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20/09/2012 | FRANCE | N°12DA00397

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 20 septembre 2012, 12DA00397


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 8 mars 2012 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 19 avril 2012, présentée pour M. Abderrazek A, demeurant ..., par Me E. Lequien, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106076 du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2011 du préfet du Pas-de-Calais rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le terri

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 8 mars 2012 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 19 avril 2012, présentée pour M. Abderrazek A, demeurant ..., par Me E. Lequien, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106076 du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2011 du préfet du Pas-de-Calais rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et décidant qu'il pourrait être reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il établit être légalement admissible ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à Me E. Lequien dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain modifié du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative à la décision de retour ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christophe Hervouet, président-assesseur,

- les observations de Me E. Lequien, avocat, pour M. A ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain, relève appel du jugement du 30 décembre 2011, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 avril 2011 du préfet du Pas-de-Calais rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et décidant qu'il pourrait être reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il établit être légalement admissible ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour " ;

Considérant que M. A a sollicité le 25 mars 2011 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissante française ; que les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obligation, à toute personne qui en demande le bénéfice, de présenter un visa de long séjour ; que si le requérant est entré en Espagne le 18 mars 2010, muni d'un visa de court séjour " Etats Schengen " valable du 17 mars au 17 avril 2010, il ne justifie pas, par la simple production, en appel, de billets de train non nominatifs, être entré régulièrement en France pendant la durée de validité de son visa de court séjour ; qu'il n'est pas davantage établi qu'il séjournait en France avec sa conjointe depuis plus de six mois à la date de la décision litigieuse ; que, dans ces conditions, M. A ne pouvait pas prétendre à la délivrance d'un visa de long séjour sur le fondement de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que M. A soutient justifier d'une vie commune depuis janvier 2011, avec une ressortissante de nationalité française qu'il a épousée le 5 mars 2011 ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'il était marié depuis seulement un mois à la date de la décision contestée ; qu'il n'est pas isolé au Maroc où résident notamment ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans ; que, dans ces conditions et eu égard au caractère très récent de son mariage, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doit être écarté ;

Considérant que, M. A n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Pas-de-Calais n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du même code, de consulter la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; qu'ainsi, le moyen tiré d'un vice de procédure affectant la décision de refus de séjour ne peut qu'être écarté ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante de nationalité française ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant que tout justiciable peut faire valoir, par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives, y compris en ce qu'elles ne prévoient pas des droits ou des obligations prévues par ces dernières ; qu'il peut également se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; qu'en revanche, lorsque ces mesures de transposition ont été prises, il ne saurait se prévaloir de telles dispositions d'une directive au soutien d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, sauf pour lui à soutenir à bon droit que ces mesures de transposition seraient néanmoins incompatibles avec les objectifs de la directive ;

Considérant, qu'aux termes de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; qu'aux termes de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction à la date de l'arrêté en litige : " L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) / - refusent une autorisation (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 sont précises et inconditionnelles ; que, par suite, le délai de transposition de cette directive prévu à l'article 20 ayant expiré le 24 décembre 2010, elles sont d'effet direct ; que les dispositions précitées de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec celles précitées du 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 et, qu'en conséquence, ces dispositions législatives doivent demeurer inappliquées ; que, toutefois, trouvent, dès lors, à s'appliquer les dispositions précitées des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, qui imposent la motivation des décisions refusant la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, ou retirant un tel titre, mais également de celles faisant obligation de quitter le territoire français, lesquelles constituent des mesures de police ; que les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, en ce qu'elles s'appliquent à une telle obligation, sont propres à assurer la transposition du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008, et ne sont pas incompatibles avec les objectifs de ce paragraphe, ce qui n'est au demeurant pas contesté ; que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; que, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dispositions légales au regard desquelles doit être apprécié le caractère suffisant ou non de cette motivation ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux indiqués précédemment, M. A n'établit pas, en invoquant les éléments de fait susmentionnés, que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences ou méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abderrazek A et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

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N°12DA00397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00397
Date de la décision : 20/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Christophe Hervouet
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : LEQUIEN - LACHAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-09-20;12da00397 ?
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