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16/05/2012 | FRANCE | N°11DA01649

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 5, 16 mai 2012, 11DA01649


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 25 octobre 2011, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me C. Madeline, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101786 du 20 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 mai 2011 du préfet de l'Eure lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'off

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2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eur...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 25 octobre 2011, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me C. Madeline, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101786 du 20 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 mai 2011 du préfet de l'Eure lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SELARL Eden avocats, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Maryse Pestka, premier conseiller ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que cet article permettait la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, depuis l'intervention de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " " sur le fondement du troisième alinéa " de l'article L. 313-10 ; que, par cette référence au troisième alinéa de l'article L. 313-10, le législateur avait entendu, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 20 novembre 2007, limiter le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission était sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, laquelle, à la date de la décision attaquée, était annexée à l'arrêté des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration du 18 janvier 2008 susvisé ; que toutefois, l'article L. 313-14 ne fait, en tout état de cause, pas obstacle à l'exercice, par l'autorité administrative, du pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle dont il justifierait ; qu'il en va ainsi, notamment, dans l'hypothèse où l'étranger solliciterait sa régularisation aux fins d'exercer une activité ne figurant pas sur la liste précédemment mentionnée ;

Considérant qu'il est constant que M. A, ressortissant mauritanien déclarant être entré en France en octobre 2003, à l'âge de 32 ans, dont la demande d'asile a fait l'objet, de la part de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, d'une décision de rejet en date du 29 avril 2004, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 27 avril 2005, et dont il est constant qu'il a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour au titre de son état de santé du 6 février 2006 au 19 juillet 2006, du 8 novembre 2006 au 25 avril 2007, puis du 26 novembre 2007 au 25 novembre 2008, a demandé son admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 précitées ;

Considérant d'une part que le métier de manoeuvre, pour lequel M. A se prévaut d'une promesse d'embauche, ne figurait pas sur la liste, annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 susvisé, des métiers caractérisés par des difficultés de recrutement en Haute-Normandie ; que le requérant n'entrait dès lors pas dans le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;

Considérant d'autre part que, si le requérant soutient que son admission exceptionnelle au séjour se justifiait par l'ancienneté de son séjour en France, son insertion professionnelle, la présence en France de son enfant mineur et son état de santé, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a travaillé pendant des périodes très discontinues entre septembre 2006 et avril 2011 dans le cadre de missions temporaires ; qu'à supposer qu'il ait fait état, lors de sa demande, d'éléments relatifs à ses liens familiaux en France et à son état de santé, il n'a reconnu l'enfant B, né à Evreux le 1er mars 2010, que le 6 juin 2011, soit postérieurement à la décision attaquée, et ne produit, s'agissant de son état de santé, que des documents peu circonstanciés et en majorité postérieurs à cette décision ; que ces éléments ne suffisent pas à établir que le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant la régularisation sollicitée ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le requérant fait valoir qu'il est le père d'un enfant né en France le 1er mars 2010 de son union avec une ressortissante malienne titulaire d'une carte de résident, il n'établit pas qu'il entretient des relations intenses et régulières avec cet enfant, qu'il n'a reconnu, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le 6 juin 2011, ni avec la mère de celui-ci ; qu'ainsi, le moyen tiré par l'intéressé, qui a par ailleurs déclaré qu'il était également père de deux enfants vivant avec leur mère au Sénégal, de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnaîtrait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A mène, avec l'enfant né en France le 1er mars 2010 de son union avec une ressortissante malienne résidant régulièrement sur le territoire national, qu'il n'a reconnu que le 6 juin 2011, une vie familiale réelle ; que, dans ces conditions, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, le refus de séjour attaqué ne peut être regardé comme étant entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, le moyen soulevé à l'encontre de la décision faisant obligation au requérant de quitter le territoire français et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil susvisée : " 1. Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement (...) indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. / Les informations relatives aux motifs de fait peuvent être limitées lorsque le droit national permet de restreindre le droit à l'information, en particulier pour sauvegarder la sécurité nationale, la défense et la sécurité publique, ou à des fins de prévention et de détection des infractions pénales et d'enquêtes et de poursuites en la matière (...) " qu'aux termes de l'article 7 de cette directive, relatif au départ volontaire : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. / (...) / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) / - refusent une autorisation (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 511-1 précitées, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 étaient, en tant qu'elles prévoyaient que l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation, incompatibles avec les objectifs de l'article 12 précité de la directive du 16 décembre 2008, dont le délai de transposition expirait le 24 décembre 2010 ; que, par suite, il y a lieu d'en écarter l'application ; que, toutefois, trouvent, dès lors, à s'appliquer les dispositions précitées des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, qui imposent la motivation des décisions refusant la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, ou retirant un tel titre, mais également de celles faisant obligation de quitter le territoire français, lesquelles constituent des mesures de police ; que les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, en ce qu'elles s'appliquent à une telle obligation, sont propres à assurer la transposition du 1. de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008, et ne sont pas incompatibles avec les objectifs de cet article ; que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; que, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation n'implique pas de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dispositions légales au regard desquelles doit être apprécié le caractère suffisant ou non de cette motivation ;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutient M. A, aucune disposition de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 n'impose à l'autorité administrative de motiver spécifiquement le délai de départ volontaire imparti à l'étranger lorsque la durée de ce délai est comprise, comme en l'espèce, entre les limites de sept et trente jours fixées au 1. de cet article ;

Considérant, enfin, qu'une " prolongation " de délai s'applique à un délai initial préalablement imparti ; qu'ainsi, si les dispositions du 2. de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 précitée impliquent que le délai de départ volontaire de droit commun compris entre sept et trente jours puisse faire l'objet, si nécessaire, d'une " prolongation " d'une durée appropriée tenant compte des circonstances propres à chaque cas, elles n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, se prononce a priori sur les circonstances particulières qui pourraient, le cas échéant, justifier une prolongation ultérieure de ce délai ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, le requérant ne saurait utilement contester, par un moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, l'absence de prolongation du délai de départ d'un mois qui lui est imparti pour quitter volontairement le territoire, qu'à l'encontre d'une décision refusant une éventuelle demande de prolongation dudit délai ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision faisant obligation au requérant de quitter le territoire français doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°11DA01649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 11DA01649
Date de la décision : 16/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Foucher
Rapporteur ?: Mme Maryse Pestka
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-05-16;11da01649 ?
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