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10/04/2012 | FRANCE | N°10DA01394

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 10 avril 2012, 10DA01394


Vu, I, sous le n° 10DA01394, la requête enregistrée par télécopie le 5 novembre 2010 et régularisée par la production de l'original le 10 novembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par la SELARL Genesis Avocats, société d'avocats ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805369 du 6 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2008 du trésorier de Saint-Pol-sur-Mer dénonçant l'échéancier de paie

ment qui lui avait été accordé le 28 mai 2003 ;

2°) de prononcer l'annulat...

Vu, I, sous le n° 10DA01394, la requête enregistrée par télécopie le 5 novembre 2010 et régularisée par la production de l'original le 10 novembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par la SELARL Genesis Avocats, société d'avocats ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805369 du 6 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2008 du trésorier de Saint-Pol-sur-Mer dénonçant l'échéancier de paiement qui lui avait été accordé le 28 mai 2003 ;

2°) de prononcer l'annulation de la décision contestée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, II, sous le n° 12DA00029, la requête enregistrée par télécopie le 5 janvier 2012 et régularisée par la production de l'original le 6 janvier 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par la SELARL Genesis Avocats, société d'avocats ; M. A demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 0805369 du 6 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2008 du trésorier de Saint-Pol-sur-Mer dénonçant l'échéancier de paiement qui lui avait été accordé le 28 mai 2003 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le nouveau code de procédure civile ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le décret n° 64-1333 du 22 décembre 1964 ;

Vu le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Barbat, avocate, pour M. A ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 30 mars 2012 et régularisée par la production de l'original le 2 avril 2012, présentée pour M. A dans l'instance 10DA01394 ;

Considérant que, par arrêt de la cour d'appel de Douai du 6 février 2001 devenu définitif, M. A a été condamné pour détournement de fonds publics alors qu'il exerçait les fonctions de secrétaire de mairie de la commune de Saint-Pol-sur-Mer et de président de l'association dénommée " Amicale du personnel communal " ; qu'en exécution de cet arrêt, le condamnant solidairement avec le maire de Saint-Pol-sur-Mer et d'autres prévenus à payer à la commune une somme totale de 8 527 500 francs (1 300 009 euros), un titre de recettes a été émis le 24 janvier 2003 par le maire de ladite commune pour le recouvrement d'une somme de 777 490 euros ; que, par courrier du 28 mai 2003, le trésorier municipal de Saint-Pol-sur-Mer, ayant pris en charge ce titre de recettes, a accordé à M. A un échéancier de paiement sous la forme d'un règlement mensuel de 200 euros courant du mois d'avril 2003 jusqu'à l'extinction de la créance ; qu'après avoir vainement, courant 2005, invité le débiteur à prendre contact avec lui pour convenir d'une révision du montant mensuel de paiement, et tout aussi vainement intenté devant le juge de l'exécution une procédure de saisie de ses rémunérations, le comptable public, par courrier du 15 juillet 2008, a fait savoir à M. A qu'il dénonçait l'échéancier de paiement accordé le 28 mai 2003 ; que ce dernier fait appel et demande le sursis à exécution du jugement du 6 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2008 du trésorier de Saint-Pol-sur-Mer ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées n° 10DA01394 et n° 12DA00029, présentées par M. A concernent la même décision de remise en cause d'un échéancier de paiement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle un comptable public accorde des délais de paiement à un débiteur auprès de lui présente le caractère d'une décision administrative susceptible d'un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif ; qu'un tel recours ne présente à juger ni du bien-fondé de la créance, ni de la régularité en la forme des actes de poursuite décernés par l'agent en charge du recouvrement ; que la décision modifiant les modalités de règlement ou dénonçant un échéancier de paiement présente également la nature d'un acte administratif susceptible de recours, détachable de la procédure de recouvrement ; que l'accord donné par le comptable public aux modalités de paiement convenues avec le débiteur ne donne pas naissance à une convention passée entre eux, mais s'analyse en une décision unilatérale consentie par le comptable public ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en ayant dénoncé l'accord qu'il avait donné le 28 mai 2003 à l'échéancier de paiement de sa condamnation judiciaire, le trésorier de Saint-Pol-sur-Mer a unilatéralement mis fin à un contrat ;

Considérant, en deuxième lieu, que la notification du 15 juillet 2008 de la décision en litige comporte les motifs de fait sur lesquels le comptable du trésor public a entendu se fonder pour abroger l'échéancier de paiement accordé à M. A le 28 mai 2003 ; qu'aucun texte ayant une portée normative ne régit l'établissement et la révision des échéanciers de paiement ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, qui n'avait pas à mentionner de texte, n'est pas régulièrement motivée au sens de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en troisième lieu, que les facilités de paiement accordées par le comptable public sont, par nature, subordonnées à des conditions liées à la situation financière et personnelle du débiteur de la créance ; que, si un échéancier de paiement consenti dans ces conditions confèrent des droits au débiteur, ils n'ont pas pour autant le caractère de droits acquis insusceptibles d'être remis en cause pour l'avenir par l'autorité administrative si, notamment, la capacité contributive de l'intéressé évolue ; que, par suite, le trésorier de Saint-Pol-sur-Mer pouvait, sans méconnaître le principe de sécurité juridique, rechercher par tous moyens la capacité réelle de paiement de M. A et remettre en cause l'échéancier initialement accordé, alors même que cet échéancier ne comportait aucune clause expresse de révision des modalités de paiement ;

Considérant, en quatrième lieu, que, par une délibération du 1er mars 2010, le conseil municipal de la commune de Saint-Pol-sur-Mer a reconnu le caractère d'utilité publique de certaines dépenses ayant donné lieu à une déclaration de gestion de fait par la Cour des comptes au titre de la période couvrant les années 1992 à 1995 ; que, par une délibération du 26 septembre 2011, le conseil municipal de la commune de Dunkerque a reconnu le caractère d'utilité publique de certaines dépenses relevant de la commune de Saint-Pol-sur-Mer, depuis fusionnée avec celle de Dunkerque, ayant donné lieu à une déclaration de gestion de fait par la Cour des comptes au titre de la période couvrant les années 1987 à 1995 ; que, par un jugement provisoire du 2 février 2012, la chambre régionale des comptes du Nord/Pas-de-Calais, saisie de l'apurement des opérations constitutives de gestion de fait ainsi déclarées par la Cour des comptes, a notamment enjoint à M. A d'apporter la preuve du reversement de la somme de 63 430,46 euros dans la caisse de la commune de Dunkerque ou d'apporter toutes justifications à sa décharge ; que ces délibérations et ce jugement provisoire sont sans incidence sur la légalité de la décision en litige, dès lors qu'ils lui sont postérieurs et qu'il n'appartient pas au comptable public, à l'occasion de la révision d'un échéancier de paiement, de remettre en cause le bien-fondé ou l'exigibilité de la créance en litige, laquelle trouve au surplus son origine dans une condamnation prononcée par l'autorité judiciaire ; que la double circonstance que les faits pour lesquels M. A a été condamné étaient, à l'époque, tolérés par les pouvoirs publics et qu'il est de bonne foi est également inopérante ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, les informations détenues par le trésorier de Saint-Pol-sur-Mer, relatives notamment aux charges d'emprunt sur le point de s'éteindre, aux autres charges de M. A, à sa situation familiale réelle et à son traitement de directeur d'un établissement public local, permettaient d'évaluer à plus de 800 euros son revenu mensuel disponible ; que celui-ci ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il risque d'être évincé de ses fonctions dès lors que cette circonstance, au demeurant non établie, est postérieure à la date de la décision en litige ; qu'eu égard à ces éléments, le comptable public a proposé à l'intéressé, qui a refusé, de substituer au règlement mensuel de 200 euros un règlement de 300 euros par mois jusqu'en septembre 2008, suivi d'un remboursement mensuel de 700 euros jusqu'à une nouvelle révision de sa situation en octobre 2009 ; qu'en ayant, dans ces conditions, dénoncé l'échéancier initial, le trésorier de Saint-Pol-sur-Mer, qui n'a pas commis d'erreur matérielle sur l'étendue des ressources disponibles de M. A, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions du trésorier de Dunkerque-Malo-les-Bains tendant " à qualifier et sanctionner au besoin la résistance excessive de M. A au recouvrement de sa dette d'origine pénale " :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur les conclusions susmentionnées ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

Considérant que le présent arrêt statue sur la requête présentée par M. A contre le jugement attaqué du 6 septembre 2010 du tribunal administratif de Lille ; que, par suite, la requête n° 12DA00029 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, en application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, devient sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. A à verser à l'Etat, qui au demeurant ne chiffre sa demande que dans l'instance n° 10DA01394, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 10DA01394 de M. A est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 12DA00029 tendant au sursis à exécution du jugement n° 0805369 du 6 septembre 2010 du tribunal administratif de Lille.

Article 3 : M. A versera la somme de 1 500 euros à l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du trésorier de Dunkerque-Malo-les-Bains est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Emmanuel A, au trésorier de Dunkerque-Malo-les-Bains, au directeur régional des finances publiques du Nord/Pas-de-Calais et du département du Nord et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie sera transmise au préfet du Nord et à la chambre régionale des comptes du Nord/Pas-de-Calais.

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Nos10DA01394,12DA00029


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