Considérant que l'avis de la commission du titre de séjour ne constitue pas une décision et que, par suite, les dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 lui sont inapplicables ; qu'en l'espèce, l'avis de la commission du titre de séjour en date du 25 mai 2010 indique la raison pour laquelle il est défavorable à la délivrance à M. A d'un titre de séjour ; qu'ainsi, il est motivé, dans le respect des dispositions précitées de l'article R. 312-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français est inopérant ; qu'il en va de même de celui tiré de ce qu'elle ne vise pas une loi ;

Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des raisons de fait comme de droit pour lesquelles le préfet de l'Aisne a rejeté la demande de M. A tendant à la délivrance d'un titre de séjour ; que ce rejet est ainsi régulièrement et suffisamment motivé ; qu'aucune règle de droit ne faisait obligation au préfet de l'Aisne de viser la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui ne constitue pas le fondement dudit rejet ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant que, si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le législateur ayant décidé par l'article 41 de la loi susvisée du 20 novembre 2007 de dispenser l'administration de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination, fondée sur la même disposition législative ; qu'ainsi, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas, quant à elles, à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure ; que cette décision est, en outre, suffisamment motivée en fait, dès lors qu'elle mentionne la nationalité, mauritanienne, de M. A, laquelle mention constitue le fondement nécessaire et suffisant de la désignation du pays dont il a la nationalité comme pays de destination ; qu'ainsi, la motivation, qui est claire et précise, de la décision fixant la destination de l'éventuel éloignement d'office de M. A satisfait aux exigences de la loi précitée du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en deuxième lieu, que le visa par l'arrêté attaqué d'un avis de la commission du titre de séjour du 22 juin 2009, lequel avis était, ainsi que l'a constaté le Tribunal administratif d'Amiens dans un jugement n° 0903071 du 16 mars 2010, irrégulier faute de comporter aucune motivation, est sans influence sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour opposé par M. A, dès lors que cet arrêté, après avoir visé ce jugement, vise l'avis, motivé ainsi qu'il a été dit, de cette commission du 25 mai 2010 et précise la date de notification à M. A, le 3 juin 2010, de cet avis ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'article R. 312-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le service des étrangers de la préfecture assure le secrétariat de la commission du titre de séjour, qui constitue un organisme collégial consultatif placé auprès du préfet et non une autorité administrative indépendante ; qu'ainsi, la circonstance que l'avis du 25 mai 2010 de cette commission est établi sur papier à en-tête de la préfecture de l'Aisne est dépourvue de toute influence sur la régularité de cet avis et celle de l'arrêté du 2 septembre 2010 ; que cette circonstance, dont ne résulte aucune confusion, ne fait, contrairement à ce qui est soutenu, naître aucun doute quant au respect par les membres de cette commission du principe général d'impartialité ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 24 juillet 2006 : I. - La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complétée par un article L. 311-7 ainsi rédigé : Art. L. 311-7. - Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois / (...) / III. - L'article L. 313-2 du même code est abrogé ; qu'aux termes de l'article 116 de la même loi : L'article 3 et le 2° de l'article 38 s'appliquent aux demandes de titres de séjour introduites un mois après la publication de la présente loi ; que cette loi a été publiée au Journal officiel de la République française le 25 juillet 2006 ; qu'aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de titre de séjour introduites avant le 25 août 2006 : Sous réserve des obligations internationales de la France, l'octroi de la carte de séjour temporaire peut être subordonné à la production par l'étranger d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois ;

Considérant que la demande de titre de séjour présentée par M. A a été souscrite le 14 avril 2005 et que, si l'arrêté du 23 octobre 2009 statuant sur cette demande a été annulé par un jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 16 mars 2010 qui a ordonné au préfet de l'Aisne de réexaminer la situation de M. A, cette circonstance n'a pas eu pour effet de saisir cette autorité d'une nouvelle demande de titre de séjour ; que cette dernière étant ainsi antérieure au 25 août 2006, les dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent en principe la délivrance de la carte de séjour temporaire à la production d'un visa de long séjour et ne sont applicables qu'aux demandes présentées à compter du 25 août 2006, étaient inapplicables à cette demande ;

Considérant que, pour refuser à M. A la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de l'Aisne s'est, notamment, fondé sur les dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, constatant que l'intéressé ne justifie pas de la production d'un visa de long séjour, en a conclu qu'il ne peut donc prétendre à l'obtention d'une carte de séjour temporaire dans les conditions prévues à l'article L. 311-7 de ce code ; que, ce faisant, il a méconnu le champ d'application dans le temps de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que, si les dispositions précitées de l'ancien article L. 313-2 de ce code étaient en revanche applicables à la demande de M. A, ces dispositions permettaient à l'autorité administrative de subordonner la délivrance de la carte de séjour temporaire à la production d'un visa de long séjour, sans le lui imposer, et ce, à la différence de celles de l'article L. 311-7, qui ne confèrent pas à cette autorité un tel pouvoir d'appréciation ; qu'ainsi, l'ancien article L. 313-2 et l'article L. 311-7 ne conférant pas à l'autorité administrative le même pouvoir d'appréciation, et le premier de ce texte lui conférant un pouvoir d'appréciation que ne lui confère plus le second, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de substituer l'ancien article L. 313-2 à l'article L. 311-7 comme fondement de la décision de refus de titre de séjour opposée à M. A ;

Considérant, toutefois, que, pour refuser à M. A la délivrance du titre de séjour demandé par ce dernier, le préfet de l'Aisne s'est également fondé sur les circonstances que l'intéressé est arrivé en France sans passeport ni visa quelconque ; qu'à l'appui de sa demande, il a présenté des faux documents constitués par des pièces dont l'authenticité est douteuse et qui n'ont aucune valeur probante ; qu'il a également retenu qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale et que ne sont pas méconnus les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il a également relevé que la commission du titre de séjour a émis, le 25 mai 2010, un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour, lequel avis n'est pas motivé par l'absence de justification d'un visa de long séjour ;

Considérant que, compte tenu de ces autres motifs de l'arrêté attaqué, en particulier celui tiré d'une entrée irrégulière en France, en l'absence de tout visa, même de court séjour, le préfet de l'Aisne aurait pris les mêmes décisions en ne se fondant que sur ces motifs, alors, au surplus, que l'ancien article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en l'espèce, lui donnait la faculté de subordonner la délivrance du titre de séjour sollicité à la production d'un visa de long séjour ; qu'il en résulte que le moyen tiré d'une erreur de droit au regard du champ d'application de l'article L. 311-7 précité doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ;

Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que, si les dispositions de l'article L. 313-14 du code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour vie privée et familiale à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus, ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ; qu'il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article. En revanche, l'étranger ne peut faire l'objet d'une mesure ordonnant sa reconduite à la frontière ou prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 14 avril 2005, M. A a demandé la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa présence en France depuis plus de dix ans ; que cette demande n'était pas présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont été introduites qu'ultérieurement ; que, par le jugement déjà mentionné du 16 mars 2010, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 23 octobre 2009 par lequel le préfet de l'Aisne avait rejeté cette demande et assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français et ordonné au préfet de réexaminer la situation de M. A ; que cette injonction n'avait pas pour effet de saisir le préfet de l'Aisne d'une demande de titre de séjour sur l'ensemble des fondements de délivrance d'un tel titre prévus par la loi et, par suite, n'avait pas pour effet de lui faire obligation de rechercher si l'intéressé serait en droit de prétendre à une telle délivrance à quelque titre que ce serait ; qu'ainsi, le préfet ne se trouvait pas saisi de plein droit d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à l'occasion du réexamen de sa situation, M. A, auquel il lui appartenait de le faire s'il s'y croyait fondé, n'a présenté aucune demande sur ce fondement ; qu'il en résulte qu'il ne peut utilement invoquer un moyen tiré de la méconnaissance de cet article à l'encontre du refus opposé en l'espèce à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article, et ce, alors même que le préfet a consulté la commission du titre de séjour ; que l'arrêté attaqué n'a ni pour objet, ni pour effet, de faire obstacle à ce que M. A, s'il s'y croit fondé, sollicite la délivrance d'une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A, qui est né en 1946 en Mauritanie, est arrivé en France dépourvu de passeport et de visa, en 1992 selon ses déclarations ; que la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié qu'il avait présentée le 30 janvier 1992 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 3 juillet 1922 et la Commission des recours des réfugiés le 4 janvier 1994 ; qu'à la suite de ces décisions et par un arrêté du 20 mai 1994 notifié le 6 juin 1994, le préfet des Hauts-de Seine a refusé d'admettre l'intéressé au séjour en France ; que, le 14 avril 2005, M. A a, à nouveau, sollicité la délivrance d'un titre de séjour, cette fois auprès du préfet de l'Aisne ;

Considérant que, si le requérant se prévaut d'une durée de présence habituelle en France de dix-huit ans, il n'apporte toutefois, devant le juge d'appel, aucun élément propre à établir une telle présence entre le 6 juin 1994 et le 14 avril 2005 et ne conteste pas, comme le fait valoir le préfet en défense, qu'il a présenté divers documents falsifiés tendant à établir sa résidence habituelle en France, et ce, quand bien même le préfet ne conteste pas que le requérant a résidé en France pendant les années 1995 à 1999 ; que M. A est arrivé en France une première fois à l'âge de 46 ans ; qu'il ne justifie dans ce pays d'aucune attache familiale particulière dès lors que, si sa compagne, née en 1972 ainsi qu'également de nationalité mauritanienne, réside en France, elle fait elle-même l'objet d'un arrêté du 2 septembre 2010 du préfet de l'Aisne refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que, si le requérant et sa compagne sont les parents de trois enfants, nés en France les 18 janvier 2006, 23 janvier 2007 et 22 décembre 2009, il n'existe pas d'impossibilité pour ces enfants d'accompagner leurs parents hors de France ; que la circonstance que les deux plus âgés de ces enfants sont scolarisés ne constitue pas une telle impossibilité ; que M. A, qui a vécu en Mauritanie pendant plus de quarante-cinq ans et qui n'établit pas qu'il serait dépourvu dans ce pays d'attaches personnelles, notamment familiales, n'établit pas l'impossibilité pour lui de vivre à nouveau dans son pays d'origine ; que, quelles que soient les périodes pendant lesquelles M. A s'est maintenu en France après le mois de juin 1994 et la durée de ces périodes, il s'y est maintenu irrégulièrement ; que, compte tenu de ces éléments, le préfet de l'Aisne, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts dans lesquels ont été prises ces décisions ; qu'il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette obligation sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1. de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant que la décision de refus de titre de séjour opposée à M. A ne remet pas en cause la cellule familiale qu'il constitue avec sa compagne et leurs trois enfants ensemble, ni ne remet en cause la scolarisation de deux de ces enfants ; qu'elle ne méconnaît pas les stipulations précitées ; que, dès lors que cette compagne fait elle-même l'objet d'une mesure d'éloignement, M. A ne justifie pas d'une impossibilité pour lui de reconstituer cette cellule familiale hors de France ; qu'ainsi, l'obligation de quitter le territoire français faite à M. A n'a pas pour effet de priver ces enfants de la présence habituelle de l'un ou l'autre de leurs parents ; que les stipulations précitées ne garantissent pas le droit pour les enfants mineurs de ressortissants étrangers séjournant irrégulièrement en France, lorsque ces enfants y sont scolarisés, d'y poursuivre cette scolarisation ; qu'il n'est pas allégué que la scolarisation des enfants du requérant nés en 2006 et 2007 serait impossible en Mauritanie, et ce, alors même qu'elle y serait difficile ou se déroulerait dans des conditions moins favorables qu'en France ; que l'affirmation selon laquelle ces enfants seront asservis et réduits en esclavage en Mauritanie n'est pas assortie d'un quelconque élément de preuve propre à la rendre vraisemblable ; qu'ainsi, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des enfants de M. A et de sa compagne ;

Considérant, en cinquième lieu, que, compte tenu de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle du requérant, comme des circonstances qu'il s'est introduit irrégulièrement en France, avant de s'y maintenir également dans des conditions irrégulières, le préfet de l'Aisne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne délivrant pas à l'intéressé, dans l'exercice du pouvoir qu'il détient de délivrer gracieusement et en opportunité un titre de séjour à une personne qui n'en remplit pas les conditions légales de délivrance de plein droit, une carte de séjour temporaire ;

Considérant, en sixième lieu, que, compte tenu de ce qui précède, M. A n'est pas fondé à prétendre que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité du rejet de la demande de titre de séjour et que la décision fixant le pays de destination le serait en raison de l'illégalité de ces rejet et obligation ;

Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que ce dernier texte énonce que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions et stipulations combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que, si M. A soutient que, comme il n'est d'ailleurs pas contesté par le préfet, les maures noirs, dont il fait partie, font l'objet en Mauritanie d'une domination et de discriminations de la part des maures blancs, et qu'il a été contraint de quitter ce pays en 1992 en raison du conflit sénégalo-mauritanien, entre 1989 et 1992, ces éléments ne constituent pas des motifs sérieux et avérés de croire qu'il y serait exposé en 2010 à un risque réel pour sa personne ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution et que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet de l'Aisne de délivrer à M. A un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ;

Considérant que, si le requérant demande que l'Etat soit condamné aux entiers dépens, il n'est pas justifié de ces derniers ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yoro A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 11DA00412
Date de la décision : 06/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : MBELLA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-10-06;11da00412 ?
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